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Une rente en accident du travail peut-elle être cumulée avec les indemnités AMI ?

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 19 décembre 2012, R.G. 2011/AB/515

Mis en ligne le mardi 30 avril 2013


Cour du travail de Bruxelles, 19 décembre 2012, R.G. n° 2011/AB/515

TERRA LABORIS ASBL

Dans un arrêt du 19 décembre 2012, la Cour du travail de Bruxelles rappelle les conditions dans lesquelles le cumul peut intervenir, au sens de l’article 136, § 2 de la loi cordonnée le 14 juillet 1994, entre les indemnités AMI et une indemnisation en vertu d’une autre législation ou du droit commun.

Les faits

Suite à un accident du travail, survenu le 15 septembre 2000, Monsieur M. se voit allouer une allocation annuelle sur la base d’une incapacité permanente de 10%, et ce à partir du 5 novembre 2001. Il a toutefois bénéficié d’indemnités de mutuelle depuis le 4 décembre 2000. Cinq ans plus tard, le Conseil Médical de l’Invalidité considère qu’il n’y a plus 66% de perte de capacité de gain. Cette décision est contestée devant le tribunal du travail.

Décision du tribunal

Le tribunal entérine, par jugement du 5 mai 2011, le rapport de l’expert judiciaire qu’il avait précédemment désigné, concluant à une incapacité de travail de plus de 66% à la date litigieuse. L’expert précise qu’il s’agit des séquelles douloureuses de l’accident du travail tel que vécu par le patient dans le cadre de sa structure de personnalité.

Pour le tribunal, la demande n’est pas fondée, dans la mesure où l’incapacité est imputée à l’accident du travail.

Un recours est introduit.

Décision de la Cour

La cour statue dans le cadre de la loi coordonnée le 14 juillet 1994, dont elle reprend l’article 100, qui définit l’incapacité de travail dans ce régime. Elle rappelle les trois conditions requises pour l’indemnisation, étant la cessation de l’activité, en conséquence directe du début ou de l’aggravation des lésions ou troubles fonctionnels, ceux-ci devant entraîner une réduction de 2/3 au moins de la capacité de travail.

Elle reprend ensuite les critères d’évaluation de l’incapacité, étant qu’il faut prendre en compte l’ensemble des lésions et troubles fonctionnels subis au moment de l’interruption et non uniquement ceux qui ont entraîné celle-ci. C’est l’ensemble qui doit dès lors retenu pour apprécier la capacité de travail.

Dans un deuxième stade, étant celui de l’indemnisation, il faut appliquer les principes de l’article 136, § 2, alinéa 1er et éventuellement déduire la rente (ou l’allocation) en accident du travail si une partie de l’incapacité lui est imputable. Elle reprend ici le raisonnement développé dans plusieurs arrêts rendus sur la question, étant que (i) l’incapacité doit être appréciée en fonction de l’ensemble des lésions et troubles fonctionnels quelle qu’en soit l’origine, (ii) si le pourcentage de 66% est atteint pour des pathologies autres que celles liées à l’accident du travail le cumul est possible entre la rente et les indemnités AMI et (iii) si ce n’est pas le cas, (le taux de 66% tenant compte des séquelles de l’accident du travail), il ne peut y avoir cumul et la rente doit être déduite des indemnités AMI.

En d’autres termes et tel que ceci été développé dans un arrêt du 23 février 2012 (C. trav. Bruxelles, 23 février 2012, R.G. 2010/AB/100, www.terralaboris.be), si l’assuré social bénéficie d’une indemnisation en vertu d’une autre législation ou en vertu du droit commun - celle-ci étant inférieure aux prestations AMI -, le bénéficiaire a droit à la différence à charge de ce secteur.

En l’espèce,

  • il y a incapacité de plus de 66% au sens de l’article 100. L’incidence des séquelles de l’accident du travail n’intervient pas à ce stade ;
  • l’expert a admis la perte de plus de 2/3 de la capacité de gain à une date ultérieure à la consolidation, le taux d’incapacité permanente visant par ailleurs la réduction permanente de la capacité de travail. Les taux ainsi retenus pour les séquelles de l’accident du travail (10%) et en indemnisation AMI (plus de 66%) concernent en réalité un même dommage au sens de l’article 136, § 2.

En conséquence, la cour considère qu’il y a lieu d’allouer les indemnités sous déduction du montant de la rente en accident du travail. Elle réforme dès lors le jugement du tribunal, qui n’avait pas suivi ces principes.

Intérêt de la décision

L’interdiction de cumul d’indemnisation prévue à l’article 136, § 2 de la loi coordonnée le 14 juillet 1994 est délicate.

Le raisonnement de la cour du travail est à cet égard clair, exigeant que l’on procède d’abord à l’examen de l’évaluation de la perte de capacité globale, dans le cadre de l’article 100, et ce sans en identifier les causes et, ensuite, que l’on détermine si la perte des 2/3 de la capacité est acquise ou non en tenant compte d’une indemnisation dans un autre régime, ici, en accident du travail. En conséquence, si le taux de 66% existe indépendamment des séquelles de l’accident, le cumul est possible. Il ne l’est pas dans l’hypothèse inverse.


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