Terralaboris asbl

Allocations familiales dans le secteur des travailleurs indépendants : que signifie avoir la même résidence principale que ses enfants ?

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 14 décembre 2012, R.G. 2011/AB/643

Mis en ligne le mardi 30 avril 2013


Cour du travail de Bruxelles, 14 décembre 2012, R.G. n° 2011/AB/643

TERRA LABORIS ASBL

Dans un arrêt du 14 décembre 2012, la Cour du travail de Bruxelles rappelle que l’objectif du législateur dans l’élaboration de l’article 69, § 1er, alinéa 3 des lois coordonnées du 19 décembre 1939 (secteur salarié) et organisé dans le secteur indépendant par l’article 31, § 1er, 4° de l’arrêté royal du 8 avril 1976 est la simplification des règles, et ce notamment lorsqu’il s’agit de déterminer le lieu de résidence principale des enfants.

Les faits

Le père (divorcé) de trois enfants demande en justice le paiement des allocations familiales. Se pose devant le tribunal du travail la question de la détermination de l’allocataire et c’est la mère est désignée comme telle pour les trois enfants. La caisse d’allocations familiales du père, qui avait cependant déjà payé les allocations à de dernier, interjette appel afin que ce soit lui qui soit désigné come allocataire, en tout cas pour une première période.

Décision de la Cour

La cour est dès lors saisie de la seule question de la détermination de l’allocataire dans le régime des travailleurs indépendants, organisé par l’arrêté royal du 8 avril 1976. Elle rappelle dès que son article 31, § 1er, 4° prévoit comme allocataire la mère, dans l’hypothèse où l’autorité parentale au sens de l’article 364 du Code civil est exercée conjointement par les parents (de sexe différent) qui ne cohabitent pas et où l’enfant n’est pas élevé exclusivement ou principalement par un autre allocataire.

Le texte prévoit cependant que le père peut faire la demande en vue de percevoir les allocations familiales si l’enfant et lui-même ont la même résidence principale.

La cour précise ainsi qu’est allocataire le père qui en fait la demande, si les enfants sont inscrits à son domicile.

L’arrêté royal prévoit également que le parent qui n’est pas allocataire au sens des règles ci-dessus peut cependant demander au tribunal de désigner l’allocataire. La disposition en cause dispose, en effet, in fine que, lorsque les parents ne s’accordent pas sur l’attribution des allocations familiales, ils peuvent demander au tribunal du travail de désigner l’allocataire. Cet article a fait l’objet d’une précision, par la Cour de cassation. Dans son arrêt du 4 mai 2009 (Cass., 4 mai 2009, S.08.0080.N), la Cour suprême a en effet considéré que les deux parents peuvent chacun saisir le tribunal pour entendre désigner l’allocataire dans l’intérêt de l’enfant. Dans son pouvoir d’appréciation, le tribunal peut donc désigner un parent autre que celui qui serait désigné en cas de simple application de la disposition en cause, et ce dans l’intérêt de l’enfant.

La cour va dès lors appliquer cette hypothèse au cas d’espèce. Le père a demandé à percevoir les allocations familiales en mars 2010. Des procédures étant intervenues dans le cadre de la séparation des parents, les enfants sont domiciliés chez lui, en vertu d’ordonnances de référé. La cour constate dès lors que les deux seules conditions mises par l’article 34, § 1er, 4° de l’arrêté royal sont remplies.

Contrairement à l’avis du ministère public, la cour ne considère pas que l’inscription au registre de la population ne suffit pas et qu’il conviendrait de rapporter en outre la preuve que les enfants résident de manière effective chez le père. La cour renvoie aux règles dans le secteur des travailleurs salariés, où la même condition existe, étant la nécessité pour le père et les enfants d’avoir la même résidence principale. Dans ce régime, pour l’ONAFTS, le registre national est considéré comme le seul moyen de preuve. La cour précise en outre que cette règle a été introduite suite à une proposition d’amendement à l’initiative du Comité de gestion de l’ONAFTS. Il s’agit par là d’éviter de faire trancher par les gestionnaires des caisses des allocations familiales des conflits relatifs à la résidence effective des enfants, et ce d’autant que ceux-ci portent souvent sur des situations passées dont il est difficile de reconstituer la chronologie exacte. La cour relève encore que lors de la discussion parlementaire il a été précisé par la Ministre que cet amendement était de bon sens.

La règle telle que retenue par la cour est dès lors qu’en cas de séparation et de co-parenté, la notion de résidence effective est généralement inopérante et est trop fluctuante pour permettre une gestion efficace du régime d’allocations. Le législateur a voulu simplifier les règles et cet objectif ne pourrait être atteint s’il fallait procéder à des vérifications systématiques au cas par cas du lieu de résidence principale. Par ailleurs, si l’hébergement est égalitaire, le caractère principal d’une des deux résidences est impossible.

En conséquence, retenant que les parents ne s’entendent pas sur la désignation de l’allocataire et que le juge doit désigner celui-ci, la cour conclut qu’il n’est pas démontré par la mère que l’intérêt des enfants justifierait un autre allocataire que le père. Des procédures antérieures il ressort encore qu’un accord a été obtenu entre les parties pour le versement des allocations à celui des deux parents qui doit effectuer le paiement de frais spéciaux et, pour la cour, c’est celui qui supporte le plus ceux-ci qui doit logiquement recevoir les allocations. Celles-ci doivent être payées au père.

Le jugement est dès lors réformé.

Intérêt de la décision

Ce bref arrêt de la Cour du travail de Bruxelles rappelle l’objectif de simplification poursuivi par le législateur dans le régime des allocations familiales des travailleurs salariés et des travailleurs indépendants. L’article 34, § 1er, 4° de l’arrêté royal du 8 avril 1976 contient deux règles étant que (i) les allocations sont payées à la mère dans les conditions qu’il définit mais que le père peut, si ses enfants sont domiciliés chez lui, introduire une demande pour être désigné et (ii) en cas de désaccord des parents, ils peuvent l’un ou l’autre demander au tribunal de désigner l’allocataire. Cette seconde hypothèse intervient lorsque l’intérêt de l’enfant le commande.


Accueil du site  |  Contact  |  © 2007-2010 Terra Laboris asbl  |  Webdesign : michelthome.com | isi.be