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Congé parental et indemnité de rupture : calcul sur la base d’un temps plein

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 9 novembre 2012, R.G. 2011/AB/648

Mis en ligne le mardi 7 mai 2013


Cour du travail de Bruxelles, 9 novembre 2012, R.G. n° 2011/AB/648

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 9 novembre 2012, statuant sur renvoi après l’arrêt de la Cour de cassation du 15 février 2010, la Cour du travail de Bruxelles confirme la base du calcul de l’indemnité de rupture en cas de congé parental : il s’agit du temps plein.

Rétroactes

Une employée en congé parental pour une période de six mois du 18 novembre 2002 au 17 mai 2003 fut licenciée le 8 mai 2003 moyennant payement d’une indemnité de 10 mois de rémunération. L’employeur calcula celle-ci sur la base d’un mi-temps. Les motifs annoncés étaient d’ordre économique.

Une procédure fut introduite devant le Tribunal du travail de Turnhout le 12 décembre 2003, demandant, outre une indemnité de protection, un complément d’indemnité.

Rétroactes de la procédure

Le premier juge fit partiellement droit à la demande, calculant cependant les montants alloués sur la base d’un mi-temps. L’indemnité de protection fut accordée au motif que la société n’établissait pas l’existence des raisons économiques invoquées.

La Cour du travail d’Anvers rendit un arrêt le 28 février 2006 rejetant l’appel de l’intéressée, qui demandait une indemnisation sur la base d’un temps plein. L’arrêt fit toutefois droit à la demande de la société, admettant l’existence de motifs d’ordre économique. L’indemnité de protection fut dès lors rejetée.

Un pourvoi en cassation fut introduit le 13 mars 2007 et la Cour suprême considéra par arrêt du 25 février 2008 devoir interroger la Cour de Justice sur l’interprétation de la clause 2 (points 4 à 7) de l’accord-cadre sur le congé parental conclu le 14 décembre 1995, figurant en annexe de la directive 96/34/CE du Conseil du 3 juin 1996 sur le congé parental, modifiée par la directive 97/75/CE du Conseil du 15 décembre 1997.

Par arrêt du 22 octobre 2009 (C.J.U.E., 22 octobre 2009, Aff. C-116/08), la Cour de justice considéra que la clause 2 (points 6 et 7 de l’accord-cadre) devait être interprétée en ce sens qu’elle s’opposait à ce que, en cas de résiliation unilatérale par l’employeur, sans motif grave ou sans respecter le délai légal de préavis, du contrat de travail d’un travailleur engagé à durée indéterminée et à temps plein alors qu’il bénéficiait d’un congé parental à temps partiel, l’indemnité à verser à ce travailleur soit déterminé sur la base de la rémunération réduite perçue au moment du licenciement.

En conséquence, dans un arrêt ultérieur du 15 février 2010, la Cour de cassation a cassé l’arrêt de la Cour du travail d’Anvers et renvoyé la cause devant la Cour du travail de Bruxelles. Dans cet arrêt, la Cour de cassation considéra, dans le cadre de l’article 103 de la loi de redressement du 22 janvier 1985 contenant des dispositions sociales, que le délai de préavis notifié au travailleur qui avait réduit ses prestations de travail conformément à l’article 102, devait voir son délai de préavis calculé comme s’il n’y avait pas eu cette réduction. Pour la Cour de cassation, il faut tenir compte de ce même délai de préavis pour déterminer l’indemnité prévue à l’article 39 de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail. L’indemnité de congé doit dès lors être calculée en fonction de la rémunération qui aurait été perçue si le travailleur avait été occupé à temps plein au moment de la notification de la résiliation du contrat de travail.

L’arrêt de la Cour du travail de Bruxelles du 9 novembre 2012

Après avoir repris ces rétroactes, la cour du travail se réfère longuement à l’arrêt de la Cour de cassation, dont elle reprend la motivation.

La Cour du travail de Bruxelles va dès lors souscrire pleinement à la conclusion de la Cour de cassation dans son arrêt du 15 février 2010 et considérer qu’il faut allouer à l’intéressée l’indemnité sur la base d’un temps plein.

Elle va en outre réserver des développements complémentaires sur la question de la protection contre le licenciement, reprenant les termes de l’article 101 de la même loi.

La cour souligne le point 14 de l’arrêt de la Cour de cassation, qui avait relevé que la société avait choisi de licencier l’employée en raison du fait qu’à la fin de son congé parental celle-ci devait à nouveau être occupée à temps plein (ses droits à l’interruption de carrière étant entièrement épuisés à ce moment) et que, eu égard à la grave crise économique affectant la société ainsi qu’au manque de travail en résultant, une occupation à temps plein n’était pas envisageable : par ce motif, il était établi par la Cour du travail d’Anvers que l’intéressée avait également été licenciée en raison du droit qu’elle tenait de l’article 107bis de la loi de redressement, de sorte que le juge ne pouvait pas en conclure que le congé avait été donné pour des motifs étrangers à la réduction des prestations de travail due à l’exercice du droit au congé parental. Il y avait dès lors violation de l’article 101 de la loi de redressement.

La Cour du travail de Bruxelles rappelle également que l’intéressée a été licenciée pendant la période de protection et que le motif du licenciement (retenu par la Cour du travail d’Anvers) est encore confirmé dans les conclusions de la société après cassation. Pour la cour, le licenciement est de la sorte intervenu en contravention avec les droits du travailleur tels que définis dans l’article 107bis de la loi. L’indemnité de protection doit dès lors être allouée et la Cour du travail de Bruxelles y fait droit.

Intérêt de la décision

Cette décision de la Cour du travail de Bruxelles constitue manifestement le terme de cette longue affaire, dans laquelle la Cour de cassation avait elle-même posé une question à la Cour de Justice. La décision de la Cour de Justice est bien connue, les principes qu’elle a rappelés dans son arrêt sur la réglementation communautaire et sur les effets qu’il y a lieu d’y donner en droit interne ayant été souvent commentés. La Cour de cassation cassa, conformément aux principes retenus dans cet arrêt, la décision de la Cour du travail d’Anvers et la Cour du travail de Bruxelles, saisie sur renvoi, confirme en tous points la position de la Cour de cassation, tant en en ce qui concerne la rémunération de base de l’indemnité de congé que l’indemnité de protection due.


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