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Indépendants et assurance faillite : conditions à remplir

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 12 octobre 2012, R.G. 2012/AB/47

Mis en ligne le mardi 14 mai 2013


Cour du travail de Bruxelles, 12 octobre 2012, R.G. n° 2012/AB/47

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 12 octobre 2012, la Cour du travail de Bruxelles rappelle les deux mécanismes mis en place par l’arrêté royal du 18 novembre 1996, étant d’une part l’assurance prévue pour les indépendants en difficulté et d’autre part l’assurance faillite.

Les faits

En février 2010, un commerçant demande en février 2010 à bénéficier de l’assurance prévue par l’arrêté royal du 18 novembre 1996, en faveur des indépendants en difficulté (article 2bis, alinéa 2, 3e tiret). La Caisse d’assurances sociales refuse et un recours est introduit devant le Tribunal du travail de Bruxelles en mars 2010.

La faillite personnelle de l’intéressé est déclarée en juillet 2010. Celui-ci demande, dès lors, à bénéficier de l’assurance faillite prévue par le même arrêté royal (article 2), demande qui est également refusée, l’intéressé étant toujours assujetti au statut social en tant que mandataire de société.

Un recours est introduit devant le tribunal du travail.

Décision du tribunal du travail

Par jugement du 8 décembre 2011, le tribunal fait droit à la demande et met à néant les deux décisions de la Caisse, considérant que l’intéressé devait avoir droit à l’assurance prévue pour les indépendants en difficulté en ce qui concerne sa première demande et à l’assurance faillite, ensuite. Appel est interjeté par la Caisse.

Décision de la cour du travail

La cour est ainsi amenée à examiner les deux assurances, dont elle rappelle les conditions dans lesquelles elles peuvent être actionnées.

Les deux mécanismes sont organisés par l’arrêté royal du 18 novembre 1996 (arrêté royal instaurant une assurance sociale en faveur des travailleurs indépendants en cas de faillite, de situations y assimilées ou de cessation forcée Intitulé en vigueur depuis la loi du 16 janvier 2013), qui permet d’ouvrir temporairement des droits en matière d’AMI et de prestations familiales ainsi que d’obtenir une prestation financière à caractère temporaire, et ce en cas de faillite.

Le texte a été complété d’un article 2bis introduit par la loi du 19 juin 2009 permettant aux indépendants en difficulté de bénéficier temporairement de cette assurance sociale. Celui-ci permet en effet d’assurer cette aide pendant une durée maximum de six mois dans des conditions à déterminer par le Roi par arrêté délibéré en Conseil des ministres.

Cet arrêté royal définit ce qu’il faut entendre par indépendant en difficulté, c’est-à-dire, (i) l’indépendant qui fait l’objet d’une réorganisation judiciaire, (ii) celui qui est dans l’impossibilité de satisfaire à ses dettes exigibles et (iii) celui qui est confronté à une diminution considérable de son chiffre d’affaires ou de ses revenus, le mettant dans une situation économique telle qu’il y a un risque de faillite ou de déconfiture.

Des critères ont été adoptés, permettant d’apprécier s’il y a diminution considérable du chiffre d’affaires ou des revenus, au sens de cette disposition, et ce dans une annexe à un arrêté ministériel du 18 novembre 2009 (M.B., 12 février 2010). Sept critères sont repris dans cette annexe et il y a lieu de répondre à deux de ceux-ci. La cour examine ceux qui sont applicables en l’espèce, étant l’existence d’un plan d’apurement pour le paiement de dettes personnelles relatives à la T.V.A. ainsi qu’aux impôts et aux cotisations sociales (dans les deux statuts - d’indépendant et de salarié), l’existence d’une procédure en justice relative à certaines de ces dettes personnelles et l’annulation d’un crédit de caisse.

Examinant les éléments de l’espèce, la cour constate qu’il n’est pas satisfait à ce dernier critère mais bien aux deux premiers, vu l’existence de procédures judiciaires. Il pouvait dès lors bénéficier de l’assurance prévue en faveur des indépendants en difficulté conformément à l’article 2bis, alinéa 2, 3e tiret.

Quant à l’assurance faillite, celle-ci permet d’ouvrir des droits dans les deux régimes visés ci-dessus, étant les soins de santé et les allocations familiales. Les conditions mises sont au nombre de cinq, soit (i) avoir été assujetti au statut social pendant les quatre trimestres précédant celui qui suit le jugement déclaratif de faillite, (ii) être redevable de cotisations pour cette période, dans le cadre d’une activité exercée à titre principal, (iii) ne pas exercer d’activité professionnelle ou ne pas pouvoir prétendre à une pension de retraite, (iv) ne pas bénéficier de prestations sociales au moins égales à celles existant dans le cadre du statut social et (v) avoir sa résidence en Belgique.

De ces cinq conditions, trois doivent être remplies et, en l’espèce, la cour constate qu’à côté de l’activité exercée et qui a donné lieu à la faillite, l’intéressé a été gérant de sociétés. Il faut dès lors vérifier si les mandats ainsi exercés peuvent être compris comme signifiant l’exercice d’une activité professionnelle.

Après avoir repris l’arrêt de la Cour constitutionnelle du 3 novembre 2004 (arrêt n° 176/2004) admettant le renversement de la présomption légale, la cour constate que, en vertu des statuts des deux sociétés, il n’était pas exclu que les mandats soient rémunérés, ceci étant laissé à l’appréciation de l’Assemblée générale. En outre, l’absence de lucre n’est pas rapportée.

Cependant, la cour constate qu’elle reste dans le flou en ce qui concerne les conditions réelles d’exercice, la question continuant à se poser de savoir si la société avait réellement une activité ou non et quand celle-ci a démarré.

Elle va dès lors ordonner la réouverture des débats sur cette question tout en relevant que l’incidence d’une éventuelle activité de gérant devrait être appréciée différemment selon qu’il s’agit d’ouverture de droit en soins de santé et aux prestations familiales (question réglée par l’article 4, § 1er ) ou pour la prestation financière (visée à l’article 4, § 2 et 7). La date à laquelle l’activité professionnelle doit avoir pris fin est en effet différente dans chacune des deux hypothèses, l’ouverture des droits aux soins de santé posant par ailleurs des difficultés d’interprétation en ce qui concerne la portée du texte.

La cour considère dès lors que, si l’intéressé ne renversait pas la présomption liée à son mandat, il faudrait approfondir la question de savoir si celui-ci exige que l’activité ait cessé le premier jour du trimestre qui suit celui du jugement déclaratif de faillite ou si - en cas d’arrêt de l’activité après cette date - le droit est ouvert à partir du jour de l’arrêt de cette activité. La période ayant une durée de douze mois, se pose également la question de savoir dans cette deuxième hypothèse si elle va couvrir le solde des douze mois étant la période qui a pris cours le premier jour du trimestre suivant le jugement déclaratif de faillite.

Intérêt de la décision

Cet arrêt est rendu avant que n’ait été adoptée la loi du 16 janvier 2013, qui a étendu l’assurance faillite pour indépendants à certains cas de cessation forcée. Une distinction est actuellement faite entre trois catégories de bénéficiaires, étant

  • les faillis (indépendants faillis, gérants, administrateurs et associés actifs d’une société commerciale déclarée en faillite), pour lesquels existe l’assurance faillite en cas de faillite,
  • les autres indépendants étant dans l’impossibilité de faire face à leurs dettes exigibles ou à échoir, pour lesquels il existe l’assurance faillite en cas de règlement collectif de dettes ainsi que
  • les indépendants forcés de cesser leur activité indépendante pour des raisons indépendantes de leur volonté et qui se retrouvent sans aucun revenu professionnel ni revenu de remplacement, pour qui existe l’assurance faillite en cas de cessation forcée.

La troisième catégorie est nouvelle et elle a fait l’objet d’un arrêté d’exécution de la loi du 16 janvier 2013 en date du 13 mars 2013. Les événements dont les indépendants peuvent avoir été victime, indépendamment de leur volonté, et qui ont rendu temporairement ou définitivement impossible l’exercice de leur activité indépendante sont répertoriés. Il s’agit des calamités naturelles, de l’incendie, de la destruction des bâtiments ou de l’outillage, ainsi que d’allergies dont pourrait souffrir le travailleur indépendant et pour lesquelles il ne percevrait pas d’indemnité.


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