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Droit au bonus : rappel des principes

Commentaire de Trib. trav. Liège, 10 avril 2008, R.G. 368.792

Mis en ligne le mardi 11 juin 2013


Tribunal du travail de Liège, 10 avril 2008, R.G. n° 368.792

TERRA LABORIS Asbl

Dans un jugement du 10 avril 2008, le Tribunal du travail de Liège se livre à un rappel des règles sur la divisibilité des primes sur objectifs, ainsi que sur leur caractère rémunératoire.

Les faits

Une employée administrative avait, dans son contrat de travail, une clause relative à l’octroi d’une prime annuelle « bonus scheme », prime dépendant des performances financières de la société.

Lors de la rupture du contrat (intervenue d’un commun accord), l’intéressée sollicite le paiement de ce bonus. Celui-ci est de l’ordre de près de 12.000 euros.

La position des parties

La demanderesse considère avoir droit au bonus, sans condition, celui-ci ayant un caractère rémunératoire.

La société s’oppose au paiement de celui-ci, faisant valoir qu’il est de « maximum 25% de la rémunération annuelle » sans autre précision et, surtout, qu’il est payable pour autant que la personne soit toujours sous contrat lors du paiement. L’intéressée ayant quitté en début d’année, et ce à sa demande, la société considère n’être redevable d’aucune somme au titre de bonus, celui-ci étant payable dans le cours du mois de mars. La société fait en outre valoir que le droit à une prime implique que celle-ci soit générale, indépendante de la volonté unilatérale de l’employeur et qu’elle puisse être déterminée selon des normes préexistantes. En l’espèce, cette prime ne serait pas payée à l’ensemble du personnel et ne serait par ailleurs pas retenue de façon constante dans le temps. Elle fait également valoir le caractère purement potestatif de l’engagement ainsi que la nullité subséquente de celui-ci, en vertu de l’article 1174 du Code civil.

La position du Tribunal

Le Tribunal reprend les principes dégagés par la Cour de cassation en matière d’octroi de primes. Il rappelle tout d’abord l’arrêt du 9 septembre 1985 (Cass., 1985, J.T.T., 1986, 162), selon lequel lorsqu’une prime est la contrepartie du travail effectué en exécution du contrat de travail, cette rémunération s’acquiert au fur et à mesure de la fourniture du travail. Elle est dès lors divisible. Le Tribunal rappelle que cet arrêt consacre le principe du paiement de la prime au prorata du nombre de mois prestés, dans l’hypothèse où le travailleur quitte l’entreprise avant l’époque normale du paiement. Dans un arrêt du 24 avril 2006 (Cass., 24 avril 2006, R.G. S.050080.N), la Cour suprême a encore rappelé que, une prime étant en règle la contrepartie des prestations de travail effectuées en exécution du contrat de travail, le droit s’acquiert dans la mesure où les prestations sont effectivement accomplies. La prime est donc divisible.

Le Tribunal reprend également des décisions de fond, dont un arrêt de la Cour du travail de Bruxelles du 8 octobre 1980 (C. Ttrav. Bruxelles, 8 octobre 1980, R.G. 14.568), qui a conclu au caractère rémunératoire de la prime lorsqu’elle constitue une part importante de la rémunération globale du travailleur. La même cour a jugé plus récemment (C. Trav. Bruxelles, 8 juin 2005, J.T.T., 2005, 365) qu’une prime sur objectifs constitue une rémunération variable et qu’en l’absence de fixation d’objectifs annuels par l’employeur qui pourraient donner droit au paiement de cette prime, elle peut être fixée ex aequo et bono.

Dans le même esprit, le Tribunal du travail de Bruxelles a relevé dans un jugement du 20 décembre 2002 (Trib. Trav. Bruxelles, 20 décembre 2002, J.T.T., 2003, 182) que la condition spécifique posée par l’employeur de présence à la date du paiement est contraire à l’obligation de l’employeur de payer la rémunération aux conditions, au temps et au lieu convenus, obligations contenues dans l’article 20, 3°, de la loi sur les contrats de travail. Il s’agit d’une stipulation contraire au sens de l’article 6 de la loi du 3 juillet 1978, dans la mesure où cette liberté contractuelle viendrait ainsi supprimer ou restreindre le paiement de la rémunération perçue.

Pour le Tribunal du travail de Liège, il en découle que (i) la prime constitue en l’espèce un élément de la rémunération puisqu’elle a été calculée sur la base de la rémunération annuelle de l’employée et qu’elle constitue une part importante de celle-ci (25% de la rémunération annuelle), (ii) cette prime est fonction des résultats de l’entreprise, donc des résultats du travail des employés, constituant ainsi une contrepartie des prestations de travail et (iii) le droit à cette prime s’acquiert au fur et à mesure des prestations, celle-ci étant donc divisible.

Le Tribunal relève encore qu’il ne voit pas en quoi l’engagement d’accorder ladite prime serait purement potestatif et relève encore en vertu de l’article 1174 du Code civil seule la condition purement potestative peut entraîner la nullité de la condition résolutoire. Echappent à cette nullité les conditions simplement potestatives qui lient l’obligation pour une part à la volonté du débiteur et pour l’autre à des facteurs externes qui s’imposent à lui (ainsi la survenance d’un événement ou la volonté d’un tiers). Ce n’est pas le cas en l’espèce.

Le tribunal va dès lors faire droit à la demande de l’intéressée.

Intérêt de la décision

Ce jugement du Tribunal du travail de Liège contient un rappel utile des principes en matière d’octroi de primes à caractère rémunératoire et confirme l’illégalité de la condition de présence dans l’entreprise au moment du paiement, celle-ci étant contraire à la loi du 3 juillet 1978.


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