Terralaboris asbl

Pathologie dégénérative devenue symptomatique suite à l’accident et renversement de la présomption légale de causalité

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 12 février 2007, R.G. 43.985

Mis en ligne le vendredi 22 février 2008


Cour du travail de Bruxelles, 12 février 2007, R.G. 43.985

TERRA LABORIS ASBL – Sophie Remouchamps

Dans un arrêt du 12 février 2007, la Cour du travail de Bruxelles, confrontée à un cas où une pathologie dégénérative a été rendue symptomatique par l’accident du travail, écarte l’avis de l’expert judiciaire quant à la non-imputabilité de cette modification de l’état antérieur, les éléments sur lesquels celui s’est fondé ne permettant pas d’exclure le lien causal.

Les faits

Mme D.M. est victime d’un accident du travail en date du 26 juin 2001. La lésion initialement diagnostiquée est un lumbago aigu. Il est ensuite fait état d’une hernie discale mais également de discopathie dégénérative, soit d’un état antérieur.

La Cour du travail désigne, par un premier arrêt du 13 septembre 2004, un expert judiciaire, à qui elle confie la mission, notamment, de donner son avis motivé sur la question de savoir si, avec un haut degré de vraisemblance scientifique, tout lien causal entre les lésions présentées par l’intéressée à la suite de l’événement soudain et celui-ci peut être exclu et si les lésions doivent être attribuées uniquement à l’évolution pathologique d’un état antérieur non modifié, même partiellement, par l’accident.

Dans la cadre de l’expertise, un avis est demandé à un sapiteur radiologue, avis sur lequel s’appuie l’expert pour répondre à sa mission.

Il estime, dans son rapport définitif, que l’accident a entraîné un lumbago aigu et que l’état antérieur, asymptomatique avant l’accident, n’a pas été modifié, même partiellement, par celui-ci. Il propose un taux d’incapacité permanente de 5%, pour les séquelles liées au lumbago.

Les positions des parties

La victime contesta les conclusions du rapport quant à l’absence de lien causal, faisant valoir que l’apparition des douleurs est la suite de l’accident (de même que le traitement chirurgical effectué pour traiter celles-ci) et que les considérations du sapiteur ne permettent pas de conclure à une absence de modification de l’état antérieur par l’accident du travail.

L’entreprise d’assurance fit quant à elle valoir, sur la base du rapport d’expertise, qu’elle renversait la présomption légale.

La décision de la cour

La Cour du travail estime tout d’abord que les éléments du dossier, confirmés par le rapport d’expertise, permettent de retenir comme lésion un lumbago aigu et une discopathie dégénérative des disques L5-S1. La discopathie est un état antérieur à l’accident, asymptomatique avant celui-ci.

Elle examine ensuite s’il peut être conclu au renversement de la présomption, c’est-à-dire, si, par les biais des éléments disponibles, elle peut acquérir la conviction que l’état antérieur n’a en rien été influencé par l’accident.

L’expert ayant répondu par l’affirmative sur la base du rapport de son sapiteur radiologue, c’est à partir de ce dernier que la Cour examine si la position de l’expert peut être retenue.

Or, elle relève, des termes employés par le sapiteur, que ce dernier n’exclut pas un lien causal entre la discopathie et l’accident, de sorte que l’affirmation selon laquelle la discopathie évolue pour son propre compte sans aucune incidence de l’accident n’est pas justifiée à suffisance.

La Cour note par ailleurs que les douleurs aiguà« s et persistantes sont apparues dans les suites immédiates de l’accident et que l’état antérieur n’est pas symptomatique avant celui-ci.

En conséquence, elle estime qu’aucun élément ne prouve que la discopathie dégénérative associée au syndrome douloureux serait apparue de la même manière et dans la même mesure sans l’accident. La présomption n’est pas renversée, l’entreprise d’assurances n’établissant pas que l’accident n’a en rien influencé l’état antérieur.

Avant de statuer sur l’indemnisation proprement dite, la Cour désigne un autre expert et dit pour droit que l’événement soudain a provoqué un lumbago aigu et influencé l’état antérieur.

Intérêt de la décision

Au travers d’une application rigoureuse des principes en matière de renversement de la présomption légale, la Cour du travail donne, dans cet arrêt, de précieuses indications pour les cas – nombreux – où un état antérieur avéré et sévère devient symptomatique après la survenance d’un accident du travail. Un enseignement à retenir !


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