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Non remplacement d’un travailleur en interruption de carrière : délai de l’ONEm pour agir en justice

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 14 février 2013, R.G. 2011/AB/226

Mis en ligne le lundi 17 juin 2013


Cour du travail de Bruxelles, 14 février 2013, R.G. n° 2011/AB/226

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 14 février 2013, la Cour du travail de Bruxelles considère qu’est un délai préfix le délai de deux mois fixé par l’arrêté ministériel du 17 décembre 1991 exécutant l’arrêté royal du 2 janvier 1991 relatif à l’octroi d’allocations d’interruption. A défaut pour l’ONEm d’avoir respecté le délai de deux mois, sa demande est irrecevable.

Les faits

Une employée d’un service public bénéficie d’une réduction de ses prestations de travail. Il s’avère cependant que l’administration ne pourra indiquer à l’ONEm l’identité du remplaçant, de telle sorte que l’Office considère que l’intéressée n’a pas été remplacée. La situation se reproduit pour des périodes ultérieures, de telle sorte que l’ONEm notifie à l’Etat Belge plusieurs décisions réclamant le paiement des indemnités forfaitaires prévues par l’arrêté royal du 17 décembre 1991 qui exécute certaines dispositions de l’arrêté royal du 2 janvier 1991 relatif à l’octroi d’allocations d’interruption.

Un recours est déposé devant le tribunal du travail, qui déboute l’Etat Belge, au motif que les conditions réglementaires du remplacement n’ont pas été respectées.

L’ONEm a cependant introduit une demande reconventionnelle en paiement des indemnités, ainsi que des intérêts judiciaires et des dépens. Celle-ci est considérée par le tribunal comme irrecevable, étant formulée en dehors du délai prévu par l’arrêté ministériel du 17 décembre 1991.

L’ONEm interjette appel.

Décision de la cour du travail

La cour constate que, l’Etat Belge n’ayant pas interjeté appel de son côté, il est acquis aux débats que les obligations en matière d’interruption de carrière n’ont pas été respectées et que se pose uniquement la question de la demande de condamnation aux indemnités (ainsi qu’aux intérêts et aux dépens). Il s’agit ici d’examiner la recevabilité de la demande, introduite par voie de conclusions devant le tribunal en dehors du délai de deux mois prévu à l’arrêté ministériel du 17 décembre 1991, qui fixe les modalités relatives au dédommagement forfaitaire applicable en cas de non remplacement d’un travailleur par l’employeur en cas d’octroi d’allocations d’interruption.

L’article 3 de cet arrêté ministériel prévoit ainsi qu’en cas de non paiement du dédommagement forfaitaire dans le délai fixé, un délai de deux mois doit être respecté pour intenter une action en paiement de celui-ci auprès des juridictions du travail.

La cour se penche sur la nature de ce délai et elle reprend, à cette occasion, les règles concernant les catégories de délais pouvant être rencontrés. Il y a ainsi des délais de procédure (délais d’application dès lors qu’une instance est introduite), des délais de forclusion ou délais préfix (délais dont le non respect a pour effet d’éteindre le droit d’agir) et des délais de prescription.

Elle examine plus particulièrement les délais préfix, en rappelant que ceux-ci ont été considérés comme tels par la Cour de cassation même si le texte qui les institue ne le prévoit pas nécessairement.

La cour renvoie ainsi (i) au délai d’introduction d’un recours contre une décision (ou une absence de décision) de l’employeur en matière d’élections sociales, (ii) au délai pour l’action en revision en accident du travail, (iii) au délai de trois mois en INAMI en vue de demander la dispense d’inscription en frais d’administration d’un indu non récupéré (iv) ainsi qu’au délai de trois jours ouvrables prévu par la loi du 19 mars 1991 (article 12) pour notifier un licenciement en cas de décision judiciaire autorisant celui-ci pour motif grave. La cour cite chaque fois les arrêts de la Cour de cassation confirmant le caractère préfix du délai.

Venant ensuite à la nature juridique de ces délais de forclusion, elle rappelle que ceux-ci constituent une question de recevabilité de l’action et que la théorie des nullités ne s’applique pas à ceux-ci (articles 860 et suivants du Code judiciaire).

Examinant la nature du délai prévu à l’article 3 de l’arrêté ministériel en cause (qui ne dispose pas de celui-ci est prévu à peine de déchéance), la cour considère être en présence d’un délai de forclusion, de telle sorte que l’ONEm aurait dû agir devant le tribunal dans les deux mois à dater du jour suivant l’expiration du délai prévu pour le paiement.

Elle en vient enfin à la question de savoir si dans le cas d’une demande reconventionnelle, celle-ci peut échapper au délai de deux mois et rappelle ici les principes selon lesquels une demande reconventionnelle peut (dans certaines conditions) bénéficier de l’effet interruptif de prescription de la demande principale mais ceci ne vaut pas pour un délai de forclusion, celui-ci n’étant d’ailleurs susceptible ni d’interruption ni de suspension.

Elle conclut dès lors à la confirmation du jugement qui avait déclaré non recevable la demande de l’ONEm de paiement des indemnités forfaitaires.

Intérêt de la décision

Le cas tranché par la Cour du travail de Bruxelles est particulier, s’agissant du délai dans lequel doit être introduite devant le tribunal du travail une action en paiement du dédommagement forfaitaire prévu par la réglementation en matière d’octroi d’allocations d’interruption. Ce délai est particulièrement bref, étant fixé à deux mois à dater du jour qui celui de l’expiration du délai d’un mois dans lequel le dédommagement forfaitaire doit être acquitté, celui-ci débutant le jour de la réception d’une lettre recommandée émanant de l’inspecteur dans le ressort duquel est établie l’entreprise visée.

En l’occurrence, même s’il est acquis au débat que la réglementation n’a pas été respectée et que, en principe, ce dédommagement est dû, la non introduction de la demande dans le (très bref) délai visé par la réglementation rend celle-ci irrecevable.


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