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Les droits d’auteur sont-ils pris en considération pour le calcul de la réduction de l’allocation de chômage (cumul travail autorisé - chômage) ?

Commentaire de C. trav. Liège, sect. Namur, 3 juin 2008, R.G. 7.882/2005

Mis en ligne le mardi 18 juin 2013


Cour du travail de Liège, section Namur, 3 juin 2008, R.G. 7.882/2005

TERRA LABORIS ASBL

Dans un arrêt du 3 juin 2008, la Cour du travail de Liège, section Namur, est amenée à préciser, dans l’hypothèse de l’artiste percevant des droits d’auteur, les revenus pris en considération pour la réduction des allocations de chômage en cas de cumul d’une activité autorisée et du bénéfice de celles-ci. Pour la Cour du travail, les droits d’auteur afférents à une activité antérieure ne peuvent être pris en considération, que ce soit avant ou après la modification de l’article 130 de l’A.R. 25.11.1991.

Les faits

Monsieur S. était occupé par une maison d’édition. Parallèlement à cette activité salariée, il exerçait une activité accessoire d’auteur de bandes dessinées. Il est prépensionné en 1994 et continue à percevoir des droits d’auteur pour des réalisations antérieures.

En 1998, il exerce à un nouveau une activité (ayant fait l’objet d’une déclaration auprès du bureau de chômage) et perçoit à ce titre une rétribution unique (payable sur plusieurs années), sans droit d’auteur.

Par décision du 28 avril 2000, l’ONEm prend une première décision, revoyant le montant des allocations de chômage pour l’année 1999. Une décision similaire est prise en date du 19 juin 2002, pour ce qui est des revenus de l’année 2000. Par cette décision, l’ONEm fixe également le montant de l’allocation journalière à partir d’avril 2002 (revu à la baisse).

Monsieur S. introduit un recours à l’encontre de cette dernière décision, contestant les revenus pris en considération par l’ONEm, celui-ci ayant également tenu compte des droits d’auteur perçus pour les activités antérieures à la pré-pension.

La décision du tribunal

Le Tribunal fit une distinction entre la période d’avant le 1er janvier 2001 et celle postérieure à cette date (date de l’entrée en vigueur des modifications apportées à l’article 130 par l’A.R. 23 novembre 2000, visant spécifiquement les artistes). Pour la période antérieure au 1er janvier 2001, le Tribunal considère que seuls les revenus tirés de l’activité exercée peuvent être pris en compte, à l’exclusion des droits d’auteur. Pour la période postérieure, le Tribunal constate que les revenus imposables pris en considération ne sont pas connus. Il ordonne en conséquence une réouverture des débats, aux fins que l’ONEm revoie les calculs pour la première période et s’explique pour la seconde.

La position des parties en appel

L’ONEm interjeta appel de cette décision, alléguant que, pour l’application de l’article 130 de l’A.R. du 25 novembre 1991, il faut tenir compte des revenus imposables tels que fixés par l’administration fiscale, et ce quelle que soit la période.

La décision de la Cour

La Cour commence par constater qu’il faut effectivement distinguer deux périodes, avant et après l’entrée en vigueur de l’A.R. du 23 novembre 2000, soulignant qu’à partir de ce moment, l’article 130 vise le cas de l’artiste.

Pour la première période (avant le 1er janvier 2001), la Cour constate que, pour que l’obligation de déclaration des revenus s’applique, de même que les dispositions anti-cumul, il est nécessaire qu’ils proviennent d’une activité réellement exercée par l’intéressé pendant la période de chômage. Dès lors, les droits d’auteur afférents à une activité exercée antérieurement ne sont pas visé par les dispositions anti-cumul, s’agissant du bénéfice engendré par une prestation antérieure à la période de chômage.

La Cour confirme ainsi la nécessité de distinguer les revenus provenant d’une activité exercée pendant le chômage (revenus visés par l’article 130) et ceux constitués des droits d’auteur afférents à une activité antérieure au bénéfice des allocations.

Quant à la détermination des revenus, la Cour précise qu’il s’agit du revenu imposable, tel que fixé par l’administration fiscale. L’administration pouvant avoir qualifié les deux types de revenus comme des revenus taxables, la Cour s’interroge alors sur les pouvoirs des juridictions du travail. Après un examen de la jurisprudence rendue dans le contentieux de l’assujettissement des travailleurs indépendants (critère fiscal également), la Cour retient que les juridictions du travail sont compétentes pour vérifier si les revenus reconnus imposables par l’administration fiscale proviennent d’une activité exercée au cours d’une année (ou, ici, de la période de chômage).

En l’espèce, vu l’absence d’activité génératrice de droits d’auteur pendant le chômage, la Cour estime que les droits perçus doivent être exclus du calcul visé par l’article 130. Elle rappelle qu’elle peut à cet égard scinder les revenus en fonction du moment où l’activité a été exercée. Elle confirme ainsi le jugement a quo, de même que la nécessité pour l’ONEm d’établir de nouveaux décomptes.

En ce qui concerne la seconde période, la Cour constate que la réglementation exclut les revenus tirés d’une activité artistique antérieure au début de l’indemnisation par l’assurance chômage. Les droits d’auteur restent donc exclus. Elle confirme ainsi le jugement, de même que la nécessité d’obtenir des éclaircissements de l’ONEm quant aux revenus pris en considération.

Intérêt de la décision

Le chômeur qui exerce une activité autorisée peut percevoir des revenus de celle-ci. La réglementation contient cependant une disposition « anti-cumul », permettant à l’ONEm de réduire le montant des allocations de chômage en fonction des revenus perçus du fait de l’exercice de l’activité.

La décision commentée se prononce sur la nature des revenus qui peuvent être pris en considération pour l’application de cette disposition anti-cumul. Elle énonce le principe selon lequel les revenus doivent provenir de l’activité exercée pendant le chômage et non d’une activité exercée antérieurement. S’agissant, dans le cas d’espèce, d’un artiste, la Cour se prononce sur les droits d’auteur qui étaient des droits perçus pour l’exploitation de créations réalisées avant la période de chômage. Elle précise par ailleurs la portée de la modification règlementaire, qui avait pour but de régler précisément la question des droits d’auteur des artistes.


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