Terralaboris asbl

Fusion entre une administration locale et une société de droit public : qui doit prendre en charge l’indemnisation des maladies professionnelles ?

Commentaire de C. trav. Liège, 19 mars 2013, R.G. 2012/AL/515

Mis en ligne le lundi 24 juin 2013


Cour du travail de Liège, 19 mars 2013, R.G. n° 2012/AL/515

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 19 mars 2013, la Cour du travail de Liège rappelle la situation particulière des administrations provinciales et locales, dans le régime des maladies professionnelles, eu égard, spécifiquement, à l’identification du débiteur des rentes et allocations.

Les faits

Suite à l’absorption d’une intercommunale (APL) par une personne morale de droit public dans le cadre d’une opération de fusion, il était prévu qu’en cas de maladie professionnelle, l’indemnisation des indemnités serait effectuée par le Fonds des maladies professionnelles et ce jusqu’en mars 2008. Le FMP cessa à cette date, considérant que cette charge incombait à la société publique en cause, et ce également pour les travailleurs atteints d’une maladie professionnelle reconnue avant la fusion.

Pour le Fonds, il n’y avait dans son chef aucune obligation légale d’intervenir. Il poursuit, en conséquence, le remboursement des montants versés pour la période précédente, soit à partir de la fusion jusqu’à sa décision de refus. Il réclame ainsi plus de 80.000€. Il s’agit d’indemnités versées pour les travailleurs de l’intercommunale reprise par la société publique.

Celle-ci estime, reconventionnellement, qu’il y a lieu pour le Fonds de continuer à effectuer les remboursements et elle introduit dès lors une demande en ce sens pour la période postérieure au refus de ce dernier.

Décision du tribunal du travail

Par jugement du 24 mai 2012, le Tribunal du travail de Verviers fait droit à la demande de la société publique, considérant que celle-ci est titulaire des droits de l’intercommunale absorbée, en ce compris pour les travailleurs victimes d’une maladie professionnelle avant la fusion. En effet, l’exposition au risque professionnel ainsi que la constatation de la maladie remontent à une époque où le Fonds devait intervenir.

Position de parties en appel

Le Fonds expose qu’il n’a été averti de la fusion que le 1er avril 2008 et que le protocole de fusion est muet en ce qui concerne l’indemnisation des maladies professionnelles (au contraire de la charge des pensions). Il fait également valoir qu’il n’a aucun financement pour les travailleurs de la société publique et que celle-ci a repris les droits et obligations de l’intercommunale en ce compris celle de payer les rentes et indemnités dues en cas de maladie professionnelle.

Quant à la société publique, elle fait valoir que, l’opération de fusion ayant été publiée au Moniteur Belge, elle est opposable à tout tiers. Il se fonde également sur l’article 20quinquies de la loi du 3 juillet 1967 et sur l’article 48quater des lois coordonnées le 3 juin 1970 pour conclure au caractère définitif du régime d’indemnisation au moment de la demande. Il fait encore valoir d’autres arguments dont le fait qu’il est titulaire de la créance de remboursement de l’intercommunale en ce qui concerne les travailleurs indemnisés auparavant par elle.

Décision de la cour du travail

La cour situe, en premier lieu, le cadre légal, étant que l’intercommunale fait partie des administrations provinciales et locales affiliées à l’ONSS des APL (arrêté royal du 21 janvier 1993) et que la société publique est un organisme d’intérêt public au sens de l’arrêté royal du 12 juin 1970. Il ne s’agit pas d’une APL.

La loi cadre du 3 juillet 1967 est applicable aux deux organismes. Tous deux sont donc débiteurs des rentes.

L’intercommunale devait, conformément à l’article 24 de l’arrêté royal du 21 janvier 1993, payer les rentes, indemnités et frais (hors certains frais médicaux, chirurgicaux, pharmaceutiques, hospitaliers, de prothèse et d’orthopédie), ceux-ci étant récupérés auprès du Fonds. Celui-ci n’était dès lors pas tenu au paiement aux victimes (certains frais exceptés).

Pour la cour, il résulte des dispositions légales applicables que

  • la société publique est débitrice des indemnités, allocations et rentes dues à son personnel et ce même si avant la fusion celles-ci ont été payées par le Fonds ou par une intercommunale (article 16 de la loi du 3 juillet 1967),
  • seules les APL peuvent récupérer les montants versés auprès du Fonds, droit que n’a pas la société publique (article 24 de l’arrêté royal du 21 janvier 1993),
  • le Fonds ne doit pas intervenir en ce qui concerne les avantages de la loi du 3 juillet 1967 à des victimes de maladies professionnelles autres que celles appartenant aux APL (article 6, 5° des lois coordonnées le 3 juin 1970).

En conséquence, le Fonds ne doit pas intervenir pour les autres organismes publics.

Pour la cour, aucune disposition légale n’impose de continuer à intervenir puisque les travailleurs ne font plus partie d’une APL. C’est dès lors à la société publique de prendre en charge l’ensemble des indemnités, allocations et rentes (ainsi que les frais – hors exceptions) dues à ses travailleurs.

En ce qui concerne l’argument tiré de l’article 20quinquies de la loi du 3 juillet 1967 ainsi que de l’article 48quater des lois coordonnées le 3 juin 1970, relatifs à la législation applicable, la cour considère que ces dispositions ne concernent pas le cas d’espèce, l’ensemble des travailleurs visés n’ayant pas de carrière mixte mais n’ayant travaillé que dans le secteur public.

Enfin, si la société publique est titulaire des droits de l’intercommunale, la cour précise que les droits d’une APL vis-à-vis du Fonds lui sont propres et ne sont reconnus qu’à celles-ci et non à un autre organisme. Elle renvoie encore à l’article 17, § 2 de la loi du 3 juillet 1967, qui prévoit que toute convention contraire aux dispositions de la loi est nulle de plein droit.

Intérêt de la décision

Cet arrêt de la Cour du travail de Liège est l’occasion de rappeler les obligations des sociétés de droit public, et particulièrement la situation particulière des administrations provinciales et locales. Vu le caractère d’ordre public de la loi, la cour rappelle qu’il ne peut être dérogé au mécanisme légal, que ce soit par le fait d’une fusion ou de n’importe quelle autre convention.


Accueil du site  |  Contact  |  © 2007-2010 Terra Laboris asbl  |  Webdesign : michelthome.com | isi.be