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Le meurtre perpétré par le conjoint sur les lieux du travail peut être constitutif d’un accident du travail

Commentaire de Trib. trav. Charleroi, 25 avril 2007, R.G. 78.798/A

Mis en ligne le vendredi 22 février 2008


Tribunal du travail de Charleroi, 25 avril 2007, R.G. n° 78.798/A

TERRA LABORIS ASBL – Sophie Remouchamps

Dans un jugement du 25 avril 2007, le Tribunal du travail de Charleroi en décide ainsi, dans le cas où une travailleuse avait été assassinée par son époux sur les lieux du travail, pendant l’exécution de celui-ci. Le Tribunal retient en effet l’existence d’un lien entre l’exécution du travail et le meurtre commis.

Les faits

Madame D. est occupée par une SPRL P., qui exploite un magasin.

C’est elle qui était chargée d’effectuer l’ouverture du magasin, travaillant seule dans celui-ci. Le magasin ouvre à partir de 10 heures.

Le 13 août 2002, alors qu’elle était séparée de son mari depuis quelques mois et que celui-ci, depuis quelques jours, insistait pour qu’il y ait reprise de la vie conjugale, elle trouve son mari qui l’attend devant le magasin.

Après avoir pénétré dans celui-ci, Madame D., confrontée une nouvelle fois à une demande de son époux de reprendre la vie commune, refuse et se dirige vers la réserve, à l’arrière du magasin.

C’est alors que son époux sort un couteau et que, apeurée, elle tente de s’enfuir mais est rattrapée dans le couloir qui mène à la réserve et frappée de nombreux coups mortels de couteau.

L’époux est poursuivi et condamné, par arrêt du 18 novembre de la Cour d’assises de Mons, du chef d’homicide volontaire sur la personne de son épouse, avec intention de donner la mort et avec préméditation.

L’entreprise d’assurances refusa quant à elle de reconnaître que les faits constituent un accident du travail, et ce eu égard au caractère passionnel du crime constitutif d’accident du travail.

L’action est alors introduite afin qu’il soit statué sur la qualification des faits et l’indemnisation à réserver aux enfants du couple.

Décision du Tribunal

Par un premier jugement du 13 décembre 2006, le tribunal sollicita la production par les parties de tout élément, notamment procès-verbaux de police, permettant de l’éclairer sur les circonstances précises de l’exécution du contrat de travail de Madame D. ainsi que sur tout ce qui entourait l’homicide.

Dans son jugement du 25 avril 2007, sur la base du dossier répressif et des déclarations faites par l’époux de Madame D. auprès de la police, le tribunal relève que

  • celui-ci a précisément choisi le lieu du travail pour perpétrer son crime, ayant la volonté de le commettre le jour des faits,
  • le lieu du travail a été choisi en raison du fait que la victime y travaillait seule et qu’il il était sûr de pouvoir la trouver en se rendant à celui-ci,
  • il est arrivé au magasin peu avant l’ouverture, afin de ne pas y rencontrer de clients.

Aussi, le tribunal conclut que, quoique les intentions animant l’époux de la victime relèvent de la vie privée, l’agression dont elle a été victime ne peut être considérée comme ne présentant aucun lien avec l’exécution du contrat de travail.

Rappelant que la loi indemnise le risque auquel est exposée la victime par le fait de l’exécution du contrat de travail (et non pas uniquement par le fait du travail lui-même), il poursuit en précisant que le risque visé est celui qui peut se rattacher à une circonstance quelconque entourant l’activité du travailleur, le lien entre l’accident du travail et l’exécution du contrat pouvant s’avérer peu important, voire même ténu.

Le tribunal relève en conséquence que les faits survenus le 13 août 2002 se rattachent à des circonstances en lien avec l’exécution du contrat de travail, étant que la victime était, en raison de celui-ci, tenue d’ouvrir le magasin et d’y prester seule mais également de prester dans un bâtiment dont la configuration exiguà« ne lui a pas permis d’échapper à son époux.

Le tribunal retient dès lors que l’exécution du contrat de travail a aggravé le risque de la survenance d’un acte violent dans la part de l’époux de la victime.

Sur la base de ces éléments, il estime que les faits doivent être reconnus comme constitutifs d’un accident du travail.

Intérêt de la décision

Pour être constitutifs d’un accident du travail, les faits invoqués par le travailleur doivent être survenus par le fait de l’exécution du contrat de travail, étant entendu que dès lors qu’ils sont survenus dans le cours de l’exécution, ils sont présumés être survenus du fait de celle-ci.

Le jugement se prononce sur la notion d’accident survenu par le fait de l’exécution du contrat, confirmant une interprétation extensive de celle-ci, déjà consacrée par des décisions antérieures : dès lors que l’accident n’aurait pas pu survenir sans la présence du travailleur sur les lieux du travail, un lien existe, comme cela a été retenu dans le cas d’espèce dramatique tranché par le tribunal.

Le jugement n’est pas définitif à ce jour.


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