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Un licenciement pour motif grave peut-il être notifié par l’avocat de l’employeur ?

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 20 février 2013, R.G. 2011/AB/350

Mis en ligne le lundi 8 juillet 2013


Cour du travail de Bruxelles, 20 février 2013, R.G. n° 2011/AB/350

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 20 février 2013, la Cour du travail de Bruxelles rappelle les règles applicables à la ratification du mandat donné verbalement, eu égard au délai de trois jours fixé à l’article 35, alinéa 3 de la loi sur les contrats de travail.

Les faits

Engagé par une société de pompes funèbres, un ouvrier, exerçant les fonctions de « porteur-chauffeur » bénéficie deux ans et demi après son engagement du statut d’employé. Il est alors chargé de l’organisation des funérailles et des contacts avec la clientèle. Le contrat prévoit la possibilité de prester en dehors de la plage horaire fixée, et ce en fonction des décès. Il devient ultérieurement responsable commercial et ensuite, est également désigné comme mandataire pour la gestion journalière. Le conseil de la société lui notifie en décembre 2007, soit plus de quatre ans plus tard, son licenciement immédiat pour motif grave. Le motif est précisé dans une lettre ultérieure, s’agissant de détournements de fonds à son profit.

Dès réception de ce courrier, le conseil de l’employé conteste, non seulement le motif grave, mais en outre le respect du délai de trois jours et il demande communication du mandat spécial donné par la société à son conseil. Ce courrier ne reçoit pas de réponse. L’intéressé introduit alors une procédure devant le tribunal du travail de Nivelles. Dans celle-ci il réclame des arriérés de rémunération, une indemnité compensatoire de préavis, une indemnité pour licenciement abusif (dommage moral) ainsi que le paiement d’heures supplémentaires et un pécule de vacances.

Décision du tribunal du travail

Par jugement du 1er février 2011, le tribunal fait partiellement droit à la demande, allouant l’indemnité compensatoire de préavis, ainsi que d’autres postes (rémunération). Il demande une production de pièces aux fins d’examiner les demandes de paiement d’heures supplémentaires et de pécules de vacances.

Appel est interjeté par la société.

Décision de la cour du travail

La cour du travail est saisie de l’ensemble des chefs de demande et va ainsi statuer par évocation sur la question des heures supplémentaires.

Elle réserve d’abord des développements particuliers à la question de l’indemnité compensatoire de préavis. En effet, le congé a été notifié par l’avocat de la société. La cour constate qu’il s’agit d’une personne dépourvue du pouvoir de rompre le contrat de travail. Selon la Cour de cassation (Cass., 6 novembre 1995, S.95.0034), le congé qui émane d’une personne qui n’a pas le pouvoir de licencier et qui n’est pas mandatée à cette fin est inexistant. Il ne peut sortir aucun effet juridique. Le travailleur peut d’ailleurs considérer que son contrat n’a pas été rompu.

La cour relève que le conseil de l’employé a immédiatement fait des réserves quant à la poursuite du contrat de travail, lorsqu’il a demandé la preuve du mandat détenu par le conseil de la société à cette fin. La cour relève qu’il a demandé une indemnité de rupture mais ce sous réserve de vérification de la régularité du mandat. Aucune suite n’a été donnée à cette demande. La cour considère que l’avocat devait détenir un mandat verbal tant pour rompre le contrat que pour notifier le motif en lui-même. Elle relève en effet que la société n’a pas désavoué les actes accomplis par son conseil à cet égard.

De manière générale, en cas de contestation de la compétence de l’auteur du congé, si celui-ci se prévaut d’un mandat, la ratification du congé donné par le mandataire peut intervenir, afin de couvrir l’irrégularité du licenciement. La ratification opère ainsi avec effet rétroactif. La cour souligne cependant qu’il y a une exception important à ce caractère rétroactif et que la Cour de cassation l’a rappelé dans un arrêt du 13 janvier 2003 (Cass., 13 janvier 2003, S.02.0025.F), étant qu’en cas d’acte unilatéral, comme en l’espèce, la ratification ne peut porter atteinte aux droits acquis de bonne foi par les tiers. Le travailleur à qui le congé est notifié est un tiers et il a, comme le souligne la cour, acquis le droit au respect du délai légal de trois jours, de telle sorte que la ratification doit intervenir dans le délai de trois jours ouvrables visés à l’article 35, alinéa 3 de la loi du 3 juillet 1978. La cour constate que cette ratification est intervenue plus tard, que ce soit par l’envoi du C4 ou par la signature de celui-ci, opérations réalisées en dehors du délai. Le congé est par conséquent irrégulier et l’indemnité de préavis est due.

Un deuxième point intéressant est le poste relatif aux heures supplémentaires. Sur cette question, la cour – rejoignant la conclusion du tribunal – admet que l’intéressé exerçait un poste de confiance. Le tribunal ayant considéré qu’il avait cependant droit à la rémunération normale pour les heures prestées en dehors de l’horaire de travail, la cour est d’un autre avis : examinant les derniers contrats signés par les parties, elle constate qu’aucun horaire n’était en réalité plus fixé et que l’employé n’était dès lors tenu à aucun horaire fixe. Il pouvait dès lors être amené à travailler les samedis et dimanches mais ne devait pas justifier l’utilisation de son temps de travail. Soulignant qu’il bénéficiait d’une très grande liberté, la cour retient l’existence d’un horaire variable et relève d’ailleurs que la rémunération était en partie fixe et en partie variable.

Intérêt de la décision

Cet arrêt rappelle surtout une question juridique importante, étant les règles de ratification du mandat en cas de licenciement pour motif grave. Celle-ci doit intervenir dans le délai de trois jours et, à défaut, le licenciement est irrégulier. L’indemnité compensatoire de préavis est alors due d’office.


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