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Travailleuses indépendantes : conditions d’octroi de l’aide à la maternité (titres-service)

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 8 mars 2013, R.G. 2011/AB/816

Mis en ligne le mercredi 4 septembre 2013


Cour du travail de Bruxelles, 8 mars 2013, R.G. n° 2011/AB/816

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 8 mars 2013, la Cour du travail de Bruxelles considère que l’arrêté royal du 17 janvier 2006 fixant les conditions d’octroi des titres-service (aide à la maternité) ne peut imposer une condition de durée de l’assujettissement au statut social, contraire à celle imposée pour l’accès au congé de maternité.

Les faits

Madame W. participe à la constitution d’une société et abandonne ainsi son statut de salariée. Elle s’affilie à une caisse d’assurances sociales. Pendant les deux premiers mois d’activité indépendante, la cessation d’activité salariée n’est pas encore intervenue de telle sorte que pour cette courte période l’affiliation au statut social des travailleurs indépendants intervient à titre complémentaire. Il est à titre principal ensuite.

Le mois suivant, l’intéressée accouche. Elle sollicite de sa caisse le bénéfice des titres- service accordés à la travailleuse indépendante qui, après son congé de maternité, reprend son activité professionnelle.

La caisse oppose une fin de non-recevoir au motif que l’intéressée n’a pas eu la qualité de travailleuse indépendante pendant les deux trimestres précédant l’accouchement. L’intéressée introduit un recours devant le tribunal du travail, qui fait droit à sa demande, constatant qu’il y a une différence de traitement non justifiée par rapport à la situation d’une travailleuse indépendante en début de carrière. Pour le tribunal, celles-ci sont dans des situations différentes et sont traitées de manière identique (exclusion du bénéfice de la prestation d’aide à la maternité).

Appel est interjeté par la caisse.

Décision de la cour du travail

La cour examine les dispositions applicables, étant celles de l’arrêté royal du 20 juillet 1971 instituant une assurance indemnités et maternité en faveur des travailleurs indépendants et conjoints aidants.

Pour bénéficier de la prestation de maternité, plusieurs conditions sont requises dont une condition de stage. Ce stage est d’une durée de six mois prenant cours dès le début du premier trimestre civil pour lequel la cotisation au statut social a été payée. Des cas de dispense de stage existent cependant notamment pour les personnes ayant accompli ce stage dans le régime des travailleurs salariés (ou qui en étaient dispensés) à la condition qu’il n’y ait pas plus de trente jours entre la perte de la qualité de titulaire dans ce régime et l’acquisition de celle-ci dans le statut social des travailleurs indépendants.

Si l’intéressée n’a, cependant, pas été titulaire dans le régime des salariés pendant six mois au moins, la période de stage effectuée dans celui-ci est déduite de celle requise dans le cadre du statut social, à la condition, toujours qu’il n’y ait pas plus de trente jours entre la perte de qualité de titulaire dans le régime quitté et l’acquisition de cette qualité dans le statut social.

La cour relève que, ainsi, une travailleuse indépendante qui n’a pas six mois d’assujettissement au statut social des travailleurs indépendants peut bénéficier des prestations de maternité si elle a auparavant travaillé comme salariée et que les deux activités, globalisées, ont une durée minimale de six mois (à partir du début du trimestre au cours duquel est intervenu l’assujettissement à l’un des régimes de sécurité sociale).

Constatant par ailleurs que le congé de maternité des travailleuses indépendantes est plus court que celui existant dans le secteur des salariées (huit semaines au lieu de 15), la cour rappelle que la loi-programme du 27 décembre 2005 a prévu une compensation très partielle de cette différence en allouant une aide spécifique. Il s’agit de l’octroi de titres-service, permettant à l’indépendante, soucieuse de reprendre ses activités professionnelles, d’être aidée par un tiers. Il s’agit de l’octroi de 70 titres-service (montant actuellement porté à 105), permettant une aide de nature ménagère (nettoyage, courses, lessive et repassage). Le but de la mesure est de favoriser la conciliation entre la vie professionnelle et la vie privée.

Dans ce système, le prix d’achat des titres-service est pris en charge par la caisse à laquelle est affiliée la travailleuse indépendante. Les conditions d’octroi sont fixées par arrêté royal (arrêté royal du 17 janvier 2006 exécutant la loi-programme du 27 décembre 2005 sur ce point).

La cour se penche dès lors sur l’existence d’une différence de traitement dans l’accès au congé de maternité dans le régime des travailleurs indépendants et dans la prestation d’aide à la maternité. L’accès au congé de maternité suppose en effet une condition de stage pour laquelle l’on peut tenir compte des périodes d’occupation préalable comme travailleuse salariée. L’accès à l’aide à la maternité, soit l’octroi de titres-service, suppose cependant l’assujettissement au statut social pendant les deux trimestres précédant le trimestre de l’accouchement – aucune possibilité de prendre en compte d’éventuelles périodes d’occupation comme travailleuse salariée n’étant ici prévue.

La cour constate une différence de traitement, qui, si elle repose sur un critère objectif, manque toutefois de justification objective et raisonnable. La cour retient à cet égard que l’aide à la maternité est complémentaire au congé de maternité. Quant au stage, sa finalité est de maintenir un élément d’aléa pendant une période déterminée et d’assurer le bénéfice du régime aux personnes qui appartiennent au groupe social concerné, et ce sur la base des critères du travail et de paiement de cotisations suffisantes.

La cour considère qu’il ne se justifie pas de préserver une part d’aléa dans cette situation, puisque l’aide à la maternité a pour finalité de compléter le stage de maternité et de pallier sa brièveté (ce que la cour souligne). Par ailleurs, elle rappelle que l’aide à la maternité n’est qu’une compensation très partielle de la durée du congé de maternité dans ce secteur et qu’il n’y a pas lieu de craindre qu’une travailleuse quitte le secteur salarié pour le secteur indépendant dans le seul but d’obtenir l’avantage en cause.

En conséquence, la différence de traitement n’est pas objectivement et raisonnablement justifiée. L’article 3, alinéa 1er, 1° et 2° de l’arrêté royal du 17 janvier 2006 manque de justification objective et raisonnable lorsqu’il est satisfait aux conditions de stage du congé de maternité.

La cour en décide dès lors l’écartement.

Intérêt de la décision

Cet arrêt règle une incohérence du système d’assurance maternité dans le statut social des travailleurs indépendants, l’arrêté royal du 17 janvier 2006 ayant introduit une condition de stage source de discrimination. En considérant la différence de traitement non justifiée, au sens des critères régulièrement définis par la Cour constitutionnelle, la cour du travail donne ici à la mesure législative ses pleins effets, l’arrêté royal d’exécution en ayant sans justification raisonnable restreint les conditions d‘octroi.


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