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Incapacité de travail des indépendants : conditions permettant l’assimilation en vue de la pension

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 23 mai 2013, R.G. 1999/AB/38.544 et 1999/AB/38.657

Mis en ligne le vendredi 6 septembre 2013


Cour du travail de Bruxelles, 23 mai 2013, R.G. n° 1999/AB/38.544 et 1999/AB/38.657

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 23 mai 2013, la Cour du travail de Bruxelles revient sur un élément important en la matière : pour qu’une période d’incapacité puisse être assimilée à une période d’activité en vue de la pension de retraite, l’indépendant doit prouver la fin effective de toute activité professionnelle.

Les faits

Un administrateur de société, assujetti au statut social des travailleurs indépendants, est en incapacité de travail pendant deux ans. L’INASTI refuse l’assimilation de l’incapacité pendant cette période, à une période d’activité, en vue du calcul de la pension. Il est en effet considéré que l’indépendant n’a pas cessé toute activité professionnelle.

Un recours est introduit devant le Tribunal du travail de Bruxelles, qui le rejette, confirmant l’absence de cessation de toute activité professionnelle.

Suite à l’appel interjeté, la Cour du travail de Bruxelles est saisie.

Position de la cour du travail

La cour examine deux questions de grande actualité, étant d’une part les conditions d’assimilation de l’incapacité à une période d’activité et de l’autre les présomptions d’assujettissement prévues par le statut social.

Sur la première question, elle reprend l’arrêté royal du 22 décembre 1967 portant règlement général relatif à la pension de retraite et de survie des indépendants, qui prévoit en son article 29 les conditions d’assimilation de périodes de maladie ou d’invalidité à des périodes d’activité professionnelle. Deux éléments doivent être présents, à savoir (i) d’avoir la qualité d’indépendant depuis 90 jours au moins au moment du début de l’assimilation et (ii) l’existence d’une incapacité de travail de 66%, ayant amené la cessation d’activité.

Si l’assimilation permet la prise en compte de la période de maladie et/ou d’invalidité pour le calcul de la pension, ceci est soumis à la condition qu’aucune période d’activité ne soit constatée pendant celle-ci. Ceci vaut pour une activité exercée ou une activité reprise.

L’arrêté royal définit également ce qu’il faut entendre par absence de cessation de l’activité professionnelle (ou reprise d’une telle activité), étant l’hypothèse où une activité est exercée en son nom, par personne interposée, pourvu que l’intéressé bénéficie en tout ou en partie des revenus produits par celle-ci.

La cour dégage, dès lors, trois conditions cumulatives à l’assimilation, étant (i) la reconnaissance de l’incapacité au sens de l’arrêté royal du 20 juillet 1971 instituant une assurance indemnités en faveur des travailleurs indépendants, (ii) la condition d’exercice au moment où l’assimilation est admise, étant une période de 90 jours, période prouvée par le paiement de cotisations et (iii) la fin effective de toute activité professionnelle.

La cour relève que, pour la Cour de cassation, cette fin d’activité doit se comprendre au sens de la jurisprudence de la Cour de cassation rendue dans le cadre de l’article 28, étant qu’il faut tenir compte ici également des présomptions d’exercice d’une activité indépendante prévues par l’arrêté royal n° 38 (ou en vertu de celui-ci). Ceci va, par exemple, viser l’hypothèse du mandataire de société.

En l’espèce, un mandat d’administrateur délégué a été maintenu pendant la période d’incapacité et la question à régler est de savoir si ce mandat doit être considéré comme l’exercice de l’activité professionnelle en cause.

La cour va dès lors reprendre le mécanisme des présomptions de l’arrêté royal n° 38 étant la présomption d’activité professionnelle (activité exercée dans un but de lucre même si elle ne produit pas de revenus et activité présentant un caractère habituel). Elle revient plus particulièrement à la situation des mandataires de société, pour lesquels existent des présomptions d’assujettissement, à savoir la présomption réfragable d’exercice d’une activité du fait de l’exercice d’un mandat, ainsi que celle découlant de la désignation à un tel mandat. La deuxième présomption, qui concerne les sociétés ou associations assujetties à l’impôt belge a perdu son caractère irréfragable, comme le relève la cour, suite à l’arrêt de la Cour constitutionnelle du 3 novembre 2005 et il appartient, en conséquence, à l’intéressé d’établir l’absence d’activité exercée dans un but de lucre et présentant un caractère habituel et continu. La cour donne encore des éclaircissements sur ces notions, pour conclure que l’intéressé doit établir la gratuité en droit et en fait.

Elle va dès lors examiner les statuts de la société et constater que le mandat d’administrateur-délégué pouvait être rémunéré. Il n’y a dès lors pas exercice à titre gratuit mais avec un but de lucre. Les décisions de l’assemblée générale ayant a postériori constaté qu’il n’y avait pas eu de rémunération, celles-ci sont sans incidence, d’autant qu’il est établi qu’à certaines époques le mandat était rémunéré. Telle était dès lors sa vocation et la cour conclut à l’absence de renversement de la présomption. Il n’y a pas eu de cessation d’activité permettant l’assimilation.

Intérêt de la décision

Cet arrêt de la Cour du travail de Bruxelles aborde sous un jour particulier la question de présomptions d’assujettissement au statut social des travailleurs indépendants dans le chef des mandataires de société. Elle rappelle les règles à propos de l’exercice d’un tel mandat et de la désignation à celui-ci. L’intérêt de la décision est de faire le lien avec la notion de cessation d’activité professionnelle au sens de l’article 28 de l’arrêté royal du 22 décembre 1967 portant règlement général relatif à la pension de retraite et de survie des travailleurs indépendants, puisque la Cour de cassation exige, en ce qui concerne la preuve de la cessation d’activité, que pour l’application de l’article 28, § 3, alinéa 1er, l’on tienne compte des présomptions d’exercice d’activité indépendante au sens de l’arrêté royal n° 38. Il s’agit des arrêts du 21 mars 1983 (Cass., 21 mars 1983, Pas, 1983, I, p.789) et du 24 septembre 1979 (Cass., 24 septembre 1979, Pas, 1980, I, p. 504).


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