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Période d’essai : prolongation en cas de suspension du contrat de travail ?

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 4 juin 2013, R.G. 2011/AB/1.042

Mis en ligne le mardi 10 septembre 2013


Cour du travail de Bruxelles, 4 juin 2013, R.G. ° 2011/AB/1.042

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 4 juin 2013, la Cour du travail de Bruxelles considère que, parmi les causes de suspension du contrat de travail, certaines seulement ont pour effet de prolonger la clause d’essai : il s’agit de celles qui ont réduit la période de temps pendant laquelle les parties peuvent se jauger.

Les faits

Un employé, soumis à une clause d’essai de six mois, est engagé à partir du 1er octobre 2000. Il est licencié le 9 mars 2001, moyennant préavis de 19 jours calendrier. Le préavis se termine ainsi le 30 mars. Les relations de travail se poursuivent cependant jusqu’au 6 avril. L’intéressé fait alors valoir que les relations de travail se sont terminées après l’expiration de la durée de la clause d’essai.

La société considère que la période d’essai a été prolongée de huit jours vu une période de vacances et qu’elle a ainsi pris fin le 7 avril, l’intéressé ayant quitté la société avant son expiration, soit le 6.

Une procédure est introduite devant le Tribunal du travail de Bruxelles qui, par jugement du 24 août 2011, a débouté l’intéressé de sa demande d’indemnité compensatoire de préavis (et autres éléments annexes). Appel est interjeté sur l’ensemble des postes.

Décision de la cour du travail

La cour du travail rappelle les principes régissant la période d’essai. L’article 81, § 1er de la loi du 3 juillet 1978 permet à l’employeur de rompre le contrat pendant celle-ci moyennant un préavis de sept jours.

Elle revient ensuite sur la jurisprudence bien établie de la Cour de cassation (dont Cass., 12 octobre 1961, Pas., 1962, I, p. 169), selon laquelle si les parties sont toujours dans les liens d’un contrat de travail à l’expiration de la période d’essai, ce contrat ne peut être désormais qu’un contrat définitif.

Il découle de cette règle que, si le préavis donné pendant l’essai est irrégulier quant à sa durée, ceci entraîne uniquement le paiement d’une indemnité égale à la rémunération correspondant soit à la durée du délai de préavis réduit soit à la partie de ce délai restant à courir (Cass., 18 avril 1963, Pas, I, p. 876) sauf si ce préavis a été donné à une date postérieure à l’expiration de la période d’essai ou que l’employé n’a pas continué à prester après cette période. La cour précise que, en conséquence, si l’irrégularité du préavis découle du fait que les relations se sont poursuivies après la période d’essai, le travailleur aura droit à la partie du préavis qui aurait dû être respecté après que la période d’essai avait pris fin (et non à la partie du préavis réduit de sept jours restant à courir).

La question à débattre est dès lors de savoir quand le contrat a pris fin : avant ou après l’expiration de la période d’essai ?

Pour répondre à cette question, la cour estime qu’il faut déterminer les cas dans lesquels la suspension de l’exécution du contrat de travail entraîne la suspension de la période d’essai et sa prolongation. Elle reprend alors les dispositions pertinentes de la loi du 3 juillet 1978 pour conclure que les hypothèses de suspension qui entraînent la prolongation de la période d’essai à due concurrence sont celles prévues à l’article 38, § 1er de la loi (celui-ci renvoyant aux articles 28, 1°, 2° et 5° ainsi que 29 et 31).

Elle reprend également la jurisprudence de la Cour de cassation ainsi que la doctrine (pour la jurisprudence, voir notamment Cass., 5 octobre 2009, J.T.T., 2010, p. 86) pour ce qui est des effets de la suspension de l’exécution du contrat de travail sur le délai de préavis.

En ce qui concerne l’essai, la cour précise que l’article 67, § 3 ne se réfère pas à l’énumération des causes de suspension de l’article 38, § 1er. Elle rappelle que la Cour du travail de Mons a jugé, dans ce domaine (C. trav. Mons, 20 avril 1989, J.T.T., 1989, p. 390), que même une période de suspension conventionnelle (congé sans solde) peut suspendre l’écoulement de la période d’essai. Elle renvoie toutefois à la finalité de celle-ci, qui est de s’assurer que le travailleur convient pour l’emploi et, en ce qui concerne ce dernier, de lui permettre de se rendre compte si le travail répond à ses attentes. Il y a dès lors lieu d’accorder de l’importance aux journées de prestations pendant lesquelles les parties peuvent se tester. Elle renvoie ici à un arrêt de la Cour du travail de Liège (C. trav. Liège, sect. Namur, 22 juin 2010, R.G. 8874/09) qui a statué de la sorte en ce qui concerne les vacances annuelles, les périodes d’incapacité de travail ou de repos lié à la grossesse. Cet arrêt a distingué, comme le rappelle la Cour du travail de Bruxelles, ces hypothèses des journées de non-activité résultant de jours de repos, des jours fériés ou encore des jours de récupération accordés afin de compenser la réduction du temps de travail ou d’heures supplémentaires.

Appliquant ces principes au cas d’espèce, la cour examine minutieusement les journées non prestées, ainsi que la cause de suspension, rejetant les périodes de récupération de prestations précédemment exécutées en sus de l’horaire normal de travail mais retenant une période d’incapacité de travail. Le résultat obtenu permet de conclure que l’essai était terminé lors de la fin des relations de travail.

La cour réserve d’autres développements aux postes annexes, relatifs à des stock-options (concluant au rejet de la demande d’inclusion dans la rémunération de référence pour le calcul de l’indemnité compensatoire de préavis).

Enfin, en ce qui concerne les intérêts (s’agissant d’une affaire qui a été introduite en 2000 et jugée par le tribunal du travail en 2011), la cour est saisie d’une demande de la société, fondée sur le peu de diligence du demandeur, tendant à obtenir la suspension du cours des intérêts vu que ce dernier est pour partie en tout cas à l’origine du dommage dont il demande réparation. Concluant qu’il n’a effectivement pas eu le comportement du demandeur normalement prudent et diligent, la cour ramène le droit aux intérêts judiciaires dans les limites de son exercice normal, accordant la suspension pour trois ans et demi.

Intérêt de la décision

Cet arrêt de la Cour du travail de Bruxelles se penche sur les causes de suspension permettant la prolongation de la période d’essai. Elle renvoie à diverses décisions de jurisprudence concluant à la nécessité d’opérer une distinction entre ces causes : celles qui ont pour effet de diminuer la période de temps pendant laquelle les parties peuvent se jauger et celles qui n’ont pas ce caractère.


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