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Allocations aux personnes handicapées : intervention imminente de la Cour constitutionnelle

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 17 juin 2013, R.G. 2012/AB/376

Mis en ligne le mercredi 9 octobre 2013


Cour du travail de Bruxelles, 17 juin 2013, R.G. n° 2012/AB/376

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 17 juin 2013, la Cour du travail de Bruxelles rappelle qu’est pendante devant la Cour constitutionnelle une question relative à la constitutionnalité de l’article 8, § 1er, alinéa 4 de la loi du 27 février 1987 relative aux allocations aux personnes handicapées, et ce eu égard au principe de la polyvalence de la demande, principe garanti par la Charte de l’assuré social.

Les faits

Madame P. bénéficie d’une allocation de remplacement de revenus et d’une allocation d’intégration. Celles-ci lui sont maintenues après l’âge de 65 ans.

En 2011, soit 2 ans plus tard, ses droits sont revus d’office, vu l’augmentation de ses revenus pour l’année 2010.

Deux décisions sont alors prises, la première visant le maintien des deux allocations jusqu’au 31 mai 2011 et la seconde supprimant l’allocation de remplacement à partir du 1er juin et réduisant le montant de l’allocation d’intégration.

L’intéressée introduit alors une demande en vue d’obtenir l’allocation pour personnes âgées.

Celle-ci lui est accordée par jugement du Tribunal du travail de Bruxelles du 7 mars 2012, qui fixe le droit de l’intéressée à une allocation de catégorie 4. L’Etat belge est condamné à payer les arriérés.

Il interjette appel et demande à la cour du travail de confirmer la décision administrative revoyant le droit aux allocations précédemment perçues (A.R.R. et A.I.). Il demande à la cour d’examiner le droit de l’intéressée dans le cadre d’une A.P.A., mais à partir du 1er septembre 2011 seulement.

La décision de la cour

La cour constate qu’elle est saisie, vu l’appel limité formé par l’Etat belge contre le jugement du 7 mars 2012, de la question de l’octroi de l’A.P.A. à partir du 1er janvier 2011 au lieu du 1er septembre (date admise par l’Etat).

La question est en effet de déterminer si le droit existe avant l’introduction de la demande d’allocations pour personnes âgées, celle-ci ayant été formée dans le courant du mois d’août 2011.

La cour reprend les dispositions légales applicables, étant d’une part l’article 8 de la loi du 27 février 1987, selon lequel les allocations aux personnes handicapées sont accordées sur demande (le droit aux allocations prenant cours le premier jour du mois qui suit) et d’autre part les obligations de la Charte de l’assuré social.

La cour vise précisément les articles 8 et 9 de celle-ci. L’article 8 dispose que les prestations sociales sont accordées soit d’office lorsque ceci est matériellement possible, soit sur demande écrite de l’assuré social. Dans le secteur visé, l’allocation est accordée sur demande.

En ce qui concerne l’article 9, il vise le principe de polyvalence de la demande. Dans le cadre de la loi du 27 février 1987 (art. 8, § 1er, article 3), il est prévu qu’une demande d’allocation de remplacement de revenus vaut demande d’allocation d’intégration et inversement. La cour constate que cette règle ne vaut pas pour l’allocation aux personnes âgées, sauf si la demande est introduite après l’âge de 65 ans, ce qui n’est pas le cas en l’espèce, l’intéressée bénéficiant déjà d’allocations auparavant.

La cour rappelle que, sur cette question, la Cour constitutionnelle a été saisie à l’initiative de la Cour du travail de Mons (C. trav. Mons, 6 juin 2012 – question in M.B. 30 juillet 2012, p. 45312) de la conformité à la Constitution de l’article 8, § 1er, alinéa 4 de la loi du 27 février 1987. En vertu de celui-ci, seule la demande d’allocation d’intégration ou d’allocation de remplacement de revenus introduite par une personne qui a atteint l’âge de 65 ans est d’office ou automatiquement considérée comme valant demande d’allocation aux personnes âgées. En ne prévoyant un examen automatique ou d’office en A.P.A. que pour les demandeurs en A.R.R. ou A.I. qui ont atteint l’âge de 65 ans au moment de l’introduction de la demande (ceci n’étant pas prévu pour ceux qui n’ont pas encore cet âge là, même s’ils en sont très proches et qu’ils ne l’atteindront que peu de temps après, ou encore en cours de procédure lorsqu’un recours a été introduit devant la juridiction compétente), la question est posée de savoir si la loi n’opère pas une discrimination injustifiée susceptible de violer le principe d’égalité des articles 10 et 11 de la Constitution lus isolément ou en combinaison avec ses articles 22, 23 et 191 ainsi qu’avec l’article 6 de la C.E.D.H. La discrimination serait d’autant plus injustifiée, selon la question préjudicielle, que l’article 582, 1° du Code judiciaire prévoit que les juridictions du travail connaissent des contestations relatives aux droits en matière d’allocations aux personnes handicapées et instaure ce faisant, une compétence de pleine juridiction qui ne pourrait en l’occurrence être respectée au regard de la disposition concernée.

La cour du travail souligne encore que l’arrêt de la Cour constitutionnelle est attendu et que, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, il y a lieu de conclure sur les conséquences de la décision à intervenir. Les débats sont en conséquence réouverts au 7 octobre 2013.

Intérêt de la décision

Cet arrêt de la Cour du travail de Bruxelles pose une question évidente, eu égard au principe de polyvalence de la demande figurant dans la Charte de l’assuré social. Le libellé de l’article 8, § 1er, alinéa 3 de la loi du 27 février 1987 apparaît en effet comme inutilement restrictif et susceptible d’entraîner une discrimination. La situation est rendue plus délicate encore du fait que l’allocation pour l’aide aux personnes âgées n’est accordée que sur demande pour les personnes qui n’ont pas atteint 65 ans lors de la demande.


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