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Accident sur le chemin du travail : rappel des conditions en matière d’interruption

Commentaire de C. trav. Mons, 27 juin 2013, R.G. 2012/AM/263

Mis en ligne le mercredi 9 octobre 2013


Cour du travail de Mons, 27 juin 2013, R.G. n° 2012/AM/263

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 27 juin 2013, la Cour du travail de Mons reprend les conditions permettant d’admettre une interruption du chemin du travail dans le cadre de la reconnaissance d’un accident survenu entre le lieu du travail et la résidence.

Les faits

Un travailleur est victime d’un accident de roulage mortel, accident pour lequel une déclaration d’accident de travail est remplie. L’assureur rejette son intervention au motif que l’accident ne s’est pas produit dans le délai normal pour parcourir le trajet résidence / lieu de travail. A la fin de sa prestation de travail, soit vers 1h du matin, l’intéressé appelle sa compagne, plus d’une heure plus tard, lui signalant qu’il rentre au domicile. L’assureur s’interroge dès lors sur l’emploi du temps de la victime pendant cette période d’autant qu’il ne quittera le lieu du travail que vers 3h du matin. Il est victime d’un accident à un carrefour vers 3h45.

Une procédure est introduite par la mère de son enfant, né en dehors des liens du mariage, enfant qu’il a reconnu.

Décision du tribunal du travail

Par jugement du 9 mai 2012, le Tribunal du travail de Charleroi déclare l’action irrecevable à défaut d’intérêt en ce qu’elle est introduite par la mère en son nom personnel. Il accueille cependant cette demande telle qu’elle a été introduite par la mère en sa qualité d’administratrice légale de son enfant. Il la déclare cependant non fondée, les conditions exigées par la loi n’étant pas remplies (accident ne pouvant être reconnu comme survenu sur le chemin du travail).

Appel est interjeté par l’intéressée.

Position des parties en appel

L’appelante conteste en premier lieu le jugement intervenu, sur la recevabilité de l’action diligentée par elle-même à titre personnel. Elle fait valoir qu’elle est la mère d’un enfant orphelin de père et considère qu’elle a un intérêt matériel non théorique à agir à l’encontre de l’assureur. Sur le fond, elle souligne certains éléments de fait permettant, pour elle, de conclure que les conditions légales sont remplies. En ce qui concerne l’hiatus entre la fin de la journée de travail et l’heure de l’accident, elle fait valoir que l’intéressé a pu prendre repas chaud et qu’il y a dès lors eu une pause légitime.

Quant à l’entreprise d’assurances, elle sollicite la confirmation du jugement en tous points. Elle considère qu’il y a interruption importante du trajet sans justification de force majeure et que, même si l’intéressé s’était arrêté pour prendre un repas (ce qui n’est pas établi), la durée de cette interruption (1h45) ne pourrait être justifiée, s’agissant d’une interruption à caractère important.

Décision de la cour du travail

La cour statue en premier lieu sur la recevabilité de la demande. Elle rappelle que les catégories d’ayants droit prévues par la loi sont limitatives et que la mère de l’enfant ne peut disposer d’un intérêt né et actuel au sens de l’article 17 du Code judiciaire, ne réclamant pas d’indemnités ou de rente quelconque pour elle-même. Elle est par contre, comme le confirme la cour, en droit d’agir en sa qualité d’administratrice de son enfant mineur.

En ce qui concerne le fond, elle reprend les principes énoncés par l’article 8, § 1er, de la loi du 10 avril 1971, ainsi que l’apport jurisprudentiel et doctrinal sur la notion de trajet normal. Dans un arrêt du 5 mars 2007 (Cass., 5 mars 2007, R.G. S.06.0074.N), la Cour de cassation a en effet rappelé que le trajet conserve son caractère normal (i) en cas d’interruption insignifiante, (ii) si celle-ci est peu importante et qu’elle est justifiée par un motif légitime ou encore (iii) qu’elle est importante et est justifiée par la force majeure.

Il incombe à la victime (ou à l’ayant-droit) d’apporter la preuve que les conditions d’application de la loi sont remplies à cet égard.

La cour considère qu’il faut, dans un premier temps, examiner le caractère normal du trajet sur le plan géographique. Sous cet angle le trajet est normal, séparant le lieu d’exécution du travail de la résidence de l’intéressé. Cependant, sur le plan chronologique, il y a interruption importante sans aucune preuve d’une force majeure. Reprenant les éléments au dossier, la cour conclut que l’accident ne s’est pas produit durant le timing normal, une interruption d’environ 1h45 étant constatée. Ce que l’appelante devrait établir est l’existence d’un événement qui s’est imposé à la victime de façon imprévisible et irrésistible (la cour renvoyant ici à Cass., 13 novembre 1995, R.G. S.94.0107.F). La cour constate que l’appelante ne fait qu’émettre des suppositions, les éléments avancés n’étant nullement avérés et elle relève que, même si ce fait est établi, il ne s’agirait pas d’une force majeure, c’est-à-dire d’un événement extérieur et étranger à la victime s’étant imposé à elle impérieusement en dehors de sa volonté et auquel qu’elle ne pouvait absolument pas se soustraire.

En conséquence, la cour confirme le jugement en toutes ses dispositions.

Intérêt de la décision

Cet arrêt, qui rejoint la conclusion du Tribunal du travail de Charleroi, rappelle deux enseignements :

  1. Les ayants droit susceptibles de bénéficier des indemnités légales sont énumérés limitativement dans la loi du 10 avril 1971.
  2. En ce qui concerne l’accident sur le chemin du travail, parmi les conditions légales figure l’exigence de la normalité du trajet parcouru par la victime. Si celle-ci a le choix du trajet et que le trajet normal ne signifie pas nécessairement le trajet le plus court, mais celui qui s’est imposé raisonnablement à elle ce jour là, il n’en demeure pas moins que, si la victime a fait un détour ou s’il y a eu interruption du trajet, il faut à ce moment remplir les conditions exigées par la Cour de cassation à cet égard étant que le caractère insignifiant du détour de l’interruption n’est pas pris en compte, en cas de détour ou d’interruption peu importante, une cause légitime doit être fournie et en cas de détour ou d’interruption importante, seul peut les justifier un cas de force majeure, dont la cour rappelle la définition.

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