Terralaboris asbl

Subrogation de l’organisme assureur en cas d’accident du travail : étendue et règles de prescription

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 26 juin 2013, R.G. 2012/AB/51.587

Mis en ligne le mercredi 9 octobre 2013


Cour du travail de Bruxelles, 26 juin 2013, R.G. n° 2008/AB/51.587

TERRA LABORIS ASBL

Dans un arrêt du 26 juin 2013, la Cour du travail de Bruxelles, saisie d’une demande introduite par l’organisme assureur en vue du remboursement de ses décaissements dans le cadre d’une incapacité de travail, aborde la délicate question des effets interruptifs de la prescription dans le cadre de la subrogation organisée par la loi du 14 juillet 1994.

Les faits

Suite à un accident du travail, une entreprise d’assurances intervient dans le cadre de l’indemnisation de l’incapacité temporaire totale pour deux périodes se situant dans les années 1994 et 1995. Elle refuse une troisième période. Son médecin-conseil considérant qu’il y a guérison sans séquelles, un certificat de guérison sans incapacité permanente est notifié le 26 juin 1995. L’organisation syndicale à laquelle l’intéressée est affiliée entreprend diverses démarches, dont une en vue d’interrompre la prescription. En fin de compte, aucune action ne sera introduite. Entre-temps, l’organisme assureur est intervenu à titre provisionnel pour des frais médicaux et pour la troisième période d’incapacité de travail (refusée).

Le 26 juin 2000, l’organisme assureur introduit une action contre l’entreprise d’assurances en remboursement des paiements effectués et, en cours d’instance, une partie des paiements étant admise par l’assureur, celui-ci les rembourse. Restent cependant des frais médicaux, les intérêts réclamés (intérêts compensatoires), ainsi qu’une partie des décaissements intervenus, étant ceux relatifs à la période d’incapacité contestée.

Par jugement du 28 octobre 2008, le Tribunal du travail de Bruxelles fait droit à la demande.

Appel est cependant interjeté par l’assureur.

Position des parties

L’entreprise d’assurances considère qu’il y a extinction du droit dans le chef de l’organisme assureur, au motif que l’intéressée n’a jamais contesté la décision de consolidation sans séquelles à une date antérieure à la troisième période d’incapacité temporaire, la décision étant ainsi devenue définitive à son égard. En réclamant le remboursement de ses débours pour cette période, l’organisme assureur entend faire valoir à son encontre des droits que la victime ne pourrait plus faire valoir. A titre subsidiaire, l’assurance considère que l’imputabilité de la période d’incapacité à l’accident n’est pas établie. Elle fait valoir divers éléments d’ordre médical à cet égard.

Quant à l’intimé, il sollicite la confirmation du jugement, qui a fait droit à sa demande.

La décision de la cour

La cour reprend, en ce qui concerne la base légale de la réclamation, l’article 136, § 2 de la loi coordonnée le 14 juillet 1994. Celui-ci organise la subrogation de l’organisme assureur dans les droits du bénéficiaire : cette subrogation vaut à concurrence du montant des prestations octroyées, pour la totalité des sommes dues, et qui réparent partiellement ou totalement le dommage indemnisé. C’est une subrogation opérant de plein droit, c’est-à-dire, pour la cour, qu’elle est automatique. Dans ce mécanisme, le subrogé est ainsi substitué dans tous les droits et actions du créancier originaire.

La cour relève que les prestations dont l’organisme assureur demande remboursement ont été octroyées dans l’attente de la réparation du dommage par l’assureur, et ce conformément à la législation AMI. En ce qui concerne la subrogation, elle souligne que celle-ci n’existe qu’à concurrence des montants décaissés et au fur et à mesure de ceux-ci. Subrogé dans les droits de son affilié, l’organisme assureur ne dispose ni de plus ni de moins de droits que lui. L’action exercée n’est pas une action distincte de celle de la victime, mais l’action en paiement des indemnités de la victime elle-même.

En conséquence, les règles de prescription de l’action subrogatoire sont celles applicables à l’action de la victime contre l’entreprise d’assurances. En l’occurrence, se pose plus précisément la question de l’effet d’une interruption de la prescription, étant une lettre recommandée adressée par l’organisation syndicale dans le cours du délai de prescription. La cour pose la question de savoir si l’organisme assureur peut bénéficier de cette interruption et renvoie à un arrêt de la Cour de cassation (Cass., 16 décembre 2004, n° C.020212.N – C.02.0251.N), selon lequel l’interruption de la prescription par celui qui se fait subroger dans ses droits n’a lieu au profit du subrogé que si elle est antérieure et non postérieure à la subrogation.

La solution dépend dès lors de la question de l’antériorité de la subrogation à l’acte interruptif.

La cour constate, à partir des éléments de fait, que l’interruption est postérieure à celle-ci et que, dès lors, en application de la règle dégagée par la Cour de cassation dans son arrêt du 16 décembre 2004, l’organisme assureur ne pourrait s’en prévaloir.

La cour ordonne cependant la réouverture des débats aux fins de permettre aux parties de faire valoir leurs moyens de défense, le point de droit ayant été soulevé d’office.

Intérêt de la décision

Cet arrêt de la Cour du travail de Bruxelles, rendu dans le cadre des relations entre l’entreprise d’assurances et l’organisme assureur en soins de santé et indemnités, pose la délicate question de la subrogation.

Si la nature de l’action de l’organisme assureur n’est pas contestée, s’agissant non d’une action distincte mais de l’action de la victime elle-même, est posée en l’espèce la question de savoir si, dans le cadre de la subrogation, l’organisme assureur peut bénéficier des effets d’un acte interruptif de prescription intervenu à l’initiative de la victime elle-même. L’exigence de l’antériorité de l’interruption par rapport à la subrogation a été dégagée dans l’arrêt du 16 décembre 2004 de la Cour de cassation cité dans l’arrêt de la cour du travail et il semble difficile d’imaginer une autre solution.

Affaire à suivre, cependant, vu la réouverture des débats.


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