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Chômage et situation familiale : importance des documents C1

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 4 septembre 2013, R.G. n° 2011/AB/1067

Mis en ligne le jeudi 6 mars 2014


Cour du travail de Bruxelles, 4 septembre 2013, R.G. n° 2011/AB/1.067

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 4 septembre 2013, la Cour du travail de Bruxelles rappelle que le chômeur est tenu d’informer l’ONEm de toute modification de sa situation familiale susceptible d’influer sur le taux des allocations. Elle aborde également la question de la bonne foi dans l’hypothèse d’une absence d’information faite d’initiative.

Les faits

Un bénéficiaire d’allocations de chômage (avec charge de famille) confirme, régulièrement, sur les C1 remplis que son épouse n’a pas d’activité professionnelle. La situation est cependant modifiée début mai 2006 et la chose n’est alors pas reportée sur le C1 qui sera rempli quelques mois plus tard. Il s’agit d’un travail à temps partiel et trois ans plus tard, l’ONAFTS en informe l’ONEm. Une convocation est adressée à l’intéressé et l’ONEm l’exclut, ultérieurement, des allocations au taux de bénéficiaire avec charge de famille, vu qu’il a la qualité de cohabitant. Il y a également décision de récupération et une exclusion de 13 semaines (article 153). L’indu est de l’ordre de 21.000€.

Une contestation est introduite devant le tribunal du travail, dans laquelle l’intéressé demande l’annulation des décisions et la limitation de la récupération aux 150 dernières allocations.

Décision du tribunal du travail

Par jugement du 21 octobre 2011, le tribunal accueille partiellement la demande, annulant la décision de l’ONEm. Les décisions sont cependant confirmées, le tribunal s’étant substitué à l’Office. Il assortit la sanction de 13 semaines d’un sursis complet.

Appel est interjeté par l’intéressé, qui fait valoir sa bonne foi et, en conséquence, demande la limitation de la récupération aux 150 dernières allocations.

Décision de la cour du travail

La cour se prononce essentiellement sur la question de la bonne foi. L’article 169 de l’arrêté royal permet en effet, lorsque les allocations indues ont été perçues de bonne foi, la limitation de la récupération aux 150 derniers jours d’indemnisation indue. Pour la cour, la règle est que le chômeur a la charge de la preuve de sa bonne foi. La cour renvoie à un arrêt de la Cour de cassation du 16 février 1998 (Cass., 16 février 1998, R.G. n° S.97.0137.N), dans lequel la Cour a considéré que, pour l’appréciation de la bonne foi dans le cadre de cette disposition, le juge peut tenir compte de l’intention ainsi que de la connaissance du chômeur.

Pour la cour du travail, il faut entendre par bonne foi l’absence de conscience du caractère indu au moment où le paiement a été fait.

Elle renvoie à la doctrine (H. Mormont, « La revision des décisions et la récupération des allocations » in Chômage, vingt ans d’application de l’arrêté royal du 25 novembre 1991, Etudes pratiques de droit social, 2011/5, p. 683-684), qui retient que la bonne foi est exclue en cas de cumul d’allocations car dans cette situation le chômeur doit le plus souvent prendre connaissance aisément du fait que l’une n’est pas due.

La cour constate en fait que l’activité de l’épouse n’a jamais été déclarée et que, après le début d’exercice de cette activité, seul un formulaire C1 figure au dossier (celui repris ci-dessus et qui n’en confirme pas l’exercice).

La cour en déduit que l’intéressé ne prouve pas avoir informé l’ONEm de cette activité professionnelle et, alors que celui-ci insiste pour que des documents C1 ultérieurs (dont il dit qu’ils ont été remplis) soient produits, la cour rejette cette demande, considérant que le formulaire rempli 6 mois après le début de l’activité professionnelle est incorrect. La déclaration a été faite en pleine connaissance de cause, la cour retenant que le questionnaire est exempt de toute ambigüité et que de ce fait la bonne foi ne peut être admise.

Le chômeur ne peut en effet ignorer que l’activité professionnelle de son conjoint aura une répercussion sur le montant de ses allocations.

La cour relève encore que l’intéressé n’a pas sollicité de l’ONEm que ce formulaire C1 soit corrigé et que dès lors la bonne foi n’est pas établie.

Quant à la circonstance que l’activité a été déclarée au fisc ainsi qu’au bailleur (société de logement) ou porté à la connaissance d’autres institutions de sécurité sociale (mutuelle et caisse d’allocations familiales), celle-ci est cependant prise en compte, la cour considérant qu’elle permet d’établir que l’intéressé a agi sans ruse et sans volonté réelle de tromperie.

Il n’y a, en conséquence, pas manœuvre frauduleuse. L’arrêt note cependant qu’il existe un stade intermédiaire entre l’existence de manœuvres frauduleuses et la bonne foi et que c’est celui-ci qui est présent en l’espèce. Dans une telle hypothèse il n’y a pas lieu de limiter la récupération des allocations indues.

La cour va dès lors confirmer le jugement dans toutes ses dispositions et, notamment, en ce qui concerne le sursis vu l’absence d’antécédents.

Intérêt de la décision

Cet arrêt rappelle une nouvelle fois l’importance des informations contenues dans les documents C1 remplis par le chômeur, à partir des informations qu’il possède lui-même quant à sa situation familiale. Le chômeur est dès lors « cru sur parole » lorsqu’il expose celle-ci. Cette déclaration va cependant influencer l’examen de son dossier, ainsi lors d’une modification de la situation professionnelle de son conjoint avec qui il cohabite.

Un intérêt de la décision, en outre, est de relever l’existence d’un « stade intermédiaire » entre les manœuvres frauduleuses et la bonne foi. L’arrêt conclut cependant que, même si l’on se trouve dans une telle hypothèse, ceci n’a pas d’incidence sur la limitation de la récupération (150 dernières allocations), qui n’est admise que si le chômeur a dûment établi la bonne foi requise au sens de la réglementation.


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