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Incidence d’une indemnisation en droit commun sur l’ARR et l’AI

Commentaire de Trib. trav. Charleroi, 10 septembre 2009, R.G. 05/1.646/A

Mis en ligne le mercredi 9 avril 2014


Tribunal du travail de Charleroi, 10 septembre 2009, RG. n° 05/1.646/A

TERRA LABORIS ASBL – Mireille JOURDAN

Dans un jugement du 10 septembre 2009, le Tribunal du travail de Charleroi (section Binche) rappelle les principes en matière de cumul de prestations avec une indemnisation de droit commun.

Les faits

Une dame X. est victime d’un grave accident de la route en 2000 et reste handicapée.

Elle a bénéficié d’avances sur indemnités, celles-ci étant allouées par le Service des allocations aux personnes handicapées.

En 2005, le règlement définitif du préjudice intervient et l’intéressée est indemnisée. Le Service des allocations aux personnes handicapées recalcule dès lors les prestations sociales auxquelles elle a droit, ainsi qu’un indu (vu les avances accordées).

L’essentiel du litige va porter sur l’imputation de l’indemnisation en droit commun.

Le Service des allocations aux personnes handicapées va prendre, en effet, 5 décisions du même jour, fixant les droits de l’intéressée en matière d’ARR et d’AI, à des dates successives. Un recours est introduit contre ces 5 décisions.

Position du Tribunal

Le Tribunal constate, d’abord, que l’indemnisation en droit commun porte sur un dommage économique passé et futur, un préjudice ménager passé et futur également ainsi qu’une aide de tierce personne passée et future.

Il examine les imputations auxquelles il a été procédé, d’abord sur l’ARR, étant l’imputation totale du dommage économique passé et, pour l’AI, la conversion en rente du montant alloué pour l’aide de tierce personne future.

Le Tribunal constate que le Service procède cependant à de nouveaux calculs étant que dans un deuxième temps il tient compte dans l’AI des capitaux perçus pour l’aide d’une tierce personne et de la réparation du préjudice ménager, et ce tant pour le passé que pour le futur. Dans un dernier calcul, le Service abandonne l’indemnisation du préjudice ménager et ne retient plus que la rente (étant la conversion du capital) pour l’aide d’une tierce personne future.

Quel que soit le mode de calcul, le service aboutit à la conclusion qu’l y a refus d’octroi.

Le Tribunal va alors rappeler les principes applicables, étant relatifs à la prise en considération des revenus du ménage du handicapé et notamment de ceux assimilables à l’ARR ou à l’AI. Le Tribunal rappelle que la personne handicapée est tenue de faire valoir ses droits aux prestations qu’elle peut prétendre en vertu d’une autre législation et qui viendront couvrir la limitation de la capacité de gain ou le manque (ou réduction) d’autonomie.

En ce qui concerne l’ARR, les sommes perçues en droit commun en réparation du dommage économique constituent de telles prestations destinées à couvrir la limitation de la capacité de gain. Il y a dès lors lieu à déduction. Les prestations n’étant pas cumulables, le calcul est aisé, en ce qui concerne le préjudice réparant le dommage économique passé, puisque l’indemnisation en droit commun la fixe mensuellement.

En ce qui concerne l’AI, le tribunal rejoint la position de la demanderesse, qui conteste la prise en compte de la réparation du préjudice ménager. Le tribunal rappelle un jugement du Tribunal du travail de Mons (Trib. Trav. Mons, 11 juin 2007, sans réf.), qui s’est fondé sur la jurisprudence de la Cour de cassation (Cass., 11 mars 1999, R.G. C. 900145F). Celle-ci a donné la définition suivante du préjudice ménager : c’est le dommage résultant du fait qu’en raison de son état, la victime ne peut plus exercer tout ou partie des activités ménagères dont elle-même, ainsi que toutes ou partie des membres de son ménage bénéficiaient. La Cour de cassation ayant par ailleurs posé le principe que la réduction d’autonomie requise pour l’octroi d’allocations d’intégration est évaluée par rapport à l’importance de l’aide nécessaire d’une tierce personne (Cass., 28 juin 2004, J.T.T., 2004, 518), il apparait que le préjudice ménager n’inclut pas le coût de cette aide réparable. Les notions étant distinctes, il n’y a pas lieu de prendre celui-ci en compte dans la fixation du montant de l’allocation d’intégration. Ceci ne serait cependant pas le cas si les sommes versées au titre de préjudice ménager avaient été considérées comme des revenus ordinaires, c’est-à-dire qu’elles aient été imposables.

Tel n’est cependant pas le cas, puisque cette indemnité ne vise pas la perte d’une ressource financière. En conséquence, le capital afférent à ce préjudice ne peut être déduit ni en tant que revenu assimilable ou de même nature que l’allocation d’intégration ni en tant que revenu imposable. De ce jugement du Tribunal du travail de Mons (dont le tribunal de Charleroi partage pleinement la conclusion), il découle que cette partie du préjudice ne peut être prise en compte.

Le Tribunal se réfère en outre aux conclusions d’un groupe de travail (reprises dans PEETERS et VANDEN BOSSCHE, Le traitement de sinistres avec dommage corporel et dix ans de tableaux indicatifs, Larcier, 2004, p. 366 et 373), selon lesquelles le préjudice ménager est conçu comme une des manifestations du dommage matériel causé par l’incapacité de travail (à côté de la perte de revenus ou des efforts accrus). L’aide de tiers est indemnisée distinctement par l’évaluation concrète de son coût (base horaire et fixation du nombre d’heures). Pour le Tribunal, le préjudice ménager ne recouvre dès lors nullement l’indemnisation pour perte d’autonomie.

Cependant, le besoin en aide de tiers trouve son fondement dans un manque ou une réduction de l’autonomie. Le Tribunal examine, séparément, la période passée et future (un capital ayant été perçu et celui-ci devant être converti en rente annuelle en application de l’article 8bis de l’arrêté royal du 6 juillet 1987).

Le Tribunal va dès lors fixer le montant de l’ARR et de l’AI aux dates successives de modification de la situation de la demanderesse.


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