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Statut social des travailleurs indépendants : mandataire de société et présence à l’étranger

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 13 novembre 2013, R.G. 2011/AB/00034

Mis en ligne le lundi 19 mai 2014


C. trav. Bruxelles, 13 novembre 2013, R.G. n° 2011/AB/00034

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 13 novembre 2013, la Cour du travail de Bruxelles rappelle les conditions d’assujettissement au statut social des travailleurs indépendants dans le chef d’un mandataire de société soumise à l’impôt belge, mandataire qui soutient avoir séjourné à l’étranger (Amérique latine) et y avoir exercé une activité professionnelle pendant la période concernée.

Les faits

Une caisse d’assurances sociales réclame des cotisations à un travailleur indépendant pour les années 2003 à 2005.

Une procédure est introduite devant le tribunal du travail, qui accueille la demande de la caisse, par jugement du 15 mars 2010.

L’intéressé interjette appel contestant l’exercice effectif d’un mandat d’administrateur au sein de deux sociétés et sa présence en Belgique.

Position des parties devant la cour

L’appelant expose qu’il vivait à l’étranger (Chili) pendant cette période. Il conteste sa qualité d’administrateur au sein d’une des deux sociétés, faisant valoir qu’il s’était affilié à la caisse en tant qu’associé actif pour l’autre société uniquement, et ce pour une partie de la période visée. Il conteste avoir été gérant de cette société.

Il développe une thèse subsidiaire, étant, pour la première des deux sociétés, qu’à supposer que l’on retienne l’exercice d’un mandat, celui-ci était un mandat à titre gratuit.

Il demande dès lors à être libéré de toute condamnation, considérant que les cotisations relatives à sa qualité d’associé actif ont été versées.

Quant à la caisse, elle conteste qu’il y ait eu établissement permanent de l’intéressé à l’étranger et souligne que lors de son affiliation, l’intéressé a fait état d’un mandat dans la seconde société mais mandat à titre rémunéré, pour lequel des cotisations ont été payées et une dispense ayant été accordée pour partie.

En ce qui concerne la première des deux sociétés (dans laquelle l’intéressé conteste toute implication), le secrétariat social retient qu’il y a eu publication au Moniteur Belge et que - si l’intéressé entendait comme il le prétend devant la cour dire qu’il s’agissait d’un faux - il devrait déposer plainte en ce sens, ce qui n’a pas été fait.

La caisse conclut que l’exercice d’un mandat dans une société est présumé constituer l’exercice d’une activité qui entraîne l’assujettissement au statut social et que l’intéressé doit renverser cette présomption – ce qu’il ne fait pas en l’espèce.

Décision de la cour du travail

La cour relève, en premier lieu, des incohérences dans les éléments de fait invoqués (absence de Belgique pendant la période concernée, agissements d’un tiers, …). Elle considère dès lors devoir s’en tenir pour son appréciation des éléments de la cause de manière stricte aux pièces produites.

Elle rappelle, sur le plan des principes, que la gratuité de fait d’un mandat ne suffit pas pour échapper aux cotisations au statut social des travailleurs indépendants lorsque le paiement d’une rémunération n’est pas exclue par les statuts ou par une délibération de l’organe compétent. Elle renvoie aux présomptions en la matière. L’article 3, § 1er de l’arrêté royal n° 38 définit le travailleur indépendant, à savoir qu’il s’agit de toute personne physique qui exerce en Belgique une activité professionnelle en raison de laquelle elle n’est pas engagée dans les liens d’un contrat de louage de travail ou d’un statut. Pour ce qui est des personnes désignées comme mandataires dans une société ou association assujettie à l’impôt belge (impôt des sociétés ou impôt des non-résidents), celles-ci sont présumées de manière irréfragable exercer une telle activité en Belgique en tant que travailleur indépendant. Par ailleurs, l’article 2 de l’arrêté royal du 19 décembre 1967, qui vient exécuter cette règle dispose que l’exercice d’un mandat est de manière irréfragable présumé constituer l’exercice d’une activité entraînant l’assujettissement au statut social. Après avoir rappelé que le caractère irréfragable de la présomption a été jugé inconstitutionnel par un arrêt du 3 octobre 2004 (C. Const., 3 octobre 2004, arrêt n° 176/2004), la cour examine si la présomption est renversée en l’espèce.

Les critères sur lesquels elle se fonde sont le chiffre d’affaires de la société ainsi que les revenus de travailleurs indépendants déclarés. Mais c’est essentiellement la résidence et le travail à l’étranger qui sont relevés. Si la cour conclut que l’intéressé entretient des rapports privilégiés avec ce pays, elle retient comme éléments en sens contraire le maintien du domicile en Belgique pendant toute la période litigieuse, l’absence de domicile à l’étranger ou de preuve d’une résidence permanente. L’intéressé produisant également des notes d’honoraires au nom d’une société chilienne, la cour rejette cet élément comme susceptible d’établir une activité dans ce pays, les montants y figurant n’étant, selon elle, pas de nature à représenter un salaire à temps plein, même dans un pays au pouvoir d’achat moins élevé.

Elle rejette dès lors que la présence régulière de l’intéressé dans ce pays soit établie pour la période litigieuse et conclut que l’intéressé n’apporte pas la preuve qu’il n’a pas pu exercer d’activité régulière de mandataire de société en Belgique. La cour souligne que pour ce seul motif, les cotisations sociales sont dues.

Intérêt de la décision

Cet arrêt de la Cour du travail de Bruxelles est amené à donner un éclairage sur les conditions de renversement de la présomption d’activité en Belgique d’un mandataire de société, dans la mesure où celui-ci vante une présence et une activité professionnelle dans un pays étranger pendant la période considérée. La cour rappelle que, vu le caractère réfragable de la présomption d’exercice en Belgique d’une activité professionnelle en tant que travailleur indépendant, dans le chef du mandataire d’une société (ou association) assujettie à l’impôt belge, il appartient à l’intéressé de prouver qu’il n’a pas pu exercer une activité régulière sur le territoire.

La cour a également procédé à un examen factuel de la situation, à partir du critère de la résidence à l’étranger, critère que la cour aborde non seulement à partir d’une domiciliation dûment établie mais également en tant que résidence permanente.


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