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Indemnité forfaitaire en cas de travail au domicile de l’employé : conditions

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 19 novembre 2013, R.G. 2012/AB/171

Mis en ligne le vendredi 6 juin 2014


Cour du travail de Bruxelles, 19 novembre 2013, R.G. n° 2012/AB/171

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 19 novembre 2013, la Cour du travail de Bruxelles rappel que, pour que soit due l’indemnité forfaitaire de 10% de la rémunération, le travail au domicile de l’employé doit être une condition structurelle du contrat. Il ne peut s’agir d’un travail occasionnel.

Les faits

Une employée au service d’une société de droit allemand, engagée dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée, est licenciée moyennant indemnité, fixée par l’employeur, à huit mois de rémunération.

Elle considère que d’autres montants lui sont dus, dont une indemnité équivalente à 10% de la rémunération pour l’utilisation de son logement privé comme bureau pendant toute la période de travail. Il s’agit d’un montant de l’ordre de 28.000€.

Elle introduit dès lors une procédure devant le Tribunal du travail de Bruxelles, qui condamne la société à divers montants dont à cette indemnité de travail à domicile.

La société interjette appel, sur plusieurs chefs de demande, dont l’indemnité en cause.

Décision de la cour du travail

La cour rappelle, dès lors, les principes repris dans la loi du 3 juillet 1978 en ce qui concerne le travail à domicile, des dispositions spécifiques étant réservées à cette catégorie de travailleurs aux articles 119.1. et suivants.

La cour reprend en premier lieu la définition des travailleurs à domicile, étant ceux qui sous l’autorité de l’employeur, fournissent un travail contre rémunération, à leur domicile ou à tout autre endroit choisi par eux, sans qu’ils soient sous la surveillance ou le contrôle direct de l’employeur.

Pour que le travail à domicile soit retenu, il faut qu’il s’agisse d’une condition structurelle convenue expressément ou implicitement entre les parties. N’est dès lors pas visé le travail à domicile occasionnel.

La cour rappelle le principe selon lequel la question de savoir quelle partie au contrat de travail a pris l’initiative du travail à domicile ainsi que les motifs de cette décision sont sans incidence. Elle renvoie notamment à un arrêt de sa propre cour du 1er octobre 2010 (C. trav. Bruxelles, 1er octobre 2010, R.G. n° 2009/AB/52197).

La loi exige un formalisme particulier, en cas d’occupation de travailleur à domicile, étant que le contrat doit être conclu au plus tard au moment de l’entrée en service et que diverses clauses doivent être prévues. Ceci concerne notamment les frais inhérents au travail à domicile. À défaut de telles précisions contractuelles, la loi prévoit un forfait de 10% de la rémunération au titre de remboursement de ceux-ci, ce qui permet encore au travailleur d’établir, pièces à l’appui, que les frais réels sont supérieurs à ce montant.

En l’espèce, la cour constate que l’intéressée était domiciliée à Bruxelles et que son employeur était à l’étranger, n’ayant pas de bureau en Belgique. Figurait dans le contrat une clause visant des prestations à son domicile (home office). L’employée n’était cependant ni sous la surveillance ni sous le contrôle direct de son employeur. Pour la cour, même si aucune indemnité n’a été fixée dans le contrat, cette circonstance n’est pas de nature à modifier la qualification de celui-ci, la loi prévoyant dans cette hypothèse le paiement d’une indemnité forfaitaire.

A la société, qui plaide que l’intéressée avait en réalité des fonctions de représentant de commerce, la cour oppose que, dans les faits, la visite de clients ne représentait pas l’activité principale de l’intéressée, ainsi qu’il ressort des éléments qui lui sont soumis. Que celle-ci ait eu à sa disposition un véhicule ne fait, par ailleurs, pas obstacle à la demande de paiement de l’indemnité forfaitaire pour travail à domicile.

La cour rappelle encore l’objet de cette indemnité, qui est de couvrir des frais exposés par le travailleur (amortissement de son bureau, chauffage, électricité, etc.) et non les instruments nécessaires à l’exécution du travail (tels que véhicule), qui doivent être fournis par l’employeur conformément à ses obligations légales.

La société n’établit, en résumé, nullement que l’intéressée n’aurait pas droit à cette indemnité de frais. Dix pourcents de la rémunération versée pendant la période d’occupation sont dès lors dus à ce titre.

La cour doit, à ce stade de son raisonnement, examiner si les remboursements de frais constituent un élément de la rémunération et si elle se trouve en présence d’une infraction. Elle rappelle que les remboursements de frais sont un élément de la rémunération au sens de la loi du 12 avril 1965, renvoyant à la jurisprudence de la Cour de cassation sur la question (Cass., 24 mai 1972, J.T.T., p. 2002). L’action civile résultant d’une infraction se prescrivant par cinq ans, elle reprend les principes applicables en présence de plusieurs faits délictueux consistant dans l’exécution successive d’une même intention délictueuse. Cette unité d’intention peut être admise, comme le rappelle la cour, pour des infractions dont l’élément moral consiste à avoir contrevenu à une disposition légale volontairement, sans contrainte et consciemment. Le juge doit cependant constater que les différents faits qui lui sont présentés constituent la manifestation successive d’une telle unité d’intention. La cour renvoie ici à la jurisprudence de la Cour de cassation (dont Cass., 13 novembre 2007, R.G. n° P.07.1092.N).

Elle conclut dès lors à l’existence d’un délit, commis de manière volontaire et consciente par la société. Il s’agit d’un délit continué et la prescription n’a pu prendre cours qu’à la fin du contrat de travail pour l’ensemble des faits commis pendant toute l’exécution de celui-ci.

La demande n’est dès lors pas prescrite.

La cour va encore examiner d’autres chefs de demande, plus factuels, dont un bonus, pour lequel elle reprend une autre règle de prescription en matière de rémunération : le non paiement de celle-ci constitue une infraction instantanée consommée par le fait du non paiement à la date ultime prévue pour celui-ci (Cass., 21 décembre 1992, R.G. n° 9547).

Intérêt de la décision

Cette affaire rappelle les principes applicables en matière de contrat de travail à domicile eu égard plus spécifiquement aux conditions de débition de l’indemnité de remboursement de frais, dans une telle hypothèse. Pour qu’il y ait travail à domicile, les prestations au domicile du travailleur doivent constituer une condition structurelle du contrat, que celle-ci soit expresse ou non. Il ne peut s’agir d’un travail occasionnel.


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