Terralaboris asbl

Contrôle du motif de licenciement : critères des nécessités de fonctionnement de l’entreprise

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 1er avril 2014, R.G. 2012/AB/134

Mis en ligne le vendredi 13 juin 2014


Cour du travail de Bruxelles, 1er avril 2014, R.G. n° 2012/AB/134

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 1er avril 2014, la Cour du travail de Bruxelles procède à l’examen du motif du licenciement d’un ouvrier, licenciement présenté pour raisons économiques affectant l’entreprise.

Les faits

L’employeur est une société active dans le secteur de l’imprimerie. Elle occupait un sérigraphe (sous statut d’ouvrier) depuis 18 mois, lorsqu’elle l’a licencié moyennant paiement d’une indemnité compensatoire de préavis.

L’intéressé conteste la décision de rupture et introduit une procédure devant le Tribunal du travail de Bruxelles, en licenciement abusif.

Décision du tribunal du travail

Le tribunal fait droit à sa demande par jugement du 5 décembre 2011, condamnant la société à une indemnité équivalent à 6 mois de rémunération (application de l’article 63 de la loi du 3 juillet 1978).

La société interjette appel.

Décision de la cour du travail

La cour rappelle le cadre légal du contrôle du motif en cas de licenciement d’un ouvrier, s’agissant d’une rupture intervenue en 2006. Elle reprend le texte de l’article 63, selon lequel les motifs de licenciement licite sont ceux ayant un lien avec la conduite ou l’aptitude du travailleur d’une part ou fondés sur les nécessités de l’entreprise de l’établissement ou du service de l’autre. Dans le cadre du mécanisme légal mis en place par l’article 63, la charge de la preuve incombe à l’employeur, en cas de contestation. L’indemnité sanctionnant un licenciement intervenu pour un motif non admis est de 6 mois de rémunération.

L’employeur fait état uniquement de motifs économiques. Il se réfère à plusieurs éléments, étant que l’intéressé aurait été mis en chômage économique pendant 4 mois (l’année précédant son licenciement). Elle fait également valoir la diminution du chiffre d’affaires dans le département où l’intéressé était occupé ainsi que dans un autre trois mois avant le licenciement de l’intéressé, situation qui aurait abouti à la rupture du contrat de trois autres travailleurs. Enfin, elle se réfère aux difficultés économiques du secteur.

La cour procède dès lors à l’examen du bien fondé de ces éléments, rappelant qu’il appartient à l’employeur de prouver les circonstances qu’il invoque.

Elle aborde successivement l’examen des circonstances vantées. Sur le chômage économique, elle constate qu’il est de bien moindre ampleur que la période annoncée par la société. Elle conclut que quelques jours de chômage un an avant le licenciement n’établissent nullement l’existence d’un manque de travail justifiant la rupture. En ce qui concerne le chiffre d’affaires, la cour constate ne pas pouvoir se satisfaire de simples simulations portant sur quelques mois de l’année. Elle se penche cependant sur les comptes annuels, qui font apparaître un bénéfice en augmentation constante, ainsi que sur le bilan social, qui reprend le nombre de travailleurs occupés (en équivalent temps plein). Ce nombre est croissant, pour la période, ainsi que le nombre d’heures de travail prestées.

Il ressort à suffisance, pour la cour, que, le volume de travail et le nombre de travailleurs occupés étant en augmentation, il n’y a pas de motifs économiques pouvant justifier le licenciement. Elle confirme, en conséquence, la décision du tribunal.

Intérêt de la décision

La cour du travail procède, dans cet arrêt, à l’examen de la réalité de motifs économiques invoqués à l’appui d’un licenciement. Il s’agit toujours (et ceci sera encore le cas dans de nombreuses décisions de jurisprudence à venir) de l’article 63 de la loi du 3 juillet 1978, qui définit les motifs admis, contient un mécanisme probatoire spécifique (présomption légale, renversant la charge de la preuve) et qui prévoit une indemnité forfaitaire de 6 mois de rémunération.

Les règles du contrôle du motif de licenciement sont actuellement différentes, pour les ruptures intervenant à partir du 1er avril 2014, sur certains points.

Le régime est étendu à l’ensemble des travailleurs (employés et ouvriers) mais la présomption légale est abandonnée et les règles de preuve consistent en un partage de la charge de la preuve. Rappelons que le motif doit être demandé par le travailleur dans un délai de deux mois après la rupture et qu’en cas de licenciement avec préavis, la demande est à adresser dans un délai de 6 mois après la notification du congé, sans pouvoir toutefois dépasser deux mois après la fin du contrat de travail.

Il n’est pas inutile de rappeler les règles nouvelles sur le plan de la charge de la preuve, étant que si l’employeur ne communique pas les motifs concrets ou s’il les communique sans respecter le délai de deux mois à dater de la réception de la lettre recommandée ci-dessus, il doit fournir la preuve des motifs invoqués, qui démontrent que le licenciement n’est pas manifestement déraisonnable (en sus de devoir payer une amende civile de 2 semaines de rémunération).

Si, au contraire, les motifs on été communiqués, les parties ont la charge de la preuve des faits qu’elles allèguent.

Enfin, si le travailleur n’a pas fait la demande dans le délai ci-dessus, il devra prouver les éléments qui indiquent le caractère manifestement déraisonnable du licenciement.

En outre, le mécanisme actuel a modifié les règles en matière d’indemnisation, l’indemnité allouée étant actuellement variable, pouvant aller de 3 semaines à 17 semaines de rémunération. Celle-ci n’est pas cumulable avec toute autre indemnité due par l’employeur à l’occasion de la fin du contrat de travail (hors indemnité compensatoire de préavis, indemnité de non concurrence, indemnité d’éviction ou indemnité complémentaire payée en plus des allocations sociales).


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