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Indemnité compensatoire de préavis : comment évaluer l’avantage en nature constitué par l’usage d’une voiture ?

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 5 février 2014, R.G. n° 2012/AB/316 – 2012/AB/741 – 2012/AB/1.264

Mis en ligne le vendredi 13 juin 2014


Cour du travail de Bruxelles, 5 février 2014, R.G. n° 2012/AB/316 – 2012/AB/741 – 2012/AB/1.264

TERRA LABORIS ASBL

Dans un arrêt du 5 février 2014, la Cour du travail de Bruxelles rappelle que l’évaluation de l’avantage en nature que constitue l’usage privé d’un véhicule doit se faire eu égard à la valeur de jouissance de celui-ci et non en fonction de la valeur convenue ou déclarée fiscalement.

Les faits

Un employé exerçant des fonctions de consultant dans le secteur informatique est licencié après la fusion de la société qui l’avait engagé avec une autre. La société à laquelle son contrat a été cédé notifie la rupture du contrat sur le champ, moyennant paiement d’une indemnité de 3 mois.

L’intéressé conteste, d’une part, le montant de l’indemnité et, d’autre part, la rémunération de référence.

Une proposition de légère augmentation financière est faite par la société, mais celle-ci est jugée insuffisante par l’employé, qui demande devant le tribunal du travail une indemnité de 8 mois, tenant compte des paramètres habituels, et fixe la rémunération de base en fonction d’une autre évaluation financière que celle faite par l’employeur.

Par jugement du 24 janvier 2012, le Tribunal du travail de Nivelles fait partiellement droit à sa demande, condamnant la société à un complément de l’ordre de 12.700 €.

L’intéressé interjette appel, demandant la réformation partielle du jugement, essentiellement sur l’évaluation de divers avantages rémunératoires. Il maintient par ailleurs qu’il a droit à une indemnité plus élevée.

La décision de la cour

La cour va, dans un premier temps, statuer sur un problème de nullité de la requête, nullité invoquée par la société, au motif du non-respect de l’emploi des langues, qu’elle a son siège en Région flamande et qu’aucune traduction n’a été jointe à la requête d’appel (en réalité deux requêtes). La cour rappelle que, en cas de violation de la disposition légale, la nullité ne concerne que les conséquences procédurales de la signification ou de la notification. La première requête ayant été introduite dans le délai légal, l’acte n’est pas nul du fait de l’irrégularité de sa notification. Il sortit ses effets en ce qui concerne le respect du délai.

La cour va, ensuite, aborder le débat au fond, examinant successivement les éléments relatifs à la rémunération de base. Elle rappelle que l’article 39, § 1er de la loi du 3 juillet 1978 dispose que l’indemnité de congé doit comprendre, outre la rémunération en cours, les avantages acquis en vertu du contrat. Les parties s’opposent, dans la prise en compte de ces avantages, sur l’avantage voiture, ainsi que, de manière moins substantielle, sur l’évaluation de l’assurance invalidité, l’assurance de groupe, la téléphonie et, encore, sur une question de frais forfaitaires.

La question de l’avantage voiture est envisagée par la cour à partir de l’enseignement de l‘arrêt de la Cour du travail de Liège du 22 octobre 1991 (C. trav. Liège, 22 octobre 1991, J.T.T., 1991, p. 30). Cette décision a considéré que l’avantage voiture doit être évalué par référence à la valeur de jouissance du véhicule pour le travailleur et que la valeur convenue ou la valeur déclarée fiscalement n’est pas un critère pertinent.

En l’occurrence, s’agissant d’une VW Passat, pour laquelle l’intéressé bénéficiait également d’une carte d’essence, celui-ci considère qu’il faut retenir un montant de 500 € par mois.

La cour renvoie, pour les critères d’évaluation, à la jurisprudence de la Cour de cassation (dont Cass., 29 janvier 1996, J.T.T., 1996, p. 188), selon laquelle le juge doit tenir compte de la valeur économique réelle de l’avantage et non de la valeur convenue par les parties. Il faut évaluer ce que représente le fait pour le travailleur de pouvoir utiliser le véhicule mis à sa disposition, et ce à des fins privées. Elle va dès lors examiner dans quelle mesure cet avantage contractuel était accordé, eu égard à son étendue. Elle relève que le règlement relatif aux voitures de fonction de la société justifie l’octroi de cet avantage par le souhait de faciliter l’exécution du contrat de travail, eu égard, pour l’intéressé par exemple, à l’obligation de se déplacer régulièrement chez des clients. La société avait par ailleurs limité l’utilisation privée du véhicule en n’octroyant une carte d’essence que pour la Belgique et vu l’ensemble des paramètres ci-dessus, la valeur contractuelle de la contribution du travailleur était de 150 €.

Pour la cour, il y a usage limité en ce qui concerne les fins privées. Elle va, dans son évaluation, dépasser le montant contractuellement convenu, fixant l’avantage, eu égard à l’utilisation faite, à un montant de l’ordre de 2.600 € par an. C’est l’estimation du premier juge et la cour la confirme.

Après avoir examiné en fait l’évaluation des autres avantages rémunératoires, tels que l’assurance de groupe et l’assurance invalidité, la cour confirme une évaluation de fait pour l’usage d’un GSM. Ici également, elle s’écarte du forfait fixé conventionnellement, constatant qu’une partie des frais exposés l’était pour des raisons professionnelles et qu’il faut, dans ce cadre, extraire la partie rémunératoire de l’utilisation faite.

Enfin, elle examine un poste relatif à des frais forfaitaires alloués mensuellement, frais de l’ordre de 100 €. Elle rejoint ici aussi la conclusion du tribunal, selon laquelle le forfait octroyé n’est nullement déraisonnable eu égard aux fonctions exercées par l’intéressé, tenu d’effectuer des déplacements réguliers en clientèle. La cour fait grief à l’employé de ne pas démontrer que le montant alloué excède l’importance réelle des frais exposés et conclut à l’absence de caractère rémunératoire de ceux-ci, dans le cas d’espèce.

Intérêt de la décision

Cet arrêt examine des questions régulièrement posées, relatives à l’évaluation d’avantages contractuels pour le calcul de l’indemnité compensatoire de préavis. L’intérêt particulier de la décision est d’examiner, pour ce qui est de l’utilisation privée du véhicule de société, l’intention des parties lors de l’octroi de l’avantage et l’utilisation réellement faite par l’employé. Elle confirme, sur la question, une jurisprudence constante, étant qu’il faut retenir la valeur économique de la jouissance de la voiture et non celle qui a été contractuellement admise par les parties.


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