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Précision sur la saisine du juge en cas de recours contre une décision mettant fin à l’incapacité de travail

Commentaire de C. trav. Liège, sect. Namur, 29 juillet 2013, R.G. 2012/AN/152

Mis en ligne le lundi 23 juin 2014


Cour du travail de Liège, sect. Namur, 29 juillet 2013, R.G. n° 2012/AN/152

TERRA LABORIS ASBL

Dans un arrêt du 29 juillet 2013 rendu dans le cadre d’une réouverture des débats suite à un arrêt précédent du 18 décembre 2012, la Cour du travail de Liège précise l’étendue de la saisine judiciaire dans le temps en cas d’évolution de la situation de l’assuré social depuis la date de la décision administrative.

Les faits

En incapacité de travail, une travailleuse salariée tombe à charge de son organisme assureur en janvier 2010. Deux décisions sont prises, l’une par l’I.N.A.M.I. en date du 23 octobre 2010 et l’autre par l’organisme assureur, mettant toutes deux fin à l’état d’invalidité à la date du 12 janvier 2011. L’I.N.A.M.I. estime l’intéressée apte au marché général du travail (hors métiers lourds) et l’organisme assureur ne reconnaît pas l’invalidité, vu l’absence d’éléments médicaux nouveaux. L’intéressée retombe alors au chômage, après quoi elle connaîtra une courte période d’hospitalisation.

Un recours est introduit devant le Tribunal du travail de Namur, qui limite la période concernée par les recours au 23 janvier 2011. Il s’agit de la date de réinscription au chômage. Il est fait droit à la demande, pour celle-ci, et ce sans expertise.

Appel est interjeté par l’intéressée.

L’arrêt de la Cour du travail du 18 décembre 2012

Cet arrêt a été précédemment commenté. Il précise l’étendue des pouvoirs du juge, dans l’hypothèse où des faits sont survenus en cours d’instance, exerçant une influence sur le litige. Le juge peut (i) réformer la décision à la date de refus de reconnaissance ou de fin d’incapacité, (ii) confirmer la décision à la même date mais reconnaître qu’une nouvelle incapacité existera plus tard ou encore (iii) réformer la décision à la date initiale, supprimer ou même rétablir le droit ultérieurement.

En l’espèce, la cour ayant constaté que l’intéressée avait été hospitalisée pendant une très courte période après la fin de l’invalidité reconnue, sa reprise en charge (alors qu’elle avait été chômeuse entretemps) dans le cadre du régime AMI n’était pas liée à une décision de reconnaissance à laquelle on aurait mis fin mais à la situation de l’intéressée elle-même, étant son hospitalisation, situation qui en vertu de l’article 100, § 1er, alinéa 5 de la loi coordonnée le 14 juillet 1994 entraînait une présomption d’incapacité de travail.

Dans cette hypothèse, le titulaire est dispensé d’effectuer des démarches auprès de son organisme assureur et est pris en charge par celui-ci dès lors qu’il est chômeur ou ne peut bénéficier d’un salaire garanti à charge de son employeur.

La cour constate que ni l’INAMI ni l’organisme assureur ne se prévalent d’une décision ayant mis fin à l’incapacité à l’issue de la période d’hospitalisation et ordonne, dès lors, la réouverture des débats afin de permettre aux parties de documenter cet aspect du litige.

L’arrêt du 29 juillet 2013

La cour reprend l’objet de la réouverture des débats et examine les éléments produits.

L’intéressée prouve qu’elle a été admise au bénéfice des allocations de chômage à titre provisionnel à la date de fin d’invalidité. Quant à l’organisme assureur, il fait valoir que le médecin-conseil a admis la rechute du fait de l’hospitalisation et pour la courte période de celle-ci (4 jours), l’INAMI confirmant également que la reprise en charge était liée à cette courte hospitalisation, celle-ci ayant été suivie d’une reprise spontanée du travail. Il n’y a avait dès lors pas lieu d’indemniser pour la période ultérieure.

La position de la cour

La cour examine les documents déposés par l’intéressée, étant une décision prise par l’ONEm constatant qu’elle a été réadmise au bénéfice des allocations de chômage à titre provisionnel. Pour la cour, rien n’indique que cette reprise a été faite dans d’autres conditions qu’initialement (admission provisoire). La cour constate qu’il n’y pas dès lors eu de reprise du travail et que l’intervention de l’ONEm tant avant la période d’hospitalisation qu’après celle-ci est une application automatique de l’article 100, § 1er, alinéa 5.

Elle conclut lors sur cette question juridique de l’étendue de sa saisine eu égard à la modification de la situation de l’intéressée pendant la période concernée que :

  • la prise en charge pendant la courte période d’hospitalisation est une conséquence de la loi (les périodes d’hospitalisation étant, pour les personnes bénéficiant d’allocations de chômage, indemnisées comme journées d’incapacité de travail),
  • aucune décision de fin de reconnaissance d’incapacité n’a été notifiée à l’issue de la période d’hospitalisation.

Par conséquent, le juge est saisi de toute la période du litige et non seulement des jours qui précèdent l’hospitalisation. La cour estime devoir tenir compte de tous les éléments survenus depuis la décision notifiant la fin d’incapacité ou d’invalidité.

La mission de l’expert doit dès lors, pour la cour, porter à la fois sur la période antérieure et sur la période postérieure à ladite hospitalisation.

Intérêt de la décision

Le problème juridique abordé dans ces deux arrêts (et dont la question de principe avait déjà été commentée précédemment, suite à l’arrêt du 18 décembre 2012), n’amène pas une réponse unique, les possibilités s’offrant au juge ayant été clairement exposées dans l’arrêt du 18 décembre 2012 et étant rappelées, par ailleurs, ci-dessus.

En l’occurrence, dans une séquence invalidité – chômage – hospitalisation – chômage, la cour note que le fait de dépendre du secteur chômage est, pour la première période (étant celle consécutive à la notification de fin d’invalidité) l’effet de la loi, l’intéressée étant à ce moment admise à titre provisionnel. Si elle retombe en incapacité (ce que fait présumer d’office l’hospitalisation) pendant cette période d’admission aux allocations provisionnelles, sa situation ultérieure est la prolongation de la situation précédente : aucune notification de fin d’incapacité n’est d’ailleurs intervenue et l’admission aux allocations de chômage – effet de la loi – est intervenue à titre provisionnel pour l’ensemble de la période (hors hospitalisation).


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