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Associé actif et prestations de travail : nature de la relation de travail

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 4 septembre 2013, R.G. 2012/AB/188

Mis en ligne le mardi 24 juin 2014


Cour du travail de Bruxelles, 4 septembre 2013, R.G. n° 2012/AB/188

TERRA LABORIS ASBL

Dans un arrêt du 4 septembre 2013, la Cour du travail de Bruxelles rappelle, après avoir examiné les caractéristiques du lien de subordination que, si les parties ont donné à leur relation de travail une qualification claire, étant d’inscrire celle-ci en dehors d’un tel lien, il appartient à l’ONSS d’établir que celle-ci est inconciliable avec la réalité des faits.

Les faits

Une SPRL, exploitant un snack-bar, reçoit une notification de l’ONSS en décembre 2008, signalant qu’il y a lieu d’assujettir un gérant à la sécurité sociale des travailleurs salariés.

Une décision d’assujettissement est dès lors notifiée et celle-ci se fonde sur l’existence d’un lien de subordination, vu que le statut d’associé actif du gérant ne lui conférerait aucun pouvoir de décision mais qu’il devrait suivre les instructions d’un autre gérant. Celui-ci imposerait des conditions de travail (horaire, rémunération), exercerait un contrôle quotidien et personnel et n’autoriserait aucune absence.

La société introduit une procédure devant le Tribunal du travail de Bruxelles qui, par jugement du 14 décembre 2001, fait droit à la position de l’ONSS. Il la condamne au paiement d’un montant de l’ordre de 50.000€ à majorer d’intérêts de retard.

Décision de la cour

La cour du travail rappelle les principes relatifs à l’existence d’un lien de subordination, caractérisé, dans la jurisprudence constante de la Cour de cassation par l’exercice de l’autorité d’une personne sur les actes d’une autre.

Elle reprend également les règles en matière de requalification d’une convention, étant que si les éléments soumis à l’appréciation du juge ne permettent pas d’exclure la qualification qui a été donnée par les parties à la convention conclue, il ne peut être substitué à celle-ci une qualification différente. La cour rappelle sur ce deuxième point divers arrêts de la Cour de cassation (dont Cass., 4 janvier 2010, S.09.005.N et Cass., 23 mars 2009, S.08.0136.F).

Elle énumère ensuite, sur la base de l’enseignement de la Cour suprême, les éléments qui ne sont pas incompatibles avec une qualification indépendante, ainsi le fait que, vu l’importance du travail effectué, le travailleur n’aurait pas l’occasion de développer une clientèle personnelle, le fait que les prix demandés au client soit fixés par le commettant, l’absence d’indices d’une quelconque autonomie de gestion (ou de propriété) de l’entreprise, l’absence de prise en charge de risques économiques ou financiers, etc.

Elle poursuit en considérant que ces principes sont applicables dès que les parties ont clairement exprimé leur volonté dans une convention. Cependant, elle précise que la convention écrite n’est pas nécessaire, les éléments de fait pouvant faire apparaître quelle est la qualification donnée par les parties à la relation de travail.

En l’espèce, il s’agit, pour la cour, d’une qualification claire même si elle n’est pas écrite. L’intéressé avait la qualité d’associé actif et cette décision indique que les parties n’avaient pas souhaité inscrire leur relation de travail dans le cadre d’un lien de subordination.

Elle reprend également d’autres éléments du dossier, étant l’affiliation de celui-ci au statut social pour travailleurs indépendants.

Elle examine ensuite les preuves apportées par l’ONSS du caractère inconciliable des prestations de travail avec la qualification retenue et conclut que l’Office n’apporte pas la preuve requise. Il doit, en effet, démontrer que le gérant imposait ses conditions de travail, qu’il exerçait un contrôle quotidien et n’autorisait pas d’absences pour maladie ou congé.

Pour la cour, la preuve de ces éléments n’est nullement remplie du fait des seules déclarations du travailleur dont l’assujettissement est demandé à la sécurité sociale des travailleurs salariés. Elle retient en effet la partialité de ses déclarations, partialité vraisemblablement imputable au fait qu’il avait lui-même d’importants retards de paiement de cotisations au statut social des travailleurs indépendants et dès lors qu’il avait un intérêt à ce que la relation de travail soit autrement qualifiée.

Ce que la cour exige – et qui n’est pas rapportée – est la preuve de la réalité d’éléments tirés des conditions de travail : horaire de travail, congés et rémunération, éléments qui devraient pour entraîner le lien de subordination avoir été arrêtés unilatéralement et non d’un commun accord entre les parties.

Enfin, sur le contrôle exercé par le gérant, la cour relève que celui-ci n’intervenait qu’en fin de journée et que le reste du temps, l’intéressé gérait dès lors seul le commerce.

Elle conclut qu’il y a lieu de réformer le jugement du tribunal.

Intérêt de la décision

Ce bref arrêt de la Cour du travail de Bruxelles reprend de manière succincte les principes sur la question du lien de subordination.

Ce qui peut être particulièrement épinglé est qu’il prend, comme point de départ de son raisonnement l’existence d’une qualification claire – même si elle n’est pas écrite – donnée par les parties à leur relation de travail, et ce du fait de la désignation du travailleur en qualité d’associé actif. Pour la cour, le contexte de départ est exclusif d’un lien de subordination et les conditions de travail ne viennent pas démontrer le contraire.

L’arrêt est encore important sur le plan de la preuve puisque, à partir de la qualification donnée par les parties, c’est à l’ONSS - qui entend démontrer que celle-ci est inconciliable avec la réalité des prestations de travail – à apporter la preuve concrète de l’autorité de l’employeur sur le travailleur.


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