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Assujettissement à la sécurité sociale : les disc-jockeys sont-ils des artistes ?

Commentaire de C. trav. Mons, 14 avril 2011, R.G. 2009/AM/21.765

Mis en ligne le lundi 30 juin 2014


Cour du travail de Mons, 14 avril 2011, R.G. n° 2009/AM/21.765

TERRA LABORIS ASBL

Dans un arrêt du 14 avril 2011, la Cour du travail de Mons, statuant dans le cadre de l’article 3, 2° de l’AR du 28 novembre 1969, rappelle que, en matière d’assujettissement à la sécurité sociale, la notion d’artiste n’est pas définie, la réglementation n’en donnant qu’une liste exemplative.

Les faits

En 1991, un exploitant de discothèque a recours aux services d’un disc-jockey par l’intermédiaire d’une société. Une convention-type est signée en vue de l’organisation des soirées programmées. L’exploitant est tenu de verser une indemnité au disc-jockey, qui doit ristourner une commission à la société.

Suite à une enquête de l’ONSS, plusieurs disc-jockeys ayant presté dans de telles conditions sont assujettis d’office.

Une procédure judiciaire est enclenchée et le tribunal du travail de Mons va condamner l’exploitant de discothèque au paiement de cotisations de sécurité sociale.

Position des parties en appel

L’intéressé interjette appel, exposant essentiellement qu’il n’y a pas de relation contractuelle entre lui-même et les disc-jockeys. La seule convention signée concerne la société intermédiaire. En outre, il n’y a pas de lien de subordination avec le disc-jockey. Si un paiement est effectué, il s’agit uniquement d’une modalité d’exécution du contrat entre l’exploitant de la salle et la société intermédiaire, celle-ci payant effectivement les disc-jockeys et facturant les prestations à l’exploitant de la discothèque.

En ce qui concerne l’ONSS, il se fonde essentiellement sur les critères de l’article 3, 2° de l’arrêté royal du 28 novembre 1969 en vigueur à l’époque des faits, qu’il considère applicables aux disc-jockeys. Il fait également valoir que les conventions conclues entre l’exploitant et la société intermédiaire ne sont pas susceptibles d’écarter cette disposition.

Position de la cour du travail

La cour va dès lors examiner l’application aux disc-jockeys de l’article 3, 2° de l’arrêté royal du 28 novembre 1969. Elle rappelle l’article 2, § 1er, 1° de la loi du 27 juin 1969 révisant l’arrêté loi du 28 décembre 1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs, qui confère au Roi le pouvoir d’étendre dans les conditions qu’il détermine l’application de la loi aux personnes qui, sans être liées par un contrat de travail, fournissent contre rémunération des prestations de travail sous l’autorité d’une autre personne ou qui exécutent un travail selon des modalités similaires à celles d’un contrat de travail.

C’est en vertu de cette disposition que l’arrêté royal du 28 novembre 1969 avait prévu l’extension de la loi (en son article 3, 2°) aux artistes de spectacle, dont il donnait une énumération (artistes dramatiques, lyriques, musiciens, ..), celle-ci n’étant pas applicable lorsque l’occupation de l’artiste avait lieu à l’occasion d’événements familiaux. La cour rappelle que, selon la Cour de cassation (Cass., 12 février 1979, J.T.T., 1980, p. 44), cette présomption est irréfragable lorsque ces conditions d’application sont remplies, étant que (i) le prestataire doit être un « artiste de spectacle », (ii) il doit être engagé au sens large du terme (la cour renvoyant ici à Cass., 23 mars 1982, Pas, 1982, I, p. 856), (iii) il doit être engagé contre rémunération, notion également à comprendre au sens commun et large du terme et (iv) il doit se produire au cours de représentations, de répétitions,… pour autant que son occupation n’ait pas lieu à l’occasion d’événements familiaux.

Aucune définition de la notion d’artiste n’étant donnée par l’arrêté royal, la cour reprend la définition du langage commun, étant, selon le Petit Robert de la langue française, qu’un artiste est « une personne pratiquant un métier, une technique difficile, mais encore qui se voue à l’expression du beau, pratique les beaux-arts avec une dimension créatrice dans le domaine de la peinture, du dessin, de la gravure, de la sculpture, de l’architecture, de la comédie, de l’interprétation ou de la musique ». La cour reprend également la définition du terme « spectacle », qui vise l’ensemble de numéros présentés au public au cours d’une séance. Pour la cour, dans la mesure où les disc-jockeys ne sont pas des purs techniciens mais qu’ils animent une soirée, il faut les considérer comme artistes de spectacle. Il s’agit en effet pour eux d’agencer des morceaux de musique, de créer des jeux de sons et lumières, etc. La cour se fonde également sur un élément relevé par le premier juge, étant que les disc-jockeys concernés par la présente affaire avaient déclaré avoir leur propre public et avoir créé leur propre image. Enfin, sur le rôle de la société intermédiaire, la cour relève que celui-ci est limité et, en ce qui concerne le paiement, que celui-ci est fait au disc-jockey lui-même à la fin de sa prestation. Il y a dès lors engagement contre rémunération et la présomption doit être retenue.

La cour confirme en conséquence le jugement.

Intérêt de la décision

Cet arrêt de la cour du travail de Mons rappelle, avant la loi-programme du 24 décembre 2002 (entrée en vigueur le 1er juillet 2003), l’absence de définition de la notion d’artiste de spectacle au sens de la réglementation relative à l’assujettissement à la sécurité sociale des travailleurs salariés. La cour renvoie ici au droit commun de la définition des termes « artiste » et « spectacle ».

Actuellement, depuis la création du statut des artistes par la loi-programme du 24 décembre 2002 ci-dessus, cette disposition de l’arrêté royal a été supprimée et un article 1bis est ajouté dans la loi. Celui-ci vise les personnes qui fournissent des prestations artistiques et/ou produisent des œuvres artistiques (prestations portant sur la création et/ou l’exécution ou l’interprétation d’œuvres artistiques dans le secteur de l’audio-visuel et des arts plastiques, de la musique, de la littérature, du spectacle, du théâtre et de la chorégraphie) contre paiement d’une rémunération pour le compte du donneur d’ordre, personne physique ou morale. Cette dernière est considérée comme étant l’employeur. Des exceptions sont prévues, étant que la preuve peut être apportée par le prestataire que les prestations et/ou œuvres artistiques en cause ne sont pas fournies dans des conditions socio-économiques similaires à celles dans lesquelles se trouve un travailleur par rapport à son employeur. De même, les mandataires de personnes morales (au sens de l’article 2 de l’arrêté royal du 19 décembre 1967 portant règlement général d’exécution de l’arrêté royal n° 38) ne sont pas visés. Les événements familiaux restent exclus.


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