Terralaboris asbl

Contentieux de la sécurité sociale : montant de l’indemnité de procédure pour les affaires non évaluables en argent

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 17 novembre 2008, R.G. 46.587

Mis en ligne le jeudi 3 juillet 2014


Cour du travail de Bruxelles, 17 novembre 2008, R.G. n° 46.587

TERRA LABORIS ASBL

Dans un arrêt du 17 novembre 2008, la Cour du travail de Bruxelles a rappelé, dans un litige relatif à des prestations sociales, les règles de taxation des dépens, pour ce qui est de l’indemnité de procédure.

Les faits

Dans un litige en matière d’accident du travail, la victime déboutée de sa demande devant le tribunal, interjeta appel et, par arrêt du 18 février 2008, la Cour du travail déclara celui-ci recevable. Elle mit les dépens de l’appel à charge de l’entreprise d’assurances. Ceux-ci n’étant pas liquidés en application de la loi du 21 avril 2007 et de l’arrêté royal du 26 octobre 2007, l’affaire fut remise aux fins de taxation.

Le conseil de l’intéressé liquida les dépens en reprenant les frais de citation ainsi que les (anciennes) doubles indemnités de procédure pour chacune des instances.

La position de la Cour

La Cour rappelle le barème adopté par arrêté royal du 26 octobre 2007, dont question à l’article 1022 du Code judiciaire. Celui-ci contient des montants de base, minima et maxima de l’indemnité de procédure, calculés en fonction notamment de la nature de l’affaire et de l’importance du litige.

L’arrêté royal contient un barème général et un barème spécifique pour les affaires dans lesquelles une demande est introduite par ou contre un assuré social. Pour ces dernières affaires, le montant est différent selon que la demande est inférieure à 2.500 € ou n’est pas évaluable en argent, d’une part ou qu’elle dépasse ledit montant de 2.500 €, de l’autre.

La Cour relève en l’espèce qu’aucun avocat n’est intervenu en première instance et qu’elle n’a d’ailleurs été saisie, dans l’acte d’appel, que d’une demande de réformation du jugement sauf en ce qu’il statuait – précisément – sur les dépens.

Elle considère dès lors que sa saisine est limitée aux dépens de l’appel.

En ce qui concerne celle-ci, la question – fréquente d’ailleurs dans les litiges de sécurité sociale – est de savoir si l’affaire est évaluable en argent. La Cour relève que l’arrêté royal du 26 octobre 2007 n’a pas défini cette notion, non plus d’ailleurs que la réglementation précédente.

La Cour se réfère dès lors à la doctrine de J.-Fr. Van Drooghenbroeck et de B. De Coninck (« La loi du 21 avril 2007 sur la répétibilité des frais et honoraires d’avocats », J.T. 2008, p. 41) qui, eux-mêmes, rappelant la jurisprudence en la matière, concluent qu’il a été donné corps à ces dispositions. Il suffit, pour la doctrine, de s’inspirer de la « fine casuistique » des dispositions en cause pour déterminer empiriquement ce qui relève ou non de la catégorie des affaires non évaluables en argent. Il a ainsi été jugé que, si la requête introductive vise l’annulation de la décision et la condamnation de l’institution de sécurité sociale au paiement des prestations dont elle est redevable, à la suite de cette annulation, majorées des intérêts moratoires et judiciaires et des dépens (en ce compris l’indemnité de procédure) et que cette demande n’a pas été modifiée dans les conclusions ultérieures, il ne s’agit pas d’une demande tendant à une condamnation de somme supérieure à 2.500 € (la Cour citant Cass., 10 oct. 2005, Pas., 2005, I, p. 1871).

De même, en accident du travail, lorsque la demande introduite porte sur l’octroi du tiers en capital, il n’est plus question du mode de calcul de l’indemnité mais du mode de paiement de celle-ci : il ne s’agit dès lors pas d’une demande qui peut être évaluée en argent (Cass., 18 févr. 1991, Bull., p. 584). De même encore, si un recours est introduit contre une décision administrative de refus ou d’exclusion du bénéfice de prestations sociales, ce qui est demandé est la reconnaissance du droit à ces prestations mais aussi le paiement des sommes dues en vertu de ce droit. Cependant, pour qu’il s’agisse d’une demande évaluable en argent, il faut évaluer et expliciter le montant de la demande (la Cour renvoyant à C. trav. Liège, 10 janv. 1997, Chron. Dr. Soc., 1998, p. 151).

En l’espèce, la demande en degré d’appel vise à l’écartement du rapport de l’expert désigné en première instance et à la condamnation de l’entreprise d’assurances aux indemnités légales (à majorer de l’intérêt légal et judiciaire ainsi que des dépens en ce compris l’indemnité de procédure).

N’ayant pas demandé le calcul des indemnités dont elle sollicite le paiement, la victime n’a pas introduit une demande évaluable en argent.

La Cour liquide, dès lors, les dépens en conséquence.

Intérêt de la décision

La loi du 21 avril 2007 sur la répétibilité des frais et honoraires d’avocats, ainsi que son arrêté royal d’exécution du 26 octobre 2007, ont induit un nouveau contentieux à l’intérieur des procédures, notamment sur la question des affaires évaluables ou non en argent. La Cour du travail adopte ici une solution claire : si le calcul des indemnités n’est pas demandé, il ne s’agit pas d’une telle affaire. L’indemnité de procédure doit dès lors être liquidée conformément au tarif fixé pour les affaires non évaluables en argent.


Accueil du site  |  Contact  |  © 2007-2010 Terra Laboris asbl  |  Webdesign : michelthome.com | isi.be