Terralaboris asbl

Chemin du travail : départ du lieu du travail retardé suite à un motif légitime

Commentaire de Cass., 31 mars 2014, n° S.13.0113.F

Mis en ligne le lundi 7 juillet 2014


Cour de cassation, 31 mars 2014, n° S.13.0113.F

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 31 mars 2014, la Cour de cassation admet que la qualification d’accident sur le chemin du travail d’un accident survenu sur le trajet normal entre le lieu du travail et le domicile, mais alors que le travailleur avait quitté les locaux de l’entreprise plus tard pour aider un collègue à découper de la viande à des fins privées.

Les faits de la cause

Monsieur B.S. a été victime d’un accident de la circulation le 23 juin 2009. Il était constant que cet accident était survenu sur le trajet normal entre son travail et son domicile.

La question litigieuse portait sur le facteur « temps ». En effet, le travailleur avait pointé à 14h15 et l’accident était survenu deux heures plus tard alors que le trajet ne devait durer en principe qu’une vingtaine de minutes. Le travailleur était resté dans les locaux de l’entreprise pour rendre service à un collègue qui voulait découper de la viande à des fins privées.

L’assureur-loi ayant refusé d’intervenir, le litige a été soumis aux juridictions du travail.

La cour du travail de Liège, section de Neufchâteau a, dans un arrêt du 25 avril 2012, qualifié l’accident d’accident sur le chemin du travail, considérant que même si le travailleur ne se trouvait plus sous l’autorité de l’employeur depuis 14h15, il avait une cause légitime de retarder son départ. En effet, aider un collègue constitue une attitude qui se trouve en relation étroite avec l’exécution du contrat de travail. Une telle attitude est d’autant plus normale que l’employeur autorise son personnel à utiliser ses installations à des fins privées.

La cour du travail a également relevé que le trajet était entamé immédiatement après que les deux collègues ont terminé la découpe dans les locaux de l’employeur.

L’assureur-loi s’est pourvu en cassation contre cet arrêt.

La procédure devant la Cour de cassation

L’assureur-loi faisait en substance grief à l’arrêt :

  • d’avoir fondé sa décision uniquement sur le caractère légitime du motif invoqué par le travailleur et les circonstances qui ont entouré la durée objective de son trajet, sans examiner ni constater si la durée objective du retard avec lequel ce travailleur avait entamé le trajet était peu importante ou importante, en méconnaissance de la notion de trajet normal ;
  • dans l’hypothèse où la Cour admettrait que l’arrêt constate implicitement que la durée objective du retard avec lequel le travailleur a entamé le trajet était peu importante, le moyen faisait grief à l’arrêt de ne pas avoir apprécié de manière autonome la durée objective – deux heures - du trajet opéré mais de s’être fondé sur les circonstances qui l’ont entouré et les motifs qui l’ont provoqué, ce qui, soutenait l’assureur-loi, revenait à confondre les deux caractéristiques que doit présenter la durée du trajet pour correspondre à la notion de trajet normal.

La Cour de cassation rejette le moyen.

On en retiendra que la Cour décide que « le lieu de l’exécution du travail ne cesse pas de présenter ce caractère à l’égard du travailleur lorsque celui-ci, après avoir terminé son travail, y demeure, pour une cause légitime, pendant un temps plus long que la normale sans plus s’y trouver sous l’autorité de son employeur ». Or, l’arrêt attaqué considère, sans être critiqué de ce chef, que le travailleur avait une cause légitime de retarder son départ et de rester sur les lieux de travail pendant plus ou moins une heure et demi après la fin de ses prestations sous l’autorité de l’employeur.

La Cour relève également qu’il n’est pas contesté que, lorsqu’il a pris la route, M. B.S. a suivi le trajet normal sans le moindre détour ou la moindre interruption.

Intérêt de la décision

Cet arrêt nous semble confirmer que la notion de chemin du travail ne se résume pas à une comparaison mathématique entre, d’une part, le laps de temps survenu entre la fin de l’exécution du contrat de travail et l’arrivée du travailleur à sa résidence et, d’autre part, la durée du trajet si ce travailleur avait quitté le travail dès la fin des prestations de travail.

On peut, à cet égard, se référer notamment à l’arrêt de la Cour de cassation du 5 mars (Cass., 5 mars 2007, R.G. n° S.06.0074.N). Il s’agissait en l’espèce d’un détour suivi d’une interruption. Il ressortait des motifs de l’arrêt attaqué : 1°) que la durée du trajet normal entre le lieu de travail et le domicile de la victime était d’une dizaine de minutes pour 10,31 km et que l’interruption avait duré de 50 à 55 minutes ; 2°) que l’employeur avait demandé à la victime de se rendre auprès de son collègue et ami pour une question de documents médicaux et que la victime avait effectué à cette fin un trajet de 3,678 km, la durée du détour étant d’une dizaine de minutes.

Le moyen de cassation faisait notamment grief à l’arrêt attaqué de ne pas avoir contrôlé la durée objective de l’interruption, soit 50 à 55 minutes, à la lumière de la durée du trajet normal fixée à une dizaine de minutes. La Cour de cassation précise clairement que « l’appréciation de l’importance de la durée d’une interruption ne repose pas uniquement sur des éléments de temps ».


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