Terralaboris asbl

Indépendants ayant la qualité de mandataire de société : étendue de l’obligation de solidarité dans le chef de la personne morale

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 14 février 2014, R.G. n° 2013/AB/315

Mis en ligne le mardi 8 juillet 2014


Cour du travail de Bruxelles, 14 février 2014, R.G. n° 2013/AB/315

TERRA LABORIS ASBL

Dans un arrêt du 14 février 2014, la Cour du travail de Bruxelles rappelle les règles sur la question : délai de prescription de l’action en justice, modes d’interruption de celle-ci, étendue de la solidarité de la personne morale, dans le temps et en ce qui concerne le montant de la dette de cotisations.

Les faits

Un administrateur d’une société anonyme est redevable de cotisations sociales impayées pour une période allant de 1998 à 2002.

En mai 2010, la caisse d’assurances sociales introduit une procédure contre la société en cause (ainsi qu’une société-sœur, venue aux droits de la première, qui va tomber en faillite en cours de procédure). La caisse fait application de l’article 15, § 1er, alinéa 3, 4 et 5 de l’arrêté royal n° 38, s’agissant d’une action en paiement sur la base de la responsabilité solidaire des personnes morales en ce qui concerne les cotisations de leurs associés et mandataires.

Le Tribunal du travail de Nivelles condamne la société (appelante) solidairement avec l’autre société. Vu la faillite de cette dernière, seule la première société interjette appel.

Décision de la cour

La cour considère, dans un premier temps, que sa saisine concerne la seule société appelante et que la position de la société faillie est indifférente quant à la solution du litige. Dans la mesure où celle-ci n’est pas partie à la procédure dans l’instance d’appel, son sort est considéré comme indifférent, la cour signalant qu’elle semble ainsi avoir acquiescé au jugement.

En ce qui concerne l’appelante, elle plaide, en premier lieu, la prescription.

La cour constate en l’espèce que des actes d’interruption sont valablement intervenus, conformément à l’article 16, § 2 de l’arrêté royal n° 38, qui prévoit la possibilité, outre les modes habituels prévus aux articles 2244 et suivants du Code judiciaire, pour l’organisme chargé du recouvrement, d’adresser une lettre recommandée réclamant les cotisations dont l’intéressé est redevable.

Le point de départ des premières cotisations, soit celles de 1998 est fixé au 1er janvier 1999 et la cour constate qu’il y a au dossier deux lettres recommandées interruptives, qui ont pour effet de fixer un nouveau délai de prescription, commençant le lendemain de la date d’envoi. La seconde ayant été adressée le 18 septembre 2008, c’est ainsi un nouveau délai de 5 ans qui court, pour la cour du travail, à partir du 19 septembre 2008. La citation introductive d’instance n’est dès lors pas prescrite.

La cour en vient ensuite à l’examen du fond, étant le rappel des obligations des sociétés en ce qui concerne les obligations de paiement des cotisations de leurs mandataires et associés.

La solidarité de la personne morale est limitée aux périodes pendant lesquelles le travailleur a eu la qualité requise et non au-delà de ces périodes.

En ce qui concerne l’exercice du mandat, celui-ci doit avoir existé, pendant la période considérée et la solidarité ne peut être actionnée que si des cotisations de sécurité sociale restent impayées pour la période en cause (la cour renvoyant ici à un arrêt du 29 juin 2007 (C. trav. Bruxelles, 29 juin 2007, R.G. n° 48.330).

La société fait valoir que la démission de l’intéressé est intervenue en cours de période. La cour constate cependant que la publication légale au Moniteur Belge de la démission n’est pas intervenue et que celle-ci n’est dès lors pas opposable aux tiers.

Elle aboutit assez logiquement à la conclusion que, le montant des cotisations n’étant pas contesté, non plus que ses accessoires, pour la période précédant la démission ultérieurement intervenue et – celle-là – publiée au Moniteur Belge, la société est solidairement responsable du paiement de ces sommes.

Elle reforme, cependant, partiellement le jugement en ce qui concerne la condamnation solidaire prononcée vis-à-vis de l’autre société, limitant dans le temps, soit à la période admise comme reflétant l’exercice de l’activité de mandataire, la condamnation solidaire avec la société faillie.

Intérêt de la décision

Cet arrêt aborde des questions récurrentes en matière de cotisations de mandataires de société, étant en premier lieu la prescription. Il n’aura pas échappé en l’espèce qu’il s’agit de cotisations dues à partir de l’année 1998, pour lesquelles la procédure n’est initiée que 12 ans plus tard, soit par citation du 25 mai 2010. Celle-ci n’est pas tardive, le délai de prescription ayant été interrompu deux fois, avant l’expiration de la période de 5 ans. A cet égard la cour rappelle que l’effet de l’acte interruptif est de faire courir un nouveau délai dès celui-ci intervenu, une nouvelle période de 5 ans démarrant ainsi le lendemain de la date de la notification du pli recommandé.

Sur le fond, dès lors qu’il y qualité d’associé ou de mandataire, la solidarité doit jouer pour ce qui est des cotisations non payées par le travailleur indépendant dans le cadre de l’exercice de cette activité. La solidarité avec lui est cependant limitée à la durée de cet exercice (elle n’est cependant nullement influencée par un quota correspondant à l’activité elle-même eu égard à une autre activité annexe).

La cour est par ailleurs amenée à aborder, dans le cadre de cette mise en cause de la responsabilité solidaire de la personne morale un deuxième volet de la solidarité, étant la condamnation également solidaire vis-à-vis d’une autre société pour laquelle l’intéressé a également eu cette qualité.


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