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Les juridictions du travail sont compétentes pour connaître du recours de l’employeur contre la décision de l’O.N.S.S. refusant de réduire les majorations de cotisations de sécurité sociale

Commentaire de Cass., 30 mai 2011, n° C.10.0625.F

Mis en ligne le lundi 14 juillet 2014


Cour de cassation, 30 mai 2011, n° C.10.0625.F

Les faits de la cause

Un employeur a sollicité une exonération de 50 % des majorations appliquées sur le montant des cotisations dues à l’O.N.S.S. Cette demande a été refusée. Il a introduit un recours contre ce refus devant le Conseil d’Etat. Par décision du 8 septembre 2010, celui-ci s’est déclaré incompétent pour en connaître au motif que la décision de l’O.N.S.S. relative à l’exonération ou à la réduction des majorations et intérêts de retard est un élément de la question plus vaste des obligations des employeurs en matière de paiement des cotisations, de telle sorte que, même si cette décision revêt un caractère discrétionnaire, la contestation par l’employeur se rattache à la demande de l’O.N.S.S. de payer les arriérés de cotisations et relève dès lors de la compétence du tribunal du travail.

L’O.N.S.S. a introduit un pourvoi en cassation contre cet arrêt du Conseil d’Etat, invoquant notamment la violation des articles 144 et 145 de la Constitution, du principe général du droit relatif à la séparation des pouvoirs et de l’article 580, 1°, du Code judiciaire. Il se fondait sur le caractère discrétionnaire de sa décision en matière de réductions des majorations, l’employeur n’ayant aucun droit subjectif à les obtenir.

La procédure devant la Cour de cassation

La Cour de cassation statuant en chambres réunies rejette le pourvoi. Elle relève que, lorsque l’O.N.S.S. refuse la réduction et que l’employeur conteste ce refus, il naît entre celui-ci et l’office une contestation sur l’obligation de payer les majorations, intérêts de retard ou indemnités forfaitaires et qu’en vertu de l’article 580, 1°, du Code judiciaire, cette contestation relève de la compétence matérielle du tribunal du travail. La circonstance que la décision contestée relève du pouvoir discrétionnaire d’appréciation de l’O.N.S.S. n’affecte ni l’attribution de la contestation aux cours et tribunaux ni la compétence, au sein de ces juridictions, du tribunal du travail. La question de l’étendue du contrôle qu’exerce le juge est, pour le surplus, étrangère à la détermination de sa compétence.

Intérêt de la décision

Par un arrêt du 24 février 2010 (n° 261, Chr.D.S., 2010, p. 315, J.T., 2010, p. 316 et note H. Mormont), l’assemblée générale du Conseil d’Etat avait clarifié la question de la compétence en matière d’exonération des sanctions O.N.S.S., qui faisait l’objet de divergences entre ses chambres francophone et néerlandophone. Cet arrêt distinct clairement la compétence du tribunal du travail et la question de la portée de son contrôle. La compétence est donc indépendante de la question si les décisions en la matière ont un caractère discrétionnaire ou non. Le législateur ayant voulu concentrer le contentieux social dans une seule juridiction, ce sont les juridictions du travail qui sont compétentes en la matière.

La difficulté pour l’O.N.S.S. était de connaître la position de la Cour de cassation. Celle-ci avait été saisie d’un pourvoi contre un arrêt du Conseil d’Etat qui avait décidé qu’il était sans compétence en l’espèce. La Cour de cassation avait décidé le 8 juin 2009 (Pas.,
n° 381) que l’O.N.S.S. n’avait pas l’intérêt requis pour contester cette décision qui ne lui faisait pas grief dès lors que le recours de l’employeur avait été rejeté et que celui-ci avait été condamné aux dépens.

Par cinq arrêts du 15 octobre 2009 (qui mettent en cause d’autres institutions publiques que l’O.N.S.S. et dont l’un est publié à la Pasicrisie 2009, n° 584), la Cour de cassation a modifié sa jurisprudence. Elle a décidé que, dans la mesure où elle était la seule à statuer sur les conflits d’intérêts dans l’ordre juridique belge, les décisions par lesquelles le Conseil d’Etat statue sur les limites de sa compétence par rapport à la compétence des juridictions de l’ordre judiciaire doivent pouvoir être contrôlées par la Cour de cassation. L’autorité a intérêt à entendre dire quelle instance doit trancher le litige.

Par l’arrêt analysé, la Cour de cassation a donc décidé que c’était aux juridictions du travail de le trancher.

L’arrêt est publié sur Juridat avec d’importantes conclusions conformes de l’avocat général Mortier qui contiennent de très nombreuses références notamment sur l’évolution de la jurisprudence du Conseil d’Etat et sur la portée du pouvoir discrétionnaire de l’O.N.S.S. : il se déduit de ce pouvoir discrétionnaire que les tribunaux ne peuvent priver l’autorité désignée de son pouvoir d’appréciation ni se substituer à celle-ci, ce qui ne signifie pas qu’ils ne puissent pas contrôler la légalité de la décision attaquée et examiner si l’autorité n’a pas exercé son pouvoir de manière déraisonnable ou arbitraire.


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