Terralaboris asbl

Agent statutaire dont la relation de travail a pris fin et droit aux allocations de chômage

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 24 mars 2010, R.G. 2000/AB/40.153 et 2000/AB/40.316

Mis en ligne le lundi 14 juillet 2014


Cour du travail de Bruxelles, 24 mars 2010, R.G. n° 2000/AB/40.153 et n° 2000/AB/40.316

TERRA LABORIS ASBL

Dans un arrêt du 24 mars 2010, la Cour du travail de Bruxelles rappelle les conditions dans lesquelles un agent statutaire dont la relation de travail a pris fin peut bénéficier des allocations de chômage et, particulièrement, l’obligation pour l’agent de s’inscrire comme demandeur d’emploi dans un délai de trente jours.

Les faits

Par arrêté ministériel, un agent statutaire perd la qualité d’agent de l’Etat d’office et sans préavis. Le SPF auquel il était attaché lui fait parvenir le document C4 en vue de son inscription à l’ONEm. Une demande d’allocations de chômage est introduite aussitôt. L’ONEm adresse dans le cours de l’instruction du dossier une demande à l’organisme de paiement en vue de compléter le dossier. Celui-ci s’adresse à l’administration, demandant la production d’une attestation relative aux cotisations sociales pour payer pour la période de référence.

L’ONEm prend alors une décision de refus d’admission, au motif que la condition de stage n’est pas remplie. Le SPF adresse alors un courrier à l’organisme de paiement, se fondant sur un avis du service juridique de l’ONEm, considérant que la loi du 20 juillet 1991 (loi portant des dispositions sociales et diverses) qui a organisé le droit aux allocations de chômage pour les agents du secteur public n’est pas applicable en cas de licenciement pour cause d’absence injustifiée.

Position du tribunal du travail de Nivelles

L’intéressée ayant introduit un recours contre la décision de l’ONEm et ayant également cité l’Etat belge en intervention en vue de régulariser les cotisations secteur chômage, le tribunal du travail confirme en tous points la décision de l’ONEm mais condamne l’Etat belge à régulariser lesdites cotisations pour la période de référence (durée de l’occupation en qualité d’agent statutaire de l’administration concernée).

Position des parties devant la Cour du travail

Sur appel de l’intéressée et de l’Etat belge, la Cour est saisie de l’ensemble du litige.

La demanderesse originaire sollicite la confirmation du jugement en ce qui concerne la condamnation de l’Etat belge mais demande sa réformation en ce qui concerne son droit aux allocations de chômage. A titre subsidiaire, elle demande que l’Etat soit condamné à un montant provisionnel de 40.000€ au titre de dommages et intérêts, correspondant aux allocations de chômage dont elle a été privée.

L’ONEm demande la confirmation du jugement en tous points mais forme appel incident sur les dépens, dont il sollicite que la demanderesse y soit condamnée pour appel téméraire et vexatoire.

Quant à l’Etat belge, il demande à la Cour de réformer le jugement en ce qu’il l’a condamné au paiement des cotisations.

Position de la Cour du travail

La Cour du travail reprend les dispositions utiles à la solution du litige ainsi que leur interprétation.

Il faut se référer à l’article 30 de l’arrêté royal du 25 novembre 1951, relatif au stage. L’article 37 du même arrêt définit ce qu’il faut entendre par « prestations de travail » au sens de la réglementation, étant que pour les prestations effectuées, il faut qu’aient été opérées sur la rémunération perçue les retenues réglementaires pour la sécurité sociale en ce compris celle pour le secteur du chômage. Or, les agents statutaires nommés définitivement ne sont pas assujettis à la sécurité sociale des travailleurs salariés secteur chômage.

La chose a été prise en compte par la loi du 20 juillet 1991,qui a permis sous certaines conditions aux agents statutaires dont la relation de travail prend fin de bénéficier des allocations de chômage, à savoir lorsque la relation de travail est rompue unilatéralement par l’autorité. Elle relève que, à l’époque des faits, la loi contenait un article 8, 3° qui exclut du bénéfice de ces dispositions les personnes dont la relation de travail en service public a été rompue à cause d’absence injustifiée.

La Cour relève encore les conditions dans lesquelles le stage est supposé accompli étant, que l’employeur public doit verser en vertu de l’article 10, § 1er de la loi du 20 juillet 1991 les cotisations pour la période correspondant aux journées de travail que la personne licenciée doit prouver. Cependant, les agents doivent encore, pour être considérés comme assujettis au régime de l’emploi et du chômage, effectuer des formalités, étant d’être inscrits comme demandeurs d’emploi auprès du bureau régional dans les trente jours de la fin de la relation de travail (article 9) ou fournir la preuve d’une incapacité de travail au sens AMI ou d’une période de repos de maternité pendant ce délai de trente jours. L’article 11 de la loi prévoit également des obligations à charge de l’employeur dans une telle hypothèse, étant de lui fournir les documents requis par la législation, un C4 ainsi qu’un avis reprenant les formalités à remplir aux fins de se conformer à l’article 9.

Sur l’obligation de s’inscrire dans ce délai, la Cour constitutionnelle a considéré qu’il n’y a pas de différence de traitement injustifiée par rapport aux autres travailleurs bénéficiaires de l’assurance chômage.

Elle a cependant considéré, sur la question des absences injustifiées, que rien ne permettait de distinguer ce critère d’autres motifs de rupture de la relation de travail, étant d’autres fautes qui auraient pu être commises. Elle avait relevé à cet égard que la règle en cause ne tenait même pas compte de la gravité des fautes (C.A., 7 juillet 1998, arrêt n° 82/98).

… au contraire, où elle a admis que le législateur pouvait imposer à des catégories de personnes déterminées des conditions plus rigoureuses, à savoir de faire montre dans un délai raisonnable après la cessation de la relation de travail de leur volonté de réintégrer le marché de l’emploi, en s’inscrivant comme demandeur d’emploi (C.A., 11 décembre 2002, arrêt n° 180/2002).

Appliquant ces principes au cas d’espèce, la Cour va constater que l’avis exigé, relatif aux formalités à accomplir par l’agent privé de son emploi, n’a pas été remis.

L’intéressée plaide l’erreur invincible mais la Cour ne la retient pas, se référant au critère habituel, étant que toute personne normalement prudente se trouvant dans des circonstances identiques n’aurait pas commis celle-ci (voir Cass., 13 janvier 2004, P.030860.N). Elle ne retient pas non plus la force majeure (Cass., 22 février 2010, S.09.0033.F). Elle va d’ailleurs constater que, au jour où elle statue, l’intéressée n’est toujours pas inscrite comme demandeur d’emploi et que c’est donc pour des raisons personnelles qu’elle se trouve dans une telle situation.

Sur la demande de dommages et intérêts, introduite à titre subsidiaire contre l’Etat belge du fait de la non-transmission de l’avis en cause, la Cour constate que, vu le libellé de la disposition légale à l’époque du licenciement – qui maintenait l’exclusion du bénéfice de la loi les agents statutaires licenciés pour absence injustifiée – l’Etat n’était dès lors à priori pas tenu de notifier un tel avis. Ce n’est que par la loi du 25 janvier 1999, soit ultérieurement, que la loi a été modifiée. Cependant, à la date de la fin des relations de travail, la Cour constitutionnelle avait déjà rendu son arrêt du 7 juillet 1998 ci-dessus, concluant à l’inconstitutionnalité de la disposition légale. Cet arrêt, quoique ayant une autorité restreinte au litige (puisque rendu sur question préjudicielle) peut, vu la réponse donnée, permettre à la Cour de considérer dans la présente affaire la disposition en cause pour inconstitutionnelle sans qu’elle ne se sente tenue de poser une nouvelle question préjudicielle. Il y a, en cas de constatation par la Cour constitutionnelle d’une violation de la constitution, autorité « relative et renforcée » de l’arrêt rendu sur question préjudicielle.

Il faut dès lors encore poser la question de savoir si la SPF, qui a appliqué une disposition inconstitutionnelle, a commis, par là, une faute. La Cour du travail renvoie ici à un arrêt de la Cour de cassation (Cass., 21 décembre 2007, C.06.0457.F) qui a répondu par la négative. A la date de la fin des relations de trav ail, l’article 8, 3° de la loi n’avait pas encore fait l’objet d’un constat d’inconstitutionnalité et il ne peut être reproché au SPF d’en voir fait application.

Enfin, sur l’appel de l’Etat belge, qui considérait la régularisation inutile puisque l’intéressée n’avait pas effectué les démarches lui permettant de bénéficier des allocations de chômage, la Cour n’y fait pas droit, constatant que ceci ne découle pas du texte légal. Elle confirme dès lors le jugement sauf en ce qu’il condamnait l’Etat belge à une astreinte, dont la Cour ne voit pas la nécessité.

Intérêt de la décision

L’arrêt de la Cour du travail ci-dessus rappelle les conditions permettant à un agent statutaire dont la relation de travail a pris fin de bénéficier des allocations de chômage et, notamment, l‘obligation pour l’agent de s’inscrire comme demandeur d’emploi. Le bénéfice des allocations tend, comme pour les autres travailleurs, à couvrir un demandeur d’emploi qui a effectué les formalités voulues en vue de réinsérer sur le marché du travail.


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