Terralaboris asbl

Incapacité de travail et contrôle médical : rappel des obligations du médecin contrôleur

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 7 mai 2014, R.G. 2012/AB/684

Mis en ligne le jeudi 4 septembre 2014


Cour du travail de Bruxelles, 7 mai 2014, R.G. n° 2012/AB/684

TERRA LABORIS ASBL

Dans un arrêt du 7 mai 2014, la Cour du travail de Bruxelles rappelle les obligations à charge du médecin-contrôleur, dans le cadre de la loi du 13 juin 1999 relative à la médecine de contrôle et, par voie de conséquence, les obligations de l’employeur qui considère être libéré de son obligation de payer le salaire garanti.

Les faits

Un travailleur est en incapacité de travail. L’employeur ne paie pas le salaire garanti au motif que, dans le cadre d’un contrôle, le médecin-contrôleur s’est présenté à son domicile. L’intéressé était absent. Le certificat médical faisant état de sorties autorisées, il ne s’est pas rendu à la convocation du médecin-contrôleur.

Une procédure est introduite aux fins d’obtenir paiement de celui-ci pour la période d’incapacité (cinq semaines de travail environ).

Le tribunal du travail ne fait que très partiellement droit à la demande, condamnant l’employeur au paiement des deux premiers jours d’incapacité. Appel est interjeté, le travailleur demandant paiement de la totalité de la période. A titre subsidiaire, il formule la même demande au titre de dommages et intérêts.

Décision de la cour du travail

La cour reprend l’article 31 de la loi du 31 juillet 1978, dans sa mouture applicable à l’époque des faits (2011). Cette disposition fixe la procédure de contrôle de l’incapacité de travail et plus particulièrement les obligations et la mission du médecin-contrôleur.

Celui-ci doit examiner la réalité de l’incapacité de travail, en vérifier la durée probable ainsi que, éventuellement, les autres données médicales nécessaires à l’application des dispositions légales. La loi précise que toutes autres constatations sont couvertes par le secret professionnel et que les missions du médecin-contrôleur doivent être exercées conformément à la loi du 13 juin 1999 relative à la médecine de contrôle. En ce qui concerne ses constatations, elles doivent être communiquées par écrit au travailleur aussi rapidement que possible (après contact éventuel avec le médecin de celui-ci) et, en cas de désaccord, celui-ci doit être acté par lui sur l’écrit ci-dessus.

Quant au travailleur, il peut se voir refuser le salaire garanti en cas de manquement à ses obligations et ce à l’exception de la période d’incapacité non contestée.

La cour examine ensuite si le contrôle s’est déroulé conformément au dispositif légal.

Elle constate qu’un certain flou entoure les explications données quant au déplacement du médecin-contrôleur au domicile du travailleur et que, en tout état de cause, à supposer le passage admis, l’heure de celui-ci n’est nullement mentionnée. La cour en déduit qu’il n’est pas établi qu’un délai suffisant ait été laissé au travailleur pour se rendre au cabinet du médecin. Elle rappelle ensuite que, dès lors qu’un certificat médical d’incapacité de travail est adressé par le travailleur et qu’il y un contrôle médical, la preuve de la réalité et de la régularité de la procédure de contrôle incombe à l’employeur. A défaut, il n’est pas libéré de son obligation de payer le salaire garanti.

Plus particulièrement, en ce qui concerne la procédure mise en place par la loi du 13 juin 1999, il est prévu que lors de chaque mission de contrôle, le médecin-contrôleur doit rédiger une déclaration d’indépendance (article 3, § 2). Les modalités relatives à cette déclaration sont fixées à l’arrêté royal du 18 juillet 2001 concernant les médecins-contrôleurs et les médecins-arbitres. Cette déclaration doit être rédigée en deux exemplaires, l’une allant au travailleur et l’autre à l’employeur et doit être annexée au document rédigé.

La cour constate que ce document n’est pas produit et que, en outre, la société, interpellée par l’organisation syndicale du travailleur, n’a pas été en mesure d’apporter la preuve du dépôt de l’avis de passage et de la convocation. Pour la cour, ne peut constituer la preuve de celui-ci une attestation du médecin-contrôleur rédigée en cours de procédure judiciaire confirmant qu’il serait passé. La cour relève, outre le caractère particulièrement suspect d’un souvenir aussi précis, que seule peut être admise la preuve du dépôt de la convocation.

A défaut, l’employeur ne peut considérer que la procédure a été respectée et qu’il est, en conséquence, libéré de son obligation de payer le salaire garanti.

La cour réforme dès lors le jugement.

Intérêt de la décision

Cet arrêt de la cour du travail rappelle les règles en matière de preuve, dès lors qu’une incapacité de travail est justifiée par le travailleur et que celle-ci fait l’objet d’un contrôle de la part de l’employeur.

La loi du 13 juin 1999 relative à la médecine de contrôle et l’arrêté royal du 18 juillet 2001 concernant les médecins-contrôleurs et les médecins-arbitres fixent des modalités précises relatives au déroulement de la procédure, précisant ainsi les obligations contenues à la loi du 3 juillet 1978 sur les contrats de travail. Des garanties sont ainsi assurées au travailleur, en ce qui concerne les constatations du médecin-contrôleur, via une obligation immédiate d’information. La loi a également prévu que le médecin-contrôleur mandaté par l’employeur est tenu de rédiger une déclaration d’indépendance et que celle-ci doit être remise à chaque contrôle au travailleur et jointe aux constatations transmises à l’employeur.

Enfin, dans la mesure où la réalité et la régularité de la procédure de contrôle sont des conditions indispensables pour permettre à l’employeur d’être libéré de son obligation de payer le salaire garanti, celui-ci est tenu de vérifier que le médecin-contrôleur a strictement respecté ses propres obligations quant aux démarches qu’il a effectuées en vue du contrôle médical de l’incapacité de travail. Ainsi, à défaut de pouvoir produire l’avis de passage du médecin-contrôleur (et la cour insiste ici également sur la nécessité de connaître l’heure du passage aux fins de pouvoir vérifier la possibilité pour le travailleur de donner suite à une convocation du médecin-contrôleur), l’employeur reste tenu au paiement de la rémunération garantie.


Accueil du site  |  Contact  |  © 2007-2010 Terra Laboris asbl  |  Webdesign : michelthome.com | isi.be