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Accident du travail : date de consolidation et frais médicaux ultérieurs

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 31 juillet 2014, R.G. 2012/AB/744

Mis en ligne le lundi 29 septembre 2014


Cour du travail de Bruxelles, 31 juillet 2014, R.G. n° 2012/AB/744

TERRA LABORIS ASBL

Dans un arrêt du 31 juillet 2014, la Cour du travail de Bruxelles rappelle qu’il n’y a aucun automatisme entre la date de consolidation et la poursuite de soins médicaux. Il n’y a dès lors pas lieu de tenir compte de ceux-ci pour fixer la date où les lésions ont acquis un caractère de permanence.

Les faits

Une employée est victime d’un accident sur le chemin du travail, suite auquel elle est contrainte d’introduire une procédure aux fins de faire régler les séquelles de celui-ci.

La décision du tribunal

Par jugement du 1er juin 2012, le Tribunal du travail de Nivelles entérine les conclusions de l’expert judiciaire, selon lesquelles l’incapacité de travail temporaire est très courte (2 jours en 2004), la consolidation étant quant à elle fixée au 4 novembre 2008, avec une incapacité permanente partielle de 10%. L’entreprise d’assurances est également condamnée au renouvellement d’une orthèse (collier-mousse), ainsi qu’aux frais médicaux, pharmaceutiques, chirurgicaux, hospitaliers et autres frais assimilés.

L’intéressée interjette appel.

Position de l’appelante devant la cour

L’employée conteste essentiellement la date de consolidation, celle-ci intervenant plus de 4 ans après l’accident et l’incapacité temporaire consécutive à celui-ci ayant été particulièrement réduite. La position de l’expert judiciaire, qu’a confirmée le tribunal dans son jugement, réside dans l’existence de soins médicaux, qui ont été poursuivis pendant ces années. L’intéressée fait quant à elle valoir que, si elle a repris le travail très rapidement, l’existence de soins médicaux ne peut à elle seule déterminer la date de consolidation.

Pour l’intéressée, ainsi que pour son médecin de recours, la consolidation doit être acquise bien plus tôt, étant au 1er juillet 2005.

Elle demande également la prise en charge de l’ensemble des frais médicaux postérieurs à la date du 1er juillet 2005, le tribunal ayant considéré que celle-ci devrait être limitée aux deux jours d’incapacité temporaire.

La décision de la cour

La cour rappelle les principes fixés par la loi du 10 avril 1971, en ses articles 24 et 28.

En vertu de l’article 24, l’incapacité permanente de travail doit être indemnisée à dater du jour où elle présente un caractère de permanence, c’est-à-dire à partir de la date de consolidation.

La cour rappelle que la consolidation se définit comme le moment où l’existence et le degré de l’incapacité de travail prennent un caractère de permanence. Il faut entendre par là le moment où les séquelles de l’accident n’évoluent plus ou, si elles évoluent, ce n’est que faiblement, de telle sorte qu’il n’y a plus d’amélioration ou de détérioration significative à prévoir sur le plan de la perte de capacité de travail de la victime sur le marché général du travail.

Par ailleurs, l’article 28 pose le principe que la victime a droit au remboursement des soins médicaux, chirurgicaux, pharmaceutiques et hospitaliers nécessités par l’accident.

Reprenant la jurisprudence de la Cour de cassation (Cass., 5 avril 2004, n° S.03.0117.F), la cour rappelle qu’il s’agit des soins de nature à remettre la victime dans un état aussi proche que possible de celui dans lequel elle était avant l’accident. La Cour de cassation a en effet précisé qu’il n’est pas exigé que le traitement soit susceptible de réduire l’incapacité de travail.

Il n’y a, entre ces deux dispositions, aucun automatisme pour leur application, la date de consolidation étant indépendante de la poursuite ou non de soins médicaux.

La cour précise encore que ceux-ci, lorsqu’ils sont de nature à faire évoluer la capacité de la victime sur le marché du travail, empêchent la consolidation dans la mesure où l’incapacité n’a pas encore acquis le caractère de permanence. Cependant, ils peuvent encore s’avérer nécessaires sans pour autant être susceptibles de modifier la capacité de gain. Ceci peut viser tous les traitements et soins destinés à conserver le niveau de stabilité obtenu ou à adoucir des douleurs résiduaires. Il n’y a dès lors pas lieu, lorsque de tels soins sont prodigués, de postposer la date de consolidation à la fin de ceux-ci.

Par ailleurs, dans la mesure où ils sont nécessaires, c’est-à-dire susceptibles de remettre la victime dans un état aussi proche que possible de celui qui était le sien avant l’accident du travail, ces frais doivent être remboursés.

La cour examine dès lors les éléments de l’espèce à partir de ces principes.

Reprenant la position du médecin de recours de l’intéressée – qui a fait valoir la nécessité de séances de psychothérapie ainsi que de kinésithérapie vestibulaire après la date du 1er juillet 2005 – et le fait que la nécessité et l’utilité de ces soins ont été admises par l’expert, la cour constate que rien ne justifie le report de la date de consolidation (initialement admise au 1er juillet 2005) à une date ultérieure, la seule justification étant l’existence de ces séances de soins. La cour considère que l’expert, en estimant « logique » de retenir comme date de consolidation la date de fin de soins, commet une erreur dans la mesure où aucun lien n’existe nécessairement entre ceux-ci et le caractère de permanence de l’incapacité de travail. Il faut apprécier, pour fixer la consolidation, le moment où la capacité n’évoluera plus.

L’expert ayant constaté que les soins n’avaient pas modifié significativement l’état de l’intéressée, il n’y a pas de répercussions sur la capacité de gain depuis le 1er juillet 2005.

La cour s’écarte dès lors des conclusions de l’expertise, ainsi que de celles du tribunal, sur la consolidation. Elle admet également – et ce de manière très logique – que ces soins doivent être pris en charge par l’employeur (l’accident étant survenu dans le secteur public).

Intérêt de la décision

Cet arrêt rappelle un principe clair, sur la question de la fixation de la date de consolidation.

La consolidation est en effet définie comme la date à partir de laquelle les séquelles de l’accident n’évoluent plus ou si faiblement que, selon toute vraisemblance, il n’y aura plus d’amélioration ou de détérioration significative de la capacité concurrentielle de la victime.

Quant aux soins médicaux et autres soins assimilés, ils peuvent, comme le rappelle à juste titre l’arrêt commenté, être nécessaires pour conserver le niveau de stabilité obtenu ou encore pour adoucir des douleurs résiduaires, et ce indépendamment de la date de la consolidation retenue.

Relevons encore que, dans un arrêt du 30 mars 1987 (Cass., 30 mars 1987, n° 5592), la Cour de cassation a considéré qu’il n’y a en règle qu’une seule date de consolidation.


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