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Prépension conventionnelle : quel est le statut du prépensionné qui se voit retirer le bénéfice des allocations de chômage ?

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 24 avril 2014, R.G. n° 2013/AB/705

Mis en ligne le lundi 13 octobre 2014


Cour du travail de Bruxelles, 24 avril 2014, R.G. n° 2013/AB/705

TERRA LABORIS ASBL

Dans un arrêt du 24 avril 2014, la Cour du travail de Bruxelles examine les liens entre les conditions d’octroi des allocations de chômage, la privation d’allocations pour non respect de la réglementation ainsi que les effets de celle-ci sur le droit à la prépension et, par voie de conséquence, sur l’âge auquel l’intéressé peut solliciter le bénéfice d’une pension de retraite.

Les faits

Un travailleur est admis à la prépension (prépension conventionnelle le 1er juillet 2000) et bénéficie des allocations de chômage dans le cadre de ce statut. Dix ans plus tard, soit en 2010, l’ONEm est informé de l’exercice par ce dernier (et ce depuis 1996) d’une activité de comptable, exercée en tant que gérant non rémunéré. L’intéressé est ainsi exclu, au motif qu’il n’a pas été privé de travail et de rémunération et les allocations sont réclamées dans les limites de la prescription. Il fait alors une déclaration d’exercice d’une activité accessoire. Le caractère accessoire de celle-ci est refusé par l’ONEm et l’intéressé est exclu des allocations pour l’avenir.

Deux mois plus tard, ayant atteint l’âge de 63 ans, l’intéressé introduit une demande de pension auprès de l’ONP en tant que travailleur salarié. L’ONP refuse, au motif qu’il est, à ce moment, dans les conditions pour bénéficier de la prépension conventionnelle à temps plein. L’Office se fonde sur l’article 4, §4 de l’arrêté royal du 23 décembre 1996 exécutant les articles 15 à 17 de la loi du 26 juin 1996 de modernisation de la sécurité sociale.

L’ONP marquera ultérieurement accord pour accorder le bénéfice d’une pension de retraite lorsque l’intéressé aura atteint l’âge de 65 ans. La disposition ci-dessus prévoit en effet que, pour les bénéficiaires d’une prépension conventionnelle à temps plein, la pension de retraite ne peut être octroyée que le premier jour du mois suivant celui où l’intéressé a atteint l’âge de 65 ans.

Une procédure est introduite devant le Tribunal du travail de Bruxelles. Celui-ci considère, par jugement du 2 juin 2013, qu’il y a lieu d’annuler la décision administrative. Pour le tribunal, l’article 4, §4 ci-dessus ne trouve pas à s’appliquer, dans la mesure où l’intéressé a été exclu avec effet rétroactif du régime des allocations de chômage. Il ne peut plus dès lors être considéré comme étant ou avoir été un bénéficiaire d’une prépension à temps plein.

Position des parties devant la cour

Pour l’Office, appelant, le demandeur a opté pour le statut de prépensionné et il conserve celui-ci, indépendamment de son exclusion du bénéfice des allocations de chômage. L’Office se fonde sur un arrêt de la Cour de cassation du 12 mai 1997 (Cass., 12 mai 1997, R.G. n° S.96.0089.N). Il renvoie également à l’article 25, § 1er de l’arrêté royal n° 50, qui interdit le cumul entre une pension de retraite ou de survie avec une indemnité complémentaire perçue dans le cadre de la prépension conventionnelle.

Quant à l’intimé, il considère ne jamais avoir obtenu le statut de prépensionné, renvoyant à l’article 4 de la CCT n° 17, en vertu duquel les travailleurs de 60 ans et plus qui sont licenciés ont droit à une indemnité complémentaire de prépension pour autant qu’ils bénéficient d’allocations de chômage. N’ayant jamais eu le droit à ces allocations vu qu’il n’a pas arrêté son activité, il considère ne pas avoir répondu, dès le départ, aux conditions pour bénéficier des allocations de chômage et par conséquent pour avoir le statut de prépensionné. Il fait encore valoir d’autres arguments liés à la poursuite de l’exercice de son activité pendant toute la période et au fait que l’indemnité complémentaire versée par l’employeur (et que celui-ci n’a pas réclamée) n’a pas le caractère d’indemnité complémentaire au sens de la réglementation en matière de prépension, puisqu’il ne remplissait pas les conditions.

Décision de la cour

La cour va examiner successivement l’exclusion sur la base de l’article 4 de l’arrêté royal du 23 décembre 1996 et le droit au paiement de la pension de retraite en vertu de l’article 25 de l’arrêté royal n° 50. La première question à régler est de savoir si le demandeur peut encore être considéré comme bénéficiaire d’une prépension eu égard à la perte des allocations de chômage.

La cour examine en premier lieu l’arrêt de la Cour de cassation du 12 mai 1997 auquel l’ONP renvoie, rappelant que celui-ci avait uniquement trait au droit du prépensionné qui avait mis un terme à sa prépension de pouvoir prétendre, ultérieurement, à des allocations de chômage normales. Le cas visait en outre la situation d’un travailleur qui avait régulièrement acquis le droit à une prépension. Pour la cour du travail, la jurisprudence citée ne peut pas être extrapolée à la situation de l’espèce où le prépensionné demande le bénéfice de la pension légale. La cour poursuit en considérant, à l’instar du tribunal, que l’intéressé ne pouvait pas être considéré comme ayant droit à la prépension au sens de la disposition en cause. La décision de l’ONEm ayant été coulée en force de chose jugée, vu que l’intéressé a obtenu un jugement du Tribunal du travail de Bruxelles à ce sujet, son droit aux allocations de chômage lui a été refusé à partir de son licenciement. Pour la cour du travail, la conséquence de cette décision est que, sur le plan juridique, il perdait également le droit à l’indemnité complémentaire à charge de l’employeur. Lorsqu’il a demandé à bénéficier d’une pension de retraite, l’intéressé n’avait dès lors pas le statut de bénéficiaire d’une prépension.

En ce qui concerne, ensuite, l’article 25 de l’arrêté royal n° 50, la cour conclut, comme le tribunal, qu’il n’est pas applicable à l’intéressé, l’indemnité perçue de l’employeur n’ayant pas le caractère d’une indemnité complémentaire au sens de cette disposition. Que l’employeur ne l’ait pas réclamée à ce stade n’y change rien, la demande de récupération pouvant toujours être faite.

Intérêt de la décision

Cet arrêt de la Cour du travail de Bruxelles statue dans un cas d’espèce particulier, étant l’application des règles en matière de chômage et de celles relatives à la pension de retraite. Du fait de la privation d’allocations de chômage (comme s’il s’était agi d’un chômeur non bénéficiaire d’une prépension), l’intéressé a vu en l’espèce remettre en cause ses droits à une pension de retraite avant l’âge normal d’ouverture de celle-ci.

Très logiquement, la cour du travail a conclu que le constat fait par l’ONEm que l’intéressé ne remplissait pas une condition d’octroi des allocations entraînait non seulement le remboursement des allocations perçues (dans les limites de la prescription) mais que, pour l’avenir, vu la persistance de l’exercice d’une activité non cumulable, il ne pouvait avoir le statut de chômeur et, par conséquent, celui de prépensionné au sens de la CCT n° 17.

La cour retient que les indemnités versées par l’employeur, dans le cadre de celle-ci, peuvent dès lors considérées comme dépourvues de cause et sujettes à récupération.


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