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Retour du travailleur à son domicile pendant l’heure de midi et accident : accident sur le chemin du travail ?

Commentaire de C. trav. Mons, 9 juillet 2014, R.G. 2013/AM/399

Mis en ligne le lundi 17 novembre 2014


Cour du travail de Mons, 9 juillet 2014, R.G. n° 2013/AM/399

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 9 juillet 2014, la Cour du travail de Mons admet que peut constituer un accident sur le chemin du travail celui survenu à un travailleur pendant l’heure de midi alors qu’il est rentré à son domicile pour prendre son repas et emporter une attestation médicale, et qu’il fait une chute sur le chemin du retour.

Les faits

Une fonctionnaire, occupée dans une administration de la Ville de Mons, est victime d’une chute aux environs de 13h00, alors qu’elle circulait en vélo sur le trajet entre sa résidence et son lieu de travail. Son occupation au service de l’administration employeur est à temps plein.

Dans la déclaration d’accident du travail, l’intéressée fait état d’un retour au travail en vélo et précise encore ultérieurement être rentrée chez elle pour prendre une prescription médicale remise à son époux par son médecin en matinée. L’autorité publique considère que le fait accidentel n’est pas constitutif d’un accident du travail au motif qu’elle est rentrée à son domicile pendant la pause de midi et que l’accident s’est produit lors d’un retour à la maison pour des raisons personnelles.

Une procédure est introduite devant le Tribunal du travail de Mons, qui, par jugement du 10 juillet 2013, déboute l’intéressée, considérant qu’il ne peut y avoir « chemin du travail » dès lors que celui-ci a été parcouru le matin (domicile-lieu d’exécution du travail). Pour le tribunal, il y aurait un accident du travail survenu pendant une période de repos et, au moment de l’accident, l’occupation de l’intéressée était tout à fait étrangère à l’exercice de ses fonctions, étant par ailleurs éloignée de son lieu de travail. Le tribunal conclut qu’elle n’était donc plus sous l’autorité de l’employeur.

Appel est interjeté.

La décision de la cour

Dans un bref arrêt, la cour du travail rappelle les termes de l’article 2 de la loi du 3 juillet 1967 concernant la prévention et la réparation des risques professionnels dans le secteur public, étant que l’accident sur le chemin du travail est couvert par la loi dans la mesure où il réunit les conditions requises pour avoir ce caractère au sens de l’article 8 de la loi du 10 avril 1971, régissant la matière dans le secteur privé. L’article 8 exige, pour qu’il y ait « chemin du travail », que le travailleur se trouve sur le trajet normal entre sa résidence et le lieu d’exécution du travail ou inversement. La distinction entre l’accident du travail au sens strict et celui survenu sur le chemin du travail se fait à partir d’un critère, qui est l’autorité de l’employeur au moment de l’accident.

Si celui-ci survient pendant une pause ou un temps de repos et que le travailleur est sous l’autorité de l’employeur, se trouvant sur le lieu même du travail ou dans les environs immédiats, il y a accident du travail, sauf si l’accident est la conséquence d’occupations personnelles, étrangères à un emploi normal du temps de repos.

Ce principe posé, la cour constate que l’intéressée bénéficiait d’un temps de repos extrêmement large et que, bénéficiant d’un horaire flottant, celui-ci pouvait durer jusque 2 heures et 15 minutes. Elle n’était dès lors plus sous l’autorité de l’employeur au moment de l’accident. La cour examine dès lors la question à partir de la notion d’accident sur le chemin du travail, rappelant que le trajet entre la résidence et le lieu d’exécution du travail est le trajet normal, mais que peuvent être assimilés à celui-ci d’autres trajets et, notamment, celui que parcourt le travailleur pour prendre son repas (ou se procurer celui-ci), et que ce lieu peut être sa résidence si les circonstances de lieu et de temps le permettent.

La cour constate, en conséquence, que l’intéressée est rentrée à son domicile, qu’elle y a pris son repas et qu’elle a pris une prescription dont elle avait un besoin impérieux. La cour précise que le fait que l’intéressée ait choisi de prendre son repas à son domicile parce qu’elle avait éprouvé la nécessité de se procurer un médicament ne peut faire échec à l’application de la loi.

Le trajet étant normal, il y a « chemin du travail ».

La cour réforme dès lors le jugement et ordonne une réouverture des débats sur l’indemnisation des séquelles, question qui n’a pas été abordée par les parties à ce stade de l’instruction du dossier, vu que le débat était limité à la reconnaissance de l’accident.

Intérêt de la décision

La solution dégagée par la Cour du travail de Mons dans cet arrêt est une combinaison de deux règles, étant d’une part celle de l’occupation normale du temps (ou de la pause) de midi et, d’autre part, celle de la distinction à opérer selon que le travailleur est ou non sous l’autorité de l’employeur. En l’occurrence, alors que le premier juge avait conclu que l’intéressée avait quitté le travail pour des raisons de convenances personnelles, la cour aborde la question à partir de l’angle de l’usage normal du temps de midi, qu’elle considère comme acquis en l’espèce. L’intéressée étant – eu égard à la durée de la pause de midi – autorisée à choisir le lieu de son repas de midi, le retour au domicile a été considéré comme normal, même s’il s’est accompagné d’une circonstance à laquelle la cour ne réserve qu’un caractère complémentaire, étant la nécessité de se procurer un médicament. Le fait que cette circonstance ait amené l’intéressée à faire choix de sa résidence pour son repas de midi est considéré comme étant sans importance.

L’on peut utilement rappeler à cet égard que le trajet normal est, selon les travaux préparatoires de la loi (Doc. parl., Sénat, 1970-1971, rapport PEDE, n° 215, p. 6), le trajet que le travailleur doit parcourir entre sa résidence et le lieu indiqué par l’employeur et vice versa. La notion de « trajet normal » ne signifie pas « trajet ininterrompu », ou encore « trajet le plus direct ou le plus court ». En l’occurrence, l’on retiendra que, pour la cour du travail, le chemin du travail a ainsi pu être parcouru à deux reprises, étant non seulement au début et à la fin de la prestation journalière, mais également à l’occasion de la pause de midi.


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