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Le travail effectué en atelier protégé permet-il de conclure à une capacité de gain en AMI ?

Commentaire de C. trav. Mons, 11 septembre 2014, R.G. 2013/AM/458

Mis en ligne le mardi 18 novembre 2014


Cour du travail de Mons, 11 septembre 2014, R.G. n° 2013/AM/458

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 11 septembre 2014, la Cour du travail de Mons rappelle que l’activité en milieu protégé est une activité professionnelle au sens de l’article 100 de la loi relative à l’assurance obligation soins de santé et indemnités coordonnée le 14 juillet 1994.

Les faits

Monsieur M., né en 1984, a suivi l’enseignement primaire. Il a ensuite effectué d’enseignement secondaire dans l’enseignement professionnel (hôtellerie) mais n’a pas obtenu son diplôme. Il souffre d’une maladie grave (narcolepsie) diagnostiquée pendant ses études. À l’issue de celles-ci, il est occupé pendant près de trois ans dans un établissement de travail adapté et, pendant cette période, son activité est régulièrement interrompue vu les conséquences de son handicap.

Il bénéficie d’indemnités AMI.

Par décision du 12 août 2012, le Conseil médical de l’invalidité considère qu’il ne répond plus aux conditions de l’article 100, étant qu’il n’y a pas de lien de cause à effet entre la cessation de son activité et le début ou l’aggravation de lésions ou de troubles fonctionnels.

Un recours est introduit devant le Tribunal du travail de Charleroi. Par jugement du 18 novembre 2013, celui-ci considère que l’intéressé n’avait pas de capacité de gain avant son entrée sur le marché du travail.

Appel est interjeté.

La décision de la cour du travail

La cour rappelle les principes relatifs à la reconnaissance de l’incapacité de travail au sens de la loi coordonnée le 14 juillet 1994 : le travailleur doit avoir cessé toute activité en conséquence directe du début ou de l’aggravation des lésions ou troubles fonctionnels dont il est reconnu qu’ils entraînent une réduction de sa capacité de gain au taux égal ou inférieur au tiers de ce qu’une personne de même condition et de même formation peut gagner par son travail, la référence étant faite au groupe de professions dans lequel se range l’activité professionnelle de l’intéressé au moment où il est devenu incapable de travailler ou encore dans les diverses professions qu’il a ou qu’il aurait pu exercer du fait de sa formation professionnelle.

Revenant sur l’évolution des textes, depuis la modification de l’article 56, §1er de la loi du 9 août 1963 par l’arrêté royal n° 22 du 23 mars 1982, à savoir qu’a été exigé un lien de causalité entre la cessation des activités et la survenance ou l’aggravation des lésions et troubles fonctionnels (ce qui n’était pas repris dans le texte initial), la cour rappelle la volonté du législateur d’exclure de l’assurance AMI les personnes dont la capacité de gain était déjà diminuée d’une manière importante au début de leur mise au travail et dont l’interruption de travail n’est pas la conséquence de cette aggravation.

Il n’y a dès lors pas incapacité de travail au sens de la disposition légale si, au moment où le travailleur interrompt son activité, son état de santé ne s’est pas aggravé par rapport à son état existant à l’époque où il a entamé son activité, et ce que la cause en soit la survenance d’une nouvelle affection ou l’aggravation d’une affection existante.

Par contre, lorsque l’interruption est la conséquence directe de l’aggravation de l’état de santé, l’appréciation de la réduction de la capacité de gain se fait par la prise en compte de l’ensemble des lésions et troubles fonctionnels au moment de cette interruption de travail (et non uniquement en fonction de nouvelles lésions ou de nouveaux troubles fonctionnels ou encore de l’aggravation ayant eu pour conséquence directe l’interruption de l’activité). C’est la jurisprudence de la Cour de cassation, la cour du travail renvoyant à un arrêt du 1er octobre 1990 (Cass., 1er octobre 1990, Chron. Dr. Soc., 1991, p. 13).

En l’espèce, l’intéressé a été occupé en milieu protégé mais cette activité a été très fréquemment interrompue.

La cour considère que la position de l’INAMI, selon laquelle la capacité de gain préexistante à l’occupation n’est pas démontrée, ne peut être suivie. L’Institut plaide en effet que, vu ce constat, l’intéressé a été erronément reconnu en incapacité de travail en novembre 2007 et que le caractère d’ordre public de la matière impliquait de mettre fin à la situation.

La cour rappelle que l’activité en milieu protégé est une activité professionnelle au sens de la disposition querellée et elle renvoie encore ici à la jurisprudence de la Cour suprême en deux arrêts (Cass., 2 avril 1990, Bull., 1990, 907 et Cass., 20 janvier 1997, Bull., 1997, 93), selon laquelle lorsqu’il s’agit d’évaluer la réduction de la capacité du travailleur par rapport aux professions de référence. Cette règle ne souffre pas d’exceptions et vise également l’hypothèse du travailleur qui n’a été occupé que dans un milieu protégé.

L’intéressé produisant en outre un certificat médical faisant état d’une incapacité de plus de 66%, la cour du travail considère qu’il y a lieu de recourir à une expertise ayant pour objet de déterminer quelle était la capacité de gain de l’intéressé avant qu’il entame son activité au sein de l’entreprise de travail adapté. Le travail en ETA étant considéré en effet comme activité professionnelle et laissant ainsi présumer l’existence d’une capacité de gain, la cour estime devoir être plus amplement informée quant à la possibilité pour l’intéressé de mener une vie professionnelle ordinaire.

Intérêt de la décision

La question de l’existence d’une capacité de gain en la matière est récurrente et il s’avère régulièrement que l’INAMI est amené à considérer que, cette capacité ayant été inexistante au départ, il y a lieu de mettre fin à l’indemnisation d’un assuré social dans ce secteur.

La cour rappelle ici deux questions importantes, étant d’une part qu’un lien de causalité est exigé entre la cessation des activités et la lésion ou l’aggravation de troubles fonctionnels et de l’autre qu’il y a obligation d’apprécier l’existence de cette capacité de gain eu égard au marché du travail, dont l’activité en milieu protégé fait partie.

L’on peut, sur la question, très utilement renvoyer à diverses décisions (disponibles sur www.terralaboris.be ), dont un arrêt du 6 février 2013 de la Cour du travail de Bruxelles (C. trav. Bruxelles, 6 février 2013, R.G. n° 2011/AB/814) dans lequel la cour rappelle que la méthode à suivre pour déterminer l’existence de cette capacité de gain est en réalité une méthode empirique, à savoir qu’il faut vérifier au cas par cas l’existence de cette capacité. Des exemples sont régulièrement cités, permettant de retenir une absence de capacité initiale, étant par exemple le fait d’avoir travaillé comme étudiant pendant quelques jours, le fait d’exercer une activité occasionnelle, ou encore de très brèves prestations comme travailleur intérimaire.


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