Terralaboris asbl

Aide sociale : droit aux arriérés ?

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 11 octobre 2007, R.G. 44.783

Mis en ligne le vendredi 21 mars 2008


Cour du travail de Bruxelles, 11 octobre 2007, R.G. n° 44.783

Asbl Terra Laboris – Sophie Remouchamps

Dans un arrêt du 11 octobre 2007, la Cour du travail de Bruxelles a rappelé sa jurisprudence sur la question : l’aide sociale financière relative à une période passée ne peut être accordée que si elle empêche le bénéficiaire de mener aujourd’hui encore une vie conforme à la dignité humaine.

Les faits

Un demandeur d’asile, arrivé en Belgique en 1999 avec son épouse, voit sa demande rejetée par le Conseil d’état en novembre 2002. Il a à ce moment 5 enfants. Les deux époux introduisent une demande de régularisation de séjour, aussitôt, demande fondée sur l’article 9 alinéa 3 de la loi du 15 décembre 1980 sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers.

Le CPAS de leur résidence prend la famille en charge jusqu’à la fin de ce mois de novembre 2002.

Le père se rend, en décembre 2002, au CPAS de Molenbeek St Jean et sollicite une aide sociale, une aide pour le loyer ainsi que la prise en charge des repas scolaires.

Sont accordés l’aide médicale urgente ainsi que les repas scolaires, le reste étant refusé.

Position du tribunal du travail

Par jugement du 1er octobre 2003, le tribunal du travail condamne le CPAS au paiement d’une aide sociale équivalant au revenu d’intégration sociale au taux de famille monoparentale avec charge de famille.

Position des parties en appel

Le CPAS interjette appel du jugement du 1er octobre 2003, au motif essentiel que les étrangers en séjour illégal ne peuvent prétendre qu’à l’aide médicale urgente. La demande de séjour n’ouvre en effet pas droit à l’aide sociale. Le service social du CPAS ayant, toutefois, exécuté le jugement en payant 3.750 € au propriétaire, aucun autre paiement n’a été fait en exécution du jugement, aucune aide financière n’étant ainsi allouée jusqu’au moment où le père obtient le CIRE provisoire et peut obtenir une aide du CPAS.

Le demandeur d’aide, tout en ne contestant pas l’illégalité de son séjour, fait valoir qu’aucune mesure d’éloignement n’a été prise, même si un ordre de quitter le territoire a été notifié en septembre 2000. Quant aux arriérés d’aide sociale, il n’est en possession d’aucun document de nature à justifier l’octroi de ceux-ci, pouvant établir des dettes de l’époque empêchant la famille de mener une vie conforme à la dignité humaine.

Position de la Cour

La Cour doit statuer en 2007, sur la période de décembre 2002 à janvier 2004 (une demande ayant été introduite à ce moment et ayant été rejetée par le tribunal, sans qu’appel n’ait été interjeté).

La Cour du travail va s’appuyer, pour résoudre la question posée, sur l’arrêt de la Cour constitutionnelle du 17 septembre 2003 (arrêt n° 112/2003), qui relève (B.5) qu’il n’existe pas de normes légales déterminant dans quelle mesure et sous quelle forme l’aide doit être accordée. C’est par conséquent au CPAS, dans les limites de sa mission légale, d’octroyer une aide visant à remédier aux effets encore actuels d’une existence non-conforme à la dignité humaine passée, dans la mesure où ils empêchent l’intéressé de mener désormais une vie répondant aux conditions de celle-ci.

Dans la mesure où le demandeur n’établit en aucune manière qu’il y aurait empêchement « hic et nunc » de mener une vie conforme à la dignité humaine suite à la décision du CPAS du 13 janvier 2003, il ne satisfait pas aux conditions légales permettant l’octroi de cette aide.

Intérêt de la décision

La décision rappelle d’une part le principe dégagé par la Cour constitutionnelle en ce qui concerne les conditions d’octroi des arriérés d’aide, puisque ceux-ci doivent permettre de remédier aux effets encore actuels d’une situation passée et d’autre part très utilement qu’il s’impose au demandeur d’établir ces effets.

Soulignons, à propos de cette problématique, que, dans un arrêt du 17 décembre 2007 (S.07.0017.F), la Cour de cassation a cassé un arrêt de la cour du travail de Liège, qui avait considéré que l’aide sociale ne peut ’par nature’ être accordée pour les arriérés. Pour la Cour suprême, aucune disposition légale ne prévoit que l’aide sociale ne peut être accordée rétroactivement à la personne qui y a droit pour la période qui s’est écoulée entre sa demande et la décision judiciaire faisant droit à celle-ci.


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