Terralaboris asbl

Un travailleur qui se présente à l’entreprise et est licencié sur le champ est-il toujours sur le chemin du travail si un accident survient lors du retour au domicile ?

Commentaire de C. trav. Liège, div. Liège, 9 décembre 2014, R.G. 2014/AL/91

Mis en ligne le vendredi 13 mars 2015


Cour du travail de Liège, div. Liège, 9 décembre 2014, R.G. n° 2014/AL/91

TERRA LABORIS ASBL

Dans un arrêt du 9 décembre 2014, la Cour du travail de Liège considère, dans une telle hypothèse, que le trajet effectué dans de telles conditions est en rapport direct avec l’exécution et/ou la fin du contrat de travail et qu’exclure le travailleur de la protection légale aurait un caractère discriminatoire.

Les faits

S’étant présenté au travail normalement, un travailleur est licencié sur le champ moyennant le paiement d’une indemnité compensatoire de préavis. Les prestations de travail n’ont pas été entamées et il est reconduit chez lui en voiture par l’épouse d’un collègue. Devant son domicile, il fait une chute sur le verglas.

Des lésions sont constatées au service des urgences du CHU de Liège (genou gauche). Il s’avérera ultérieurement, qu’une intervention chirurgicale est nécessaire (rupture complète du ligament croisé antérieur) et qu’il conserve une incapacité permanente.

L’entreprise d’assurances refuse son intervention, au motif qu’il n’y aurait pas accident sur le chemin du travail.

Une procédure est introduite devant le Tribunal du travail de Liège et, par jugement du 19 décembre 2013, celui-ci déboute l’intéressé.

Appel est interjeté et la cour est ainsi saisie de la question de savoir si une telle hypothèse peut être couverte par la loi.

Décision de la cour

La cour rappelle les principes repris aux articles 7 à 9 de la loi du 10 avril 1971, parmi lesquels elle pointe plus particulièrement les hypothèses d’assimilation au chemin du travail visées à l’article 8, §§1er et 2.

Elle constate que la loi prévoit qu’est visé le trajet parcouru un travailleur pour se rendre, même en dehors de ses heures de travail, de sa résidence ou du lieu où il a repris du travail chez son précédent employeur afin de remettre ou de recevoir des documents prescrits par la législation sociale, entre autres. La cour relève que sont ainsi visés des travailleurs qui ne sont pas liés par un contrat de travail dans ces hypothèses mais qu’ils peuvent néanmoins être considérés comme étant sur le chemin du travail.

Il y a dès lors extension légale à certains travailleurs non liés par un contrat de travail, le but du législateur ayant été de protéger certains travailleurs eu égard au chemin parcouru entre le lieu du travail de l’ancien employeur et leur résidence. La cour souligne encore le caractère non limitatif des cas visés, au titre d’assimilation au trajet normal.

Examinant la nature de celles-ci, elle constate qu’elles sont toutes relatives à des trajets ayant un rapport direct avec l’exécution du contrat et conclut que peut dès lors être assimilé au chemin du travail le trajet qui a un tel rapport avec celle-ci. Il en va dès lors ainsi du trajet parcouru du lieu de travail à la résidence lorsque le travailleur s’est rendu sur son lieu de travail aux fins d’exécuter une obligation du contrat de travail, et ce même si, comme le précise expressément la cour, durant le trajet de retour à sa résidence il n’est plus lié par le contrat de travail car il a été licencié sur le champ.

Pour asseoir sa conclusion, la cour renvoie encore à un arrêt de la Cour de cassation du 13 janvier 2003 dont l‘enseignement est clair quant à la possibilité d’étendre la liste des assimilations et notamment aux trajets en rapport direct avec l’exécution du contrat (Cass., 13 janvier 2003, n° S.00.0007.F). Dans un précédent arrêt du 13 avril 1992 (Cass., 13 avril 1992, n° 7791), elle avait posé le principe selon lequel ne peuvent être assimilés les trajets qui sont sans rapport direct avec la formation, l’exécution ou la fin du contrat de travail.

Ayant, dans le cas d’espèce constaté que l’intéressé avait rejoint immédiatement et directement sa résidence en revenant d’un lieu où il s’était rendu sur indication de son employeur (étant son lieu de travail), la cour considère donc qu’il a ainsi exécuté une obligation résultant du contrat de travail.

Le trajet peut ainsi être retenu comme étant en rapport direct avec l’exécution et/ou la fin du contrat de travail et la cour signale également que raisonner autrement reviendrait d’ailleurs à discriminer de manière importante les travailleurs occupés régulièrement en qualité d’intérimaires. Ceux-ci ont souvent des contrats de courte durée et ne seraient dès lors pas protégés par la réglementation durant un bon nombre de trajets, à savoir si un accident survient entre le lieu de travail à la résidence et ce à l’issue du contrat.

Le chemin du travail est dès lors retenu.

Les autres éléments constitutifs de l’accident du travail le sont également, étant que l’événement soudain est établi par des attestations et notamment des déclarations de l’employeur à la compagnie d’assurances. La cour retient également le fait que l’intéressé s’est présenté aux urgences vers 9hrs du matin, soit peu de temps après le fait accidentel invoqué et la circonstance que les conditions météorologiques étaient défavorables.

Elle ordonne dès lors la désignation d’un expert aux fins de donner un avis sur les séquelles de l’accident.

Intérêt de la décision

Cet arrêt pose, une nouvelle fois, la question de la couverture légale en cas de retour au domicile après un licenciement.

Cette décision semble la plus aboutie, quant au raisonnement suivi, étant que même si le contrat de travail est résilié (ce qui n’est pas contesté par les parties), le trajet parcouru par le travailleur pour retourner au domicile doit être couvert. Pour la cour, reprenant la jurisprudence de la Cour de cassation d’une part sur le caractère non limitatif des cas d’assimilation prévus à l’article 8 et d’autre part sur les limites des cas autorisés (étant que ne peuvent pas être couverts les trajets qui sont sans rapport direct avec la formation, l’exécution ou la fin du contrat de travail), la cour du travail utilise la règle selon laquelle est visé le trajet en rapport direct avec l’exécution et/ou la fin du contrat de travail.

L’on peut encore utilement renvoyer à cet égard à un précédent arrêt de la Cour du travail de Liège (C. trav. Liège, div. Liège, 15 mai 2014, R.G. 2013/AL/574 – précédemment commenté), pour un accident survenu sur le trajet du retour après un licenciement pour motif grave.


Accueil du site  |  Contact  |  © 2007-2010 Terra Laboris asbl  |  Webdesign : michelthome.com | isi.be