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Interdiction de cumul entre une indemnité compensatoire de préavis et des indemnités d’incapacité de travail : règles de prescription de la récupération

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 1er octobre 2014, R.G. 1.213

Mis en ligne le jeudi 2 avril 2015


Cour du travail de Bruxelles, 1er octobre 2014, R.G. n° 2012/AB/1.213

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 1er octobre 2014, la Cour du travail de Bruxelles rappelle que, lorsque l’indemnité compensatoire de préavis n’est versée qu’après le paiement des indemnités d’incapacité de travail, le délai de prescription ne peut prendre cours avant son paiement.

Les faits

Un employé est licencié pour motif grave en octobre 2006. Il est à ce moment en incapacité de travail et est à charge de son organisme assureur depuis le mois d’avril.

Une procédure est introduite en contestation du motif grave et, parallèlement, l’intéressé continue à dépendre du secteur AMI.

Plus de 3 ans plus tard, soit en décembre 2009, une indemnité compensatoire de préavis est payée. Elle couvre une période de 12 mois. En février 2011, l’organisme assureur demande le remboursement des indemnités d’incapacité de travail pour la période correspondante. Cette demande est formée dans un premier temps par lettre ordinaire et, un mois plus tard, par lettre recommandée.

Une requête est introduite devant le tribunal du travail en juillet 2011, demandant le remboursement des indemnités, d’un montant de l’ordre de 20.600 €.

Le premier juge considère que la prescription applicable est de 2 ans et que l’action est prescrite.

Appel est interjeté.

La décision de la cour

La cour constate que le débat ne porte pas sur la question du cumul, mais uniquement sur la prescription de l’action de l’organisme assureur. La cour rappelle l’article 174 de la loi coordonnée le 14 juillet 1994, qui, en son 5°, dispose que l’action en récupération des prestations payées indûment se prescrit par 2 ans, à compter de la fin du mois au cours duquel le paiement de ces prestations est effectué. Une exception est prévue, étant l’hypothèse de manœuvres frauduleuses, hypothèse dans laquelle le délai est porté à 5 ans. Suivent des règles d’interruption de prescription.

La cour constate que l’organisme assureur ne peut être suivi lorsqu’il demande l’application de la prescription quinquennale. Il n’y a, en effet, pas manœuvre frauduleuse du simple fait de ne pas avoir signalé le paiement de l’indemnité, même si l’assuré social s’était engagé à ce faire sur la feuille de renseignements. La cour retient le long délai écoulé entre la signature de ce document et la perception de l’indemnité.

La prescription est donc de 2 ans.

La question est dès lors de déterminer son point de départ. Si la loi précise que celui-ci prend cours à compter de la fin du mois au bout duquel les prestations AMI ont été payées, la Cour de cassation a cependant apporté, selon les termes précis de l’arrêt, un tempérament important à cette règle, et ce dans un arrêt du 26 juin 1995 (Cass., 26 juin 1995, n° S.95.0037.N), la Cour suprême ayant précisé que, si l’indemnité compensatoire est versée après les indemnités AMI, le délai de prescription ne peut prendre cours avant le versement de cette indemnité de rupture. La prescription ne peut en effet courir tant que la créance n’est pas exigible et que l’action en justice ne peut être introduite.

En conséquence, la cour considère en l’espèce que les indemnités d’incapacité de travail ont été versées normalement, tant que l’intéressé remplissait les conditions requises dans le secteur AMI, et ce jusqu’au versement de l’indemnité compensatoire de préavis. C’est ce paiement qui a conféré aux indemnités passées un caractère d’indu. La créance de l’organisme assureur est devenue exigible à ce moment.

La cour constate que le paiement est intervenu en décembre 2009 et que le délai de prescription, qui a pris cours à ce moment, a été interrompu en temps utile par un courrier recommandé envoyé en mars 2011.

La demande n’est dès lors pas prescrite.

Intérêt de la décision

La question tranchée par la cour, dans ce dossier, est récurrente, les effets de la décision judiciaire intervenant dans le cadre de la rupture du contrat de travail étant souvent différés de plusieurs années à compter de cette rupture. La situation du travailleur, qui a bénéficié d’indemnités AMI pendant cette période, est claire : tant que l’indemnité compensatoire de préavis n’est pas versée, les indemnités AMI sont payées normalement et régulièrement. Le versement de l’indemnité compensatoire a deux conséquences, étant d’une part de conférer aux indemnités précédemment versées (et qui ne peuvent se cumuler avec celle-ci) un caractère d’indu et, d’autre part, de faire courir le délai de prescription de l’action en récupération de l’indu.

Dans l’arrêt du 26 juin 1995, auquel la cour du travail renvoie, la Cour de cassation avait rappelé le mécanisme légal, étant que la prescription prévue par la loi du 9 août 1963 (applicable à l’époque) ne court que lorsque l’organisme assureur a droit à la récupération de la valeur des prestations indûment octroyées à charge de l’assurance indemnités. Le travailleur ne pouvant prétendre à celles-ci pour la période pour laquelle il a droit à l’indemnité due suite à la rupture du contrat de travail, il est cependant autorisé à bénéficier des indemnités AMI à la condition d’informer l’organisme assureur spécialement de toute procédure engagée en vue d’obtenir un tel avantage. Pour la Cour de cassation, il ressort de la connexité de ces dispositions que les indemnités qu’elle prévoit ont été octroyées régulièrement au travailleur si celui-ci a informé l’organisme assureur et s’il n’apparaît qu’en cours d’instance que celui-ci a droit ou non au remboursement des prestations. C’est le respect par le travailleur de son engagement d’informer l’organisme assureur de toute procédure engagée en vue d’obtenir une indemnité qui confère à l’octroi de celles-ci un caractère régulier. La prescription ne peut dès lors commencer à courir à la fin du mois auquel se rapportent les indemnités AMI versées.


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