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Contrôle de la recherche active d’emploi : obligation pour l’ONEm de respecter le principe d’exécution de bonne foi des conventions

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 18 décembre 2014, R.G. 2013/AB/229

Mis en ligne le jeudi 23 avril 2015


Cour du travail de Bruxelles, 18 décembre 2014, R.G. n° 2013/AB/229

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 18 décembre 2014, la Cour du travail de Bruxelles rappelle d’une part que les délais de la procédure d’activation sont des délais minimums et d’autre part qu’en cas de non respect par le chômeur des engagements pris, les principes d’exécution de bonne foi des conventions et de l’existence d’une force majeure peuvent en tempérer les effets.

Les faits

Une bénéficiaire d’allocations d’attente fait l’objet d’une première procédure d’activation du comportement de recherche active d’emploi dans les années 2007 et 2008. Celle-ci aboutit favorablement à l’issue du troisième entretien d’évaluation. Lors d’une nouvelle procédure, entamée en 2010, le premier entretien se solde par une conclusion négative. Un premier contrat d’activation est conclu et, lors du second entretien, il est constaté que le chômeur n’a pas respecté les engagements pris. Une exclusion temporaire (4 mois) est décidée.

Dans le cadre du deuxième contrat, des engagements sont pris, au nombre de cinq. Lors du troisième entretien d’évaluation, il est constaté que l’intéressé a été sans abri depuis plus de deux mois et était dans un home pour sans-abri, situation ayant entravé sa démarche de recherche d’emploi.

L’ensemble des engagements pris n’ayant pas été respectés, il est exclu totalement du bénéfice des allocations.

Un recours est introduit devant le Tribunal du travail de Bruxelles qui, par jugement du 18 janvier 2013, accueille celui-ci. Il considère que l’expulsion de l’intéressé est une situation proche de la force majeure, qui a été totalement imprévisible au moment de la conclusion du contrat et que l’ONEm devait tenir compte de cette situation. En outre, pour le tribunal, les éléments apportés confirment le respect d’un engagement considéré comme non abouti par l’ONEm.

L’Office interjette appel.

Position des parties devant la cour

L’Office considère que l’on peut admettre les éléments avancés par l’intéressé en vue de faire admettre l’impossibilité de respecter son contrat. Pour l’Office, le problème de logement n’empêchait pas celui-ci de tenir ses engagements et il renvoie également à la période préalable à l’expulsion, qui n’a pas davantage été concluante.

Décision de la cour du travail

La cour rappelle que les délais prévus entre les évaluations (articles 59quater et 59quinquies de l’arrêté royal) sont des délais minimums, le facilitateur ayant la possibilité de prolonger le délai quand le chômeur n’a pu respecter ses engagements, et ce suite à un élément imprévu et imprévisible.

Elle revient sur la jurisprudence de la Cour de cassation qui, dans son arrêt du 9 juin 2008 (Cass., 8 juin 2008, n° S.007.0082.F), a considéré que les engagements pris sont de véritables obligations civiles, de telle sorte que le juge ne peut en apprécier le caractère adéquat ou adapté. Il peut cependant vérifier si le chômeur s’y est conformé.

Pour la cour du travail, il découle de la nature civile de l’obligation qu’il faut y appliquer les dispositions du Code civil et, il en va ainsi pour l’obligation de l’exécution de bonne foi des conventions, qui figure à l’article 1134, alinéa 3 CC mais également des autres dispositions du même code, dont la force majeure ou le cas fortuit, prévus à l’article 1148. Ainsi, ceci viserait l’hypothèse d’un travailleur hospitalisé ou gravement malade.

La cour considère qu’il y a lieu de confirmer la position du tribunal, qui a retenu qu’il y avait eu du fait de l’expulsion impossibilité de respecter le contrat. Elle insiste sur le fait que l’intéressé a été confronté à des préoccupations d’ordre vital, prioritaires par rapport à celles du contrat d’activation.

En outre, il n’a pas pu bénéficier des facilités nécessaires pour rechercher un emploi et a également rencontré des difficultés d’ordre moral.

La cour relève que celles-ci ne sont cependant pas de nature à libérer l’intéressé de toute obligation mais que le facilitateur aurait pu prolonger la période considérée pour conclure une nouvelle convention ou encore adapter la convention existante.

L’ONEm est tenu, en effet, de respecter le principe de l’exécution de bonne foi des conventions et le facilitateur devait tenir compte de la situation particulière du chômeur. Elle conclut à l’absence d’exécution de bonne foi.

Dès lors, l’intéressé est rétabli dans ses droits aux allocations d’attente.

Intérêt de la décision

Ce bref arrêt rappelle que, si le contrat d’activation est à considérer comme un contrat contenant des obligations purement civiles (ce qui a mis un terme à la jurisprudence qui considérait pouvoir intervenir quant au caractère adapté ou adéquat des engagements pris), il en découle tout naturellement que les règles du Code civil relatives à l’exécution des conventions trouvent à s’appliquer.

En l’occurrence, le mérite de l’arrêt est de renvoyer au principe d’exécution de bonne foi des conventions contenues à l’article 1134, alinéa 3 du Code civil, principe qui implique la loyauté dans l’exécution de la convention. En l’occurrence, après avoir également rappelé une seconde règle, étant que les délais fixés dans le cadre de la procédure d’activation sont des délais minimums, la cour conclut qu’une exécution loyale aurait impliqué de prolonger le délai permettant au chômeur de respecter les engagements pris.

L’on peut encore rappeler, sur la même question, plusieurs arrêts renvoyant également aux conséquences de l’approche contractuelle, dont un arrêt de la Cour du travail de Mons du 3 février 2010 (R.G. n° 21.341) et un autre de la Cour du travail de Liège du 14 décembre 2012 (R.G. n° 2011/AL/656-657), qui ont intégré le principe d’exécution de bonne foi des conventions et l’hypothèse de la force majeure dans l’appréciation faite du respect par le chômeur des engagements dans le cadre de la procédure d’activitation.


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