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Congé parental : conditions de la protection contre le licenciement

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 31 mars 2015, R.G. 2013/AB/399

Mis en ligne le lundi 7 septembre 2015


Cour du travail de Bruxelles, 31 mars 2015, R.G. n° 2013/AB/399

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 31 mars 2015, la Cour du travail de Bruxelles pose le principe que le point de départ de la protection contre le licenciement en cas de demande de congé parental est la notification de la demande introduite selon les formes fixées par le texte instituant le droit au congé. N’importe quelle demande ne suffit pas.

Les faits

Un employé exerçant les fonctions d’assistant-réception dans une entreprise reçoit, après près de sept ans d’occupation, un avertissement. Sept mois plus tard, un entretien d’évaluation a lieu avec sa hiérarchie et cette évaluation est très moyenne (mention C sur une échelle de A à E). Un courriel lui est adressé le même jour dans la matinée afin de faire un débriefing de cet entretien. Une demi-heure plus tard, il envoie pour sa part un courriel au service des ressources humaines introduisant une demande de congé parental, devant débuter quatre mois plus tard. Il est licencié par courrier recommandé, le même jour, avec paiement d’une indemnité compensatoire de préavis.

Une procédure est introduite, dans laquelle il demande le paiement d’un complément d’indemnité compensatoire de préavis, ainsi qu’une indemnité de protection vu la demande de congé parental et subsidiairement des dommages et intérêts pour licenciement abusif.

Par jugement du 5 décembre 2013, le tribunal fait partiellement droit à la demande d’indemnité complément de préavis et accorde l’indemnité de protection.

Appel est interjeté par l’employeur.

Décision de la cour du travail

La cour statue sur deux chefs de demande, auxquels l’appel est limité, à savoir d’une part l’indemnité de protection et la demande de dommages et intérêts pour licenciement abusif.

Sur la question du congé parental, la cour rappelle qu’existent deux textes, étant d’une part la CCT du CNT n° 64 du 29 avril 1997 et d’autre part l’arrêté royal du 29 octobre 1997 relatif au congé parental dans le cadre d’une interruption de la carrière professionnelle.

A l’époque des faits, le congé parental ne pouvait être octroyé dans le cadre de la CCT n° 64, l’enfant de l’employé ayant plus de quatre ans (âge limite pour l’octroi du congé parental). Tel n’est pas le cas dans l’arrêté royal du 29 avril 1997, qui accorde cette possibilité jusqu’au douzième anniversaire de l’enfant. C’est dès lors ce cadre réglementaire seul qui est examiné (la cour ayant cependant souligné que la coexistence des deux textes a suscité beaucoup de difficultés).

La question débattue est celle du point de départ de la protection, puisque la demande avait été introduite avant l’envoi de la lettre recommandée de licenciement, selon le travailleur alors que, pour l’employeur, elle ne l’a pas été dans les formes prévues par l’arrêté royal (art. 6, § 1er).

La cour tranche en considérant que la protection prend cours le jour de la demande introduite selon les formes prévues par le texte, étant qu’est exigé une lettre recommandée ou la remise d’un écrit dont le double est signé par l’employeur au titre d’accusé de réception. Elle s’appuie sur la doctrine de J. HERMAN (J. HERMAN, Schorsing van de individuele arbeidsovereenkomst, Die Keure, 2010, p. 296). Le texte renvoie en effet à la loi de redressement du 22 janvier 1985, dont l’article 101 prévoit que l’interdiction faite à l’employeur de poser un acte tendant à mettre fin unilatéralement à la relation de travail (sauf pour motif grave ou pour motif suffisant) prend cours le jour de l’accord ou des parties si le travailleur ne peut pas faire valoir un droit à l’interruption de carrière et le jour de la demande s’il le peut. Pour la cour, le travailleur n’a le droit à un congé parental qu’à partir du moment où la demande est faite dans les formes et, à défaut, la protection ne prend pas cours. Elle ne le ferait qu’à partir du jour de l’accord donné par l’employeur dans une telle hypothèse.

S’appuyant sur les travaux préparatoires de la loi du 13 février 1998 (qui a modifié l’article 101), la cour renvoie à la volonté du législateur d’uniformiser le début du délai dans tous les cas où ce bénéfice est demandé, que ce soit en vertu d’une convention collective ou sur une autre base. Elle cite notamment le texte de la CCT n° 77bis en matière de crédit-temps, où la protection débute à la date de l’avertissement par écrit opéré conformément à ses dispositions, c’est-à-dire par lettre recommandée ou écrit dont le double et signé par l’employeur pour accusé de réception. Elle renvoie également à la CCT n° 64 qui prévoit, en son article 9, l’exigence d’un avertissement par écrit donné trois mois à l’avance, celui-ci se faisant par lettre recommandée ou remise d’un écrit dont le double est signé par l’employeur et vaut accusé de réception.

La cour se penche encore sur le droit communautaire, étant la Directive 96/34/CE du Conseil du 3 juin 1996 concernant l’Accord-cadre signé par les partenaires sociaux, qui impose aux Etats membres de prendre les mesures nécessaires pour protéger les travailleurs contre le licenciement, et ce afin d’assurer qu’ils puissent exercer leur droit au congé parental. Pour la cour, le droit belge n’est pas contraire à ce principe, dès lors qu’il entend faire débuter la protection à la date de l’introduction de la demande selon les formes requises.

La période de protection n’avait dès lors pas commencé en l’espèce.

La cour réserve encore quelques développements sur la question du caractère abusif du licenciement, rappelant qu’à l’époque, l’employeur n’était pas tenu de justifier du motif de la rupture hors abus du droit de rompre. Elle rappelle les principes de cette théorie et notamment la question de la charge de la preuve, constatant qu’il n’est nullement établi en l’espèce que le licenciement serait intervenu en représailles. La cour rappelle à cet égard que l’évaluation de la qualité des prestations était défavorable et que cette appréciation n’est pas utilement rencontrée.

Enfin, les circonstances concrètes du licenciement ne présentent pas de caractère offensant, la demande faite à l’employé de quitter les lieux sur le champ ne présentant pas un tel caractère.

Intérêt de la décision

Cet arrêt a une importance pratique indéniable, dans la mesure où il est souvent compris – à tort – que le seul fait d’avoir informé, par tout procédé de communication usuel de la volonté pour le travailleur d’exercer son droit au congé parental suffit pour bénéficier de la protection légale.

La cour rappelle très utilement que coexistent plusieurs textes, qui recoupent différentes situations et contiennent des conditions distinctes. Il a cependant été voulu, lors de la modification de l’article 101 de la loi de redressement du 22 janvier 1985 par la loi du 13 février 1998 portant des dispositions en faveur de l’emploi, d’harmoniser les textes, en tout cas sur la question du point de départ de la protection contre le licenciement.

La procédure implique l’obligation pour le travailleur de respecter les modes de notification de l’avertissement prévus, étant soit l’envoi d’un recommandé soit la remise d’un écrit dont le double est signé par l’employeur et qui vaut accusé de réception. Cette formalité emporte le droit à la protection contre le licenciement. Si les parties sont d’accord sur l’exercice du droit, cette hypothèse est également couverte même si la procédure ci-dessus n’a pas été suivie.


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