Terralaboris asbl

De la portée des promesses précontractuelles

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 24 février 2015, R.G. 2013/AB/416

Mis en ligne le lundi 14 septembre 2015


Cour du travail de Bruxelles, 24 février 2015, R.G. n° 2013/AB/416

TERRA LABORIS ASBL

Dans un arrêt du 24 février 2015, la cour du travail de Bruxelles rappelle que l’employeur qui s’engage par contrat à souscrire une assurance de type « revenu garanti » au bénéfice d’un de ses travailleurs, ne peut exciper du fait qu’aucune compagnie n’assure ce genre de risque pour les travailleurs ayant dépassé l’âge de la pension pour soutenir que, l’engagement étant impossible à réaliser, son bénéficiaire ou son ayant droit ne peut en exiger l’exécution.

Les faits

À l’âge de plus de 65 ans, Mr. S., de nationalité française et domicilié en France, est engagé, par une société belge à finalité sociale active dans l’aide au développement, en qualité d’assistant technique permanent pour une mission devant être exécutée outre-mer dans le cadre d’un projet de développement assuré par une autre organisation non gouvernementale.

Il est contractuellement prévu qu’il aura droit à une assurance de type « revenu garanti » dans les termes de la police souscrite auprès de l’assureur A.

En cours d’exécution de son contrat, l’intéressé s’inquiète de l’existence et de la couverture exacte de la police d’assurance. Son employeur finit par reconnaître qu’il ne peut être couvert, son assureur refusant de couvrir en salaire garanti des personnes de plus de 65 ans.

Entre-temps, Mr. S., tombé gravement malade, doit être rapatrié. Il ne perçoit, pendant son incapacité de travail, que les indemnités que lui verse la CFE, équivalent français de l’OSSOM, auprès de qui il s’était affilié.

Estimant n’être pas empli de ses droits, il attrait son employeur en paiement de l’intégralité de sa rémunération pendant sa période d’incapacité de travail.

À son décès, sa veuve reprend et poursuit la procédure.

Position des parties

À titre principal, la société soutient que c’est par erreur que le contrat comportait un engagement de souscrire une assurance de type « revenu garanti », aucune compagnie n’assurant ce genre de risque pour les travailleurs ayant dépassé l’âge de la pension. L’engagement étant impossible à réaliser, elle estime que Mr. S. ne pouvait en exiger l’exécution.

À titre subsidiaire, la société fait valoir que, si dommage il y a, celui-ci ne peut équivaloir qu’aux sommes qui auraient été payées par la compagnie d’assurances si un contrat avait été conclu et que, dans ce cas, les prestations de l’assurance auraient dû se voir appliquer une période de carence et se limiter à un plafond mensuel.

De son côté, la veuve de Mr. S. soutient que, à défaut de conclusion d’un contrat d’assurance, défaut qui repose sur la faute du seul employeur, ce dernier devait indemniser son conjoint en lui payant, pour toute la période d’incapacité de travail et jusqu’au jour du décès, l’intégralité de sa rémunération brute, sous déduction éventuelle de ses remboursements de frais professionnels, du montant des cotisations sociales et fiscales et des interventions de la CFE.

Position de la cour

Pour la cour, il n’est pas contestable que la société s’est contractuellement engagée à faire bénéficier Mr. S. d’un revenu garanti et que ce n’est qu’en raison de son défaut de prévoyance ou de bonne gestion qu’elle n’a pas pris en compte le fait que cet engagement n’a pu être réalisé par le biais d’une assurance et, en tout cas, par l’assureur désigné. C’est donc de sa faute que l’intéressé a été privé de l’indemnisation à laquelle il pouvait prétendre en application de la clause contractuelle litigieuse. Elle doit donc l’indemniser pour le dommage ainsi subi.

En revanche, la cour estime que la société n’est tenue à l’égard de Mr. S. et de son ayant droit que dans les limites dans lesquelles l’assureur serait intervenu si le contrat avait été souscrit. Il y a donc lieu d’admettre que l’indemnisation peut, sinon doit, tenir compte d’une période de carence et d’un plafond d’intervention mensuelle comme prévu aux conditions générales d’une assurance.

Reste toutefois que la question demeure entière puisque tant la durée de la période de carence que le montant de l’intervention mensuelle sont réglés par les conditions particulières du contrat qui, en la cause, font défaut dès lors que ce dernier n’a jamais été conclu.

Dès lors que Mr. S. était le seul coopérant au service de la société et que, partant, aucune comparaison utile ne peut être faite avec des collègues directs se trouvant dans une situation équivalente, la cour s’en réfère, pour connaître les conditions particulières auxquelles le contrat couvrant Mr. S aurait pu être conclu, hors condition d’âge, aux conditions particulières de l’assurance collective souscrite par l’ONG, maître du projet de coopération, au profit de ses propres coopérants auprès de la compagnie d’assurances A. ou de toute autre compagnie d’assurances.

Intérêt de la décision

La solution dégagée par la cour est la stricte application des principes civilistes : pacta sunt servanda. Ne sont pas pertinentes les circonstances externes à l’engagement pris par l’employeur, en l’espèce l’absence de couverture par l’assureur du risque que l’employeur s’est engagé à couvrir, en l’espèce un revenu garanti.


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