Terralaboris asbl

Réduction du taux majoré des allocations pour l’enfant orphelin : pas d’exigence de cohabitation effective avec un tiers dans le chef du parent survivant

Commentaire de C. trav. Mons, 11 octobre 2007, R.G. 17.361

Mis en ligne le vendredi 21 mars 2008


Cour du travail de Mons, 11 octobre 2007, R.G. n° 17.361

TERRA LABORIS ASBL – Sandra Cala

Dans un arrêt du 11 octobre 2007, la Cour du travail de Mons a rappelé les conditions légales de suppression du taux majoré si le parent survivant se remarie ou est établi en ménage.

Les faits

Une dame X, veuve, mère de deux enfants, se remarie en juillet 1997.

Début 1998, la Caisse considère qu’il y a un indu consistant dans la majoration du taux des allocations familiales pour la période d’août 1997 à décembre 1997.

Un recours est introduit par l’intéressée, la cohabitation n’ayant pas été effective pendant toute la période.

La position du tribunal

Le premier juge déboute la Caisse de sa demande de remboursement, introduite à titre reconventionnel, au motif que la cohabitation effective avec le conjoint n’avait débuté qu’en décembre 1997.

Il déclare par ailleurs la demande originaire irrecevable, le recours ayant été introduit contre la citation notifiant le montant de l’indu à rembourser.

La position des parties en appel

La Caisse interjette appel, s’appuyant sur les termes de l’article 56bis, § 1er des lois coordonnées du 19 décembre 1939, considérant que celui-ci est de stricte interprétation : le simple fait d’être engagé dans les liens du mariage suffit pour que les allocations familiales ne soient plus octroyées au taux majoré, et ce à dater du premier jour du mois qui suit le mariage.

Quant à la demanderesse originaire, elle sollicite la confirmation du jugement sauf en ce qu’il a déclaré irrecevable sa demande.

La position de la Cour

La Cour envisage, d’abord, l’appel incident de la demanderesse originaire, relatif à la recevabilité de son action. Elle considère que la notification de l’indu est une décision se subdivisant en deux parties : la première constatant l’origine de l’indu et la seconde invitant le destinataire à rembourser celui-ci. La décision qui explicite la raison pour laquelle les allocations auraient été payées à un taux non adapté et qui reprend la disposition légale applicable, invitant au remboursement, statue sur le droit de l’assuré social et peut dès lors faire l’objet d’un recours. La demande, fondée sur cette décision, ne peut dès lors être irrecevable.

Sur l’appel principal, la Cour rappelle la version de l’article 56bis, § 2, al. 1er (applicable aux faits), étant que les allocations familiales calculées selon les taux de l’article 56bis (allocations d’orphelins) sont à ramener aux taux de l’article 40 (allocations mensuelles de base) lorsque le père survivant ou la mère survivante est engagé(e) dans les liens d’un mariage ou est établi en ménage. Pour l’application de cette disposition, il y a présomption d’établissement en ménage lorsqu’il y a cohabitation entre personnes (de sexe différent), sauf lorsque ces personnes sont parentes ou alliées jusqu’au 3e degré inclus. Cette présomption peut être renversée.

La disposition poursuit (§2, al. 2) que le bénéfice du paragraphe précédent peut être invoqué à nouveau si les causes d’exclusion visées ci-dessus ont cessé d’exister ou si le mariage de l’auteur survivant, non établi en ménage, est suivi d’une séparation de corps ou d’une séparation de fait consacrée par une ordonnance judiciaire assignant une résidence séparée aux époux.

La Cour relève que les termes de cette disposition sont clairs : le taux majoré n’est plus accordé dès que le père survivant ou la mère survivante est engagé(e) dans les liens d’un mariage ou est établi en ménage (mais il peut être réalloué ultérieurement).

Le premier juge a, ainsi, ajouté à l’article 56bis, § 2, une condition qui n’y figure pas, étant qu’il a tenu compte du fait que la réalité juridique du mariage ne pourrait à elle seule entraîner la perte du taux majoré lorsque celui-ci n’est pas concrétisé dans les faits par la cohabitation des époux.

En outre, la Cour rejette l’argument de la mère, qui invoquait qu’aucun élément modificatif de sa situation sociale et financière n’était venu accompagner le mariage. La Cour rappelle que, en vertu de la jurisprudence de la Cour de cassation (Cass., 13 janvier 1992, Chron. Dr. Soc. 1992, p. 293), dès que les conditions de l’article 52bis §2 sont remplies, il n’y a pas lieu de rechercher en outre si la cohabitation a procuré un avantage économique à l’allocataire.

Sur cette question, la Cour rappelle également l’arrêt de la Cour constitutionnelle du 24 mars 2004 (Juris, JX043O1) selon lequel l’article 52bis ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution, lus isolément ou en combinaison avec l’article 191, au motif que, dès lors qu’il y a majoration des allocations à la suite du décès d’un des parents – quelle que soit la situation économique dans laquelle le décès place l’orphelin mineur -, il n’est déraisonnable ni de retirer cette majoration si le parent survivant fonde un nouveau ménage ni de l’octroyer à nouveau si cette situation prend fin, et ce sans avoir égard aux conséquences économiques de l’événement en cause.

Intérêt de la décision

La Cour statue sur un cas d’espèce relatif à la période antérieure à la modification légale introduite par la loi du 12 août 2000. Actuellement, depuis la modification de l’article 56bis par celle-ci, sont visés le remariage ou le ménage de fait avec une personne autre qu’un parent ou allié jusqu’au 3e degré inclusivement (sans plus de référence au sexe). La loi a précisé que la cohabitation de l’auteur survivant avec une personne autre qu’un parent ou allié jusqu’au 3e degré inclus fait présumer, jusqu’à preuve du contraire, l’existence d’un ménage de fait. Depuis la loi du 27 décembre 2004, il est ajouté que le bénéfice des allocations majorées peut de nouveau être invoqué si l’auteur survivant ne cohabite plus avec le conjoint avec qui un nouveau mariage a été contracté ou avec la personne avec laquelle un ménage de fait a été formé. La séparation de fait doit apparaître par la résidence principale séparée des personnes en cause (an sens de la législation relative au registre national des personnes physiques), exception faite des cas dans lesquels il ressort d’autres documents officiels que la séparation est effective, bien qu’elle ne corresponde pas ou plus avec les informations obtenues auprès de ce registre.
Par plus que dans sa version précédente, la disposition actuelle n’exige dès lors qu’en cas de mariage, il y ait cohabitation effective.


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