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Remboursement des allocations de chômage indûment payées et bonne foi

Commentaire de C. trav. Liège (div. Namur), 8 septembre 2015, R.G. 2014/AN/117

Mis en ligne le jeudi 14 janvier 2016


Cour du travail de Liège (div. Namur), 8 septembre 2015, R.G. 2014/AN/117

Terra Laboris ASBL

Dans un arrêt du 8 septembre 2015, la Cour du travail de Liège (div. Namur) rappelle, en reprenant la jurisprudence de la Cour de cassation, que la négligence du chômeur n’exclut pas la bonne foi et que celle-ci peut résulter de la complexité de la réglementation.

Les faits

Un assuré social a fait l’objet d’une décision d’exclusion des allocations en juillet 2012, exclusion assortie d’une récupération pendant une période de 7 mois et demi, au motif que la condition de résidence effective en Belgique n’était pas remplie.

L’intéressé bénéficiait d’une adresse de référence à Namur. Il a ultérieurement été radié d’office, au motif qu’il ne s’était pas présenté à celle-ci pendant une période de 3 mois. Une procédure l’a alors opposé au C.P.A.S. devant le Tribunal du travail de Namur, qui a condamné le Centre à poursuivre l’inscription à l’adresse de référence. Il a été admis dans cette décision que l’intéressé, qui n’avait pas relevé son courrier à l’adresse de référence, avait exposé ne pas avoir pu quitter sa résidence à l’étranger (Tchéquie), eu égard à des problèmes de santé.

L’affaire fut ainsi portée à la connaissance de l’ONEm, qui prit la décision administrative litigieuse.

Deux arrêts ont été rendus sur la question par la Cour du travail de Liège (div. Namur).

L’arrêt du 3 février 2015

Ce premier arrêt (commenté précédemment) a fait le point sur la notion de résidence effective et/ou résidence principale dans le cadre de la réglementation chômage. Il est renvoyé au commentaire fait sur cette question.

L’arrêt du 8 septembre 2015

Dans ce second arrêt, la cour vide sa saisine, après avoir statué sur la question de la récupération des allocations.

Elle constate que, d’une part, l’intéressé plaide la bonne foi, n’ayant jamais cherché à masquer sa situation et faisant valoir la complexité de la matière et que, d’autre part, l’ONEm considère que l’intéressé doit établir sa bonne foi et qu’il n’apporte aucun élément concret de nature à convaincre d’une présence significative en Belgique.

La cour reprend également l’avis du Ministère public, qui conclut à la limitation de la récupération aux 150 derniers jours, eu égard à la complexité de la réglementation et, également, à la circonstance que rien n’indique que l’intéressé aurait eu conscience du fait qu’il ne pouvait percevoir les allocations.

En ce qui concerne la notion de bonne foi elle-même, la cour rappelle qu’elle peut être invoquée en cas d’indû. En principe, toute somme perçue indûment doit être remboursée. Cette règle est contenue à l’article 169, alinéa 1er, de l’arrêté royal du 25 novembre 1991, qui contient une dérogation en son alinéa 2, étant qu’en cas de bonne foi, il y a limitation de la récupération aux 150 derniers jours d’indemnisation. La cour relève – tout en retenant que ce cas n’est pas celui de l’espèce – que la limitation n’est pas applicable en cas de cumul d’allocations avec une autre prestation accordée par la sécurité sociale.

Elle reprend les définitions qui ont été données de la bonne foi en doctrine, étant qu’il faut entendre par là l’ignorance légitime de celui qui perçoit des allocations auxquelles il n’avait pas droit, et ce au moment où elles lui ont été versées. Pour la cour du travail, c’est l’état d’esprit du chômeur au moment où il reçoit les allocations qui va déterminer s’il y a perception de bonne foi ou non. Elle renvoie également au fait qu’en cas de cumul d’allocations sociales, la bonne foi est exclue, impliquant une présomption de conscience de l’indu, circonstance qui n’impose pas de rechercher un manquement dans le chef du chômeur.

La cour précise encore sa perception de la finalité de la disposition, étant d’éviter les situations sociales les plus injustes, au cas où le chômeur n’aurait pas été en mesure d’anticiper l’obligation de restitution. C’est la conscience du caractère indu qui doit être examinée plutôt que d’éventuelles erreurs ayant donné lieu au paiement. La cour rappelle ici l’arrêt de la Cour de cassation du 16 février 1998 (Cass., 16 février 1998, n° S.97.0137.N), selon lequel la négligence du chômeur à l’origine de l’indu n’exclut pas la bonne foi de celui-ci.

Examinant les éléments du dossier, la cour considère ensuite que les événements qui ont essentiellement trait à l’origine de l’indu sont sans importance. Par contre, la complexité de la matière, étant les conditions d’exportation des allocations de chômage, pouvait permettre à l’intéressé de considérer légitimement qu’il pouvait bénéficier des allocations.

Il y a dès lors bonne foi et la récupération doit être limitée aux 150 dernières allocations.

Intérêt de la décision

Les difficultés relatives à la notion de résidence effective et de résidence principale ayant été réglées par le premier arrêt rendu, le 3 février 2015, la cour aborde ici un deuxième volet, beaucoup plus général, étant celui de la notion de bonne foi dans la réglementation du chômage.

Elle a ainsi l’occasion de revenir sur un important arrêt de la Cour de cassation du 16 février 1998, dans lequel la Cour suprême a posé comme principe que la négligence n’exclut pas la bonne foi. Le pourvoi faisait valoir que cette notion, au sens de l’article 169, alinéa 2, de l’arrêté royal, doit être appréciée eu égard aux connaissances subjectives et aux intentions du chômeur et que le juge du fond ne pouvait retenir en l’espèce l’ignorance de la langue comme élément susceptible d’établir la bonne foi, dans la mesure où il admettait également que cette ignorance ne constitue pas une excuse ayant pour effet que des déclarations requises n’auraient pas été faites. Pour la Cour de cassation, une telle appréciation de la notion de bonne foi n’est pas contradictoire. D’une part, l’ignorance de la langue en elle-même ne constitue pas une telle excuse, mais elle peut d’autre part intervenir comme élément susceptible d’établir la bonne foi.

En l’espèce, la Cour du travail de Liège a admis que la complexité de la réglementation du chômage, sur la notion précise de résidence – couplée à la circonstance que l’intéressé avait fait le nécessaire en vue d’obtenir une adresse de référence – était un élément suffisant susceptible d’établir la bonne foi requise.


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