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Accident du travail : rémunération de base pour le travailleur en crédit-temps

Commentaire de C. trav. Liège (div. Liège), 29 janvier 2016, R.G. 2015/AL/212

Mis en ligne le jeudi 28 avril 2016


Cour du travail de Liège (division Liège), 29 janvier 2016, R.G. 2015/AL/212

Terra Laboris

Dans un arrêt du 29 janvier 2016, la Cour du travail de Liège (division Liège), saisie de la question de la fixation de la rémunération de base d’un travailleur en crédit-temps, et ce pour la période de l’incapacité temporaire, rappelle qu’eu égard au caractère d’ordre public de la loi, l’on ne peut, par analogie, appliquer les règles en matière de temps partiel, dans la mesure où le travailleur a été engagé à temps plein.

Les faits

Un travailleur fut victime d’un accident du travail en septembre 2009, accident reconnu et pour lequel l’assureur-loi intervint en conséquence. Un litige opposa cependant rapidement les parties, le travailleur étant en crédit-temps (mi-temps). Il avait dès lors une rémunération calculée sur la base des prestations effectuées et percevait en outre un complément de l’ONEm. A l’issue du crédit-temps (soit environ 5 mois après l’accident), l’indemnisation de l’ONEm cessa et l’assureur considéra que, cette circonstance lui étant étrangère, il était autorisé à poursuivre son intervention sur la base de la rémunération prise en compte au moment de l’accident.

Il fut mis fin à la reconnaissance de l’incapacité par décision de l’assurance du 12 avril 2010.

Le travailleur introduisit, dès lors, une procédure devant le Tribunal du travail de Liège (division Liège).

La décision du tribunal

L’expert désigné par un premier jugement aboutit à la reconnaissance de deux périodes d’incapacité temporaire totale, entrecoupées d’une période d’incapacité temporaire partielle (20%). A l’issue de la seconde, une nouvelle incapacité temporaire partielle fut admise à raison de 50% pendant 6 semaines et de 25% l’année suivante (après une période de reprise du travail). L’expert consolida avec un taux d’I.P.P. de 15% à la date de la dernière période d’incapacité temporaire partielle. Ses conclusions furent entérinées. La rémunération de base fut calculée pour la période d’incapacité temporaire à un montant de l’ordre de 12.300 € et, pour l’incapacité permanente, à un total de l’ordre de 29.000 €.

Appel fut interjeté par le travailleur, essentiellement sur la rémunération de base de l’incapacité temporaire. Il faisait valoir que ce montant avait été calculé sans tenir compte du fait qu’il était en crédit-temps jusqu’au 1er mars 2010 et qu’à partir de cette date, vu la cessation du paiement des allocations par l’ONEm, l’assureur devait payer les indemnités sur la base d’un temps plein. La rémunération correspondante était de l’ordre de 24.750 € et non de 12.300 €.

La décision de la cour

La cour est essentiellement saisie de la question du calcul de la rémunération de base. Il s’agit, en effet, de faire la distinction entre le travail à temps plein et celui à temps partiel.

Les articles 34, 36 et 37bis de la loi du 10 avril 1971 règlent la question.

La rémunération de base est, en la matière, celle à laquelle le travailleur a droit pour l’année qui a précédé l’accident, et ce en raison de la fonction exercée au moment de celui-ci. La période de référence sera complète si le travailleur a presté toute l’année à raison d’un temps plein. Si elle n’est pas complète ou si, en raison de circonstances occasionnelles, la rémunération est inférieure à celle qu’il perçoit normalement, il y a lieu de compléter la rémunération perçue par une rémunération hypothétique (article 36, § 1er).

La cour souligne que cette rémunération hypothétique est ainsi à appliquer dans deux cas, étant que le travailleur a été occupé pendant la période de référence dans l’entreprise et dans la fonction, mais que sa période de prestation n’est pas considérée comme complète ou encore que la rémunération est inférieure à la rémunération normale.

Par ailleurs, reprenant également les termes de l’article 37bis de la loi, selon lesquels lorsque la victime est engagée en qualité de travailleur à temps partiel, la rémunération de base pour l’incapacité temporaire est fixée uniquement en fonction de celui-ci, la cour rappelle que, s’agissant de dispositions d’ordre public, il y a lieu de les interpréter restrictivement.

Le travailleur a été engagé à temps plein et l’assurance ne pouvait appliquer, par analogie, d’autres dispositions, en l’espèce celles relatives au calcul de la rémunération de base en cas d’occupation à temps partiel.

Ce sont dès lors les articles 34, 35 et 36 de la loi qui doivent être retenus. Dans la mesure où le travailleur était lié par un contrat de travail à temps plein et que, pour des circonstances temporaires occasionnelles, sa rémunération a été réduite, eu égard au crédit-temps, il faut se référer à la règle générale de l’article 36, § 1er de la loi et, la période étant incomplète, le salaire de base doit être complété ainsi que fixé par cette disposition.

Une réouverture des débats est ordonnée aux fins de procéder aux calculs.

Intérêt de la décision

Cet arrêt aborde une question très intéressante, étant celle de la rémunération de base pour l’incapacité temporaire en cas d’accident du travail survenu à un travailleur en crédit-temps.

A diverses reprises, l’arrêt souligne que la législation est d’ordre public et que les règles de calcul en matière de rémunération de base doivent être interprétées restrictivement, aucun raisonnement par analogie avec d’autres dispositions ne pouvant intervenir. La situation de la victime est, pour la cour, visée par l’hypothèse prévue à l’article 36, § 1er de la loi, étant que la rémunération du travailleur a été inférieure à la rémunération qu’il percevait normalement, et ce à cause de circonstances occasionnelles.

L’on notera que l’on ne voit pas souvent de cas d’application de cette hypothèse de « circonstances occasionnelles ». La cour inclut parmi celles-ci le cas du crédit-temps, et d’autres situations du même ordre pourraient également, à notre estime, être examinées dans le cadre de cette disposition.


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