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Obligations des C.P.A.S. en matière d’aide médicale urgente

Commentaire de Cass., 21 septembre 2015, n° S.14.0053.F

Mis en ligne le jeudi 12 mai 2016


Cour de cassation, 21 septembre 2015, n° S.14.0053.F

Terra Laboris

Dans un arrêt du 21 septembre 2015, la Cour de cassation a rejeté un pourvoi contre un arrêt de la Cour du travail de Bruxelles du 12 mars 2014, qui avait confirmé l’obligation pour le C.P.A.S. d’octroyer l’aide médicale urgente si l’aide matérielle n’est pas demandée ou si le demandeur ne s’est pas engagé par écrit sur son souhait de l’aide proposée.

Rétroactes

La Cour de cassation est saisie d’un pourvoi d’un C.P.A.S. de la Région bruxelloise, condamné à octroyer l’aide médicale urgente.

Dans ce litige, il n’est pas contesté qu’il y avait un état de besoin, non plus que les intéressés résidaient sur le territoire où le C.P.A.S. est compétent. La cour du travail avait relevé que les demandeurs, séjournant avec leurs enfants de moins de 18 ans illégalement sur le territoire, n’avaient pas introduit de demande d’hébergement et qu’il ne leur avait pas été demandé de se prononcer par écrit sur le fait de savoir s’ils acceptaient ou non l’aide matérielle proposée.

Le C.P.A.S. avait contesté ne pas être déchargé de ses obligations, estimant que l’Agence FEDASIL avait une compétence exclusive en vertu de l’article 25 de la loi du 12 janvier 2007, dite « loi accueil ». La cour du travail avait rejeté cet argument, au motif que les intéressés n’étaient pas demandeurs d’asile et que, en outre, la procédure de l’arrêté royal du 24 juin 2004 n’avait pas été menée correctement à son terme. Les intéressés ne pouvaient dès lors être qualifiés ni de bénéficiaires d’un accueil ni de demandeurs ayant exprimé par écrit leur souhait de ne pas bénéficier de celui-ci. La cour du travail avait en conséquence mis à charge du C.P.A.S. l’aide médicale urgente pour une période de 3 mois (novembre 2011 à février 2012). La demande en intervention contre FEDASIL avait été rejetée, l’Agence n’étant pas – comme le prétendait à tort le C.P.A.S. – « le premier débiteur de l’aide ».

Le pourvoi

Le pourvoi reprend le mécanisme de l’article 57, § 2, de la loi du 8 juillet 1976 et en conclut qu’il appartient aux familles en séjour illégal de se prononcer sur le principe de l’hébergement en centre d’accueil de FEDASIL. Selon l’arrêté royal du 24 juin 2004 (articles 2 à 4), la procédure visant à obtenir l’aide matérielle de l’article 57, § 2, alinéa 2, de la loi n’impose nullement l’obligation pour le C.P.A.S. de demander aux personnes sollicitant l’aide matérielle de se prononcer par écrit sur le fait de savoir si elles acceptent ou non celle-ci dans un centre d’accueil, non plus que celle de formuler une telle demande après l’enquête sociale.

Il fait également valoir qu’il n’appartient pas au C.P.A.S. d’établir la chronologie des étapes de la procédure prévue par l’arrêté royal et que l’Agence FEDASIL ne doit pas être informée de la décision du Centre, en dehors de l’hypothèse où le demandeur prend l’engagement écrit d’accepter la proposition d’hébergement. Il soutient, enfin, que cet arrêté royal ne soumet pas la décharge du C.P.A.S. à l’introduction d’une demande d’hébergement par les personnes elles-mêmes.

La décision de la Cour

La Cour rejette le pourvoi, considérant que, dans les circonstances de l’espèce, le C.P.A.S. n’était nullement déchargé de son obligation d’accorder l’aide médicale urgente.

En effet, l’article 57, § 2, alinéa 1er, de la loi est une disposition dérogatoire. Elle limite les missions du Centre à i) l’octroi de l’aide médicale urgente pour les étrangers en séjour illégal et ii) au constat de l’état de besoin si les parents n’assument pas ou ne sont pas en mesure d’assumer leur devoir d’entretien à l’égard de leurs enfants mineurs séjournant avec eux illégalement sur le territoire. Dans cette seconde hypothèse, l’aide sociale est limitée à l’aide matérielle indispensable pour le développement de l’enfant, et ce dans un centre fédéral d’accueil, conformément aux modalités fixées par le Roi. L’article 60 de la « loi accueil » prévoit que l’Agence FEDASIL doit accorder l’aide matérielle aux mineurs séjournant illégalement avec leurs parents sur le territoire et dont l’état de besoin a été constaté par le C.P.A.S., et ce dès lors que ces mêmes parents ne sont pas en mesure de remplir leur devoir d’entretien vis-à-vis d’eux. Cette aide est également prise en charge dans le cadre des structures d’accueil de FEDASIL.

Si les conditions d’octroi de l’aide matérielle sont remplies, l’article 4 de l’arrêté royal du 24 juin 2004 fait obligation aux C.P.A.S. d’informer le demandeur qu’il peut obtenir cette aide dans un centre d’accueil (alinéa 2) et le demandeur doit s’engager par écrit sur son souhait ou non de bénéficier d’une telle aide (alinéa 3). En cas d’acceptation de la proposition d’hébergement, le C.P.A.S. doit informer FEDASIL de la décision d’octroi du droit à l’aide matérielle.

Pour la Cour de cassation, l’ensemble de ces dispositions implique que, si l’aide matérielle n’est pas demandée ou si le demandeur n’a pas pris l’engagement écrit ci-dessus sur le fait qu’il souhaite cette aide, la mission d’octroyer l’aide médicale urgente aux parents et aux enfants mineurs incombe au C.P.A.S. en vertu de l’article 57, § 2, alinéa 1er, de la loi.

Intérêt de la décision

Cet arrêt de la Cour de cassation précise l’articulation entre les trois textes, étant la « loi accueil » d’une part, la loi du 8 juillet 1976 organique des C.P.A.S. de l’autre et, enfin, l’arrêté royal du 24 juin 2004 visant à fixer les conditions et modalités pour l’octroi d’une aide matérielle à un étranger mineur qui séjourne avec ses parents illégalement dans le Royaume.

Cet arrêté royal vise en effet uniquement le droit à l’aide matérielle du mineur en séjour illégal avec ses parents (eux-mêmes en situation irrégulière). L’article 2 de cet arrêté royal précise qu’en vue d’obtenir l’aide matérielle visée à l’article 57, § 2, alinéa 2, de la loi du 8 juillet 1976, une demande doit être introduite auprès du C.P.A.S. de la résidence habituelle du mineur, et ce soit par le mineur lui-même, soit en son nom par au moins un de ses parents ou par toute personne qui exerce l’autorité parentale.

Le C.P.A.S. doit faire une enquête sociale, vérifiant notamment les éléments ci-dessus, ainsi que le fait que l’enfant est indigent et que ses parents (ou les personnes exerçant l’autorité parentale) n’assument pas ou ne sont pas en mesure d’assumer leur devoir d’entretien.

Cette aide prend la forme d’un hébergement en centre communautaire, de nourriture, d’accompagnement social et médical ou d’aide au retour volontaire et elle garantit également le droit à l’enseignement. L’arrêté royal prévoit que, si le demandeur s’engage par écrit à accepter une telle proposition d’hébergement dans un centre, l’Agence FEDASIL est informée par le C.P.A.S. de la décision d’octroi de l’aide matérielle prévue à l’article 57, § 2, alinéa 2, de la loi du 8 juillet 1976. Si les conditions fixées par l’arrêté royal ne sont pas remplies, cette procédure ne doit pas s’appliquer et le C.P.A.S. n’est pas déchargé de ses missions. C’est ce que rappelle l’arrêt de la Cour de cassation.


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