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Parfumeries : quelle est la commission paritaire compétente ?

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 24 février 2016, R.G. 2012/AB/1.268

Mis en ligne le lundi 12 septembre 2016


Cour du travail de Bruxelles, 24 février 2016, R.G. 2012/AB/1.268

Terra Laboris

Par arrêt du 24 février 2016, la Cour du travail de Bruxelles met un terme à une longue discussion initiée par un groupe de parfumerie quant à la commission paritaire dont ses magasins doivent dépendre. C’est la C.P. n° 207 et non la 201.

Les faits

Un groupe commercial s’occupant de parfumeries chapeaute onze sociétés distinctes exploitant des points de vente (parfums et cosmétiques). Se pose depuis de longues années la question de la commission paritaire compétente. La Direction générale des relations collectives de travail du S.P.F. Emploi est intervenue à diverses reprises, donnant des avis, et ce suite à des enquêtes de l’I.L.S. Ces enquêtes ont généralement abouti à retenir la commission paritaire n° 207 (employés de l’industrie chimique). Une contestation intervient au niveau du groupe, qui considère devoir relever de la C.P. 201 (commerce de détail indépendant), dans la mesure où les sociétés exercent une activité de vente au détail.

De nouvelles tractations sont en cours, à la fin des années 2000, une convention collective de travail ayant été conclue au sein du groupe et prévoyant le passage de toutes les sociétés à la C.P. 201 à dater du 1er juillet 2008, sauf opposition d’une « autorité compétente ».

Suite à de nouvelles investigations, la D.G.R.C.T. fait savoir, en juillet 2009, qu’elle maintient les avis précédents. La conclusion de l’administration est particulièrement motivée. Après avoir repris le champ d’application de la C.P. 207, elle souligne que seules quelques activités sont exclues de son champ d’application (C.P. 202, 311 et 312). Elle conclut qu’un employeur qui fait du commerce de détail de parfums et de produits de beauté et qui n’est ni une grande entreprise de vente au détail ni un grand magasin ni un commerce de détail alimentaire ressortit à la compétence de cette C.P. 207.

Le dossier est, sur ces bases, réactivé par l’O.N.S.S., qui considère, pour cinq des sociétés faisant partie du groupe et toujours en C.P. 201, qu’elles sont redevables de cotisations.

Les parties décident de porter l’affaire devant les juridictions du travail.

Le Tribunal du travail de Bruxelles ayant conclu à la compétence de la C.P. 207, appel est interjeté. Le litige est examiné par la cour, alors que le premier juge n’avait pas vidé sa saisine, une réouverture des débats étant ordonnée pour ce qui est du montant des cotisations au Fonds de Sécurité d’Existence des Employés de l’Industrie chimique et du montant définitif de la créance de l’O.N.S.S.

Position des parties

Pour les sociétés, il y a appartenance à la C.P. 201, l’activité principale étant la vente au détail. La commission 201 est compétente pour de telles entreprises qui ne ressortissent pas aux commissions paritaires des grandes entreprises de vente au détail, des grands magasins et des magasins d’alimentation à succursales multiples. Elle plaide également que la C.P. 207 vise les employés de l’industrie chimique, c’est-à-dire ceux occupés à des activités d’exploitation de matières premières, etc., et que les règles de cette commission paritaire ne sont pas adaptées à ses activités.

Pour l’O.N.S.S., les entreprises en cause sont expressément visées dans le cadre de la C.P. 207, alors que la C.P. 201 n’a qu’une compétence résiduaire pour ce qui est du commerce de détail. Il renvoie aux arrêtés royaux définissant le champ d’application des commissions paritaires et conclut qu’il faut les interpréter de manière stricte.

La décision de la cour

La cour reprend les règles en matière de ressort d’une commission paritaire, telles qu’explicitées, notamment, dans la jurisprudence de la Cour de cassation. Le ressort d’une commission paritaire est en règle déterminé par l’activité principale de l’entreprise concernée, sauf si un autre critère est fixé dans l’arrêté qui l’institue (renvoyant ainsi notamment à Cass., 14 mai 2007, n° S.06.0043.F).

Après avoir repris le champ d’application de la C.P. 207 (dans laquelle les secteurs d’activité des parfums, extraits d’eaux de toilette, produits cosmétiques, etc., sont expressément visés), elle renvoie à un arrêt de la Cour suprême, relatif, celui-ci, à la C.P. 207 elle-même. Dans une décision du 17 juin 1996 (Cass., 17 juin 1996, n° S.95.0105.N), la Cour a en effet posé la règle que, dès qu’une ou plusieurs des activités précitées constitue(nt) l’activité principale de l’entreprise, il y a appartenance à la C.P. 207.

Elle constate que les sociétés ont pour activité principale la vente au détail de parfums et que des constats importants doivent être faits quant au champ d’application :

  • Les activités visées concernent la production, la transformation, le façonnage, le conditionnement, mais également le commerce et la distribution de produits chimiques. Dès lors que seule une de ces activités constitue l’activité principale de l’entreprise, ceci suffit.
  • Le texte vise également de manière spécifique les produits vendus, étant les parfums, les extraits d’eaux de toilette, les produits cosmétiques, d’hygiène et de toilette.
  • Il exclut certaines entreprises relevant d’autres commissions paritaires (mais non celle-là).

L’appelante restant en défaut d’établir qu’elle dépendrait d’une des activités exclues, la cour rejette sa contestation. Elle relève cependant qu’il est possible que certaines dispositions des conventions collectives conclues au sein de la C.P. 207 ne soient pas très adaptées aux sociétés exerçant le commerce de parfums comme activité principale, mais que l’on ne peut pas de ce fait ne pas appliquer la réglementation, la cour soulignant que le champ de compétence d’une commission paritaire ne doit pas être totalement homogène et que certaines entreprises peuvent occuper dans celui-ci une place plus périphérique et être moins concernées par la production normative de cette commission.

La cour rencontre encore brièvement des arguments tirés du caractère discriminatoire du champ d’application (qui exclut des grandes entreprises de vente au détail mais non des entreprises de moindre taille ou qui vendraient d’autres produits que des parfums).

Il y a certes une distinction, étant que des critères ont été retenus, incluant ou excluant certaines entreprises, notamment celui du nombre de travailleurs occupés, mais celui-ci n’est pas discriminatoire.

Intérêt de la décision

La question semble avoir été âprement discutée entre les administrations et ce groupe commercial depuis la reprise en 2007 des activités par un groupe de distribution chapeautant l’ensemble des sociétés exerçant l’activité de vente.

L’affaire oppose le groupe exploitant à l’O.N.S.S., l’enjeu étant les éléments réservés par le tribunal, à savoir les cotisations au F.S.E. des employés de l’industrie chimique, ainsi que le montant définitif de la créance de l’Office. Aucun détail n’est donné quant à ces éléments.

Dans la mesure, cependant, où les barèmes appliqués au personnel sont ceux de la C.P. 201 et qu’il y a eu reconnaissance avec effet rétroactif de l’appartenance à une autre commission paritaire, l’affaire pourrait induire d’autres litiges, sur le plan du droit du travail, la convention collective d’entreprise qui a admis l’application des barèmes de la C.P. 201 ne répondant plus à la réalité judiciaire.


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