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Règlements de coordination de sécurité sociale : obligations des Etats en matière de déclaration

Commentaire de C.J.U.E., 3 mars 2016, Aff. n° C-12/14 (COMMISSION EUROPENNE c/ REPUBLIQUE DE MALTE)

Mis en ligne le vendredi 23 septembre 2016


Cour de Justice de l’Union européenne, 3 mars 2016, Aff. n° C-12/14 (COMMISSION EUROPENNE c/ REPUBLIQUE DE MALTE)

Terra Laboris

Par arrêt du 3 mars 2016, la Cour de Justice de l’Union européenne précise l’étendue des obligations des Etats membres en matière de déclaration au sens de l’article 9 du Règlement n° 883/2004 : dès lors qu’une législation n’a pas été déclarée par un Etat comme entrant dans le champ d’application de la coordination, un autre Etat n’est pas tenu de vérifier si tel est bien le cas.

L’origine de la question préjudicielle

La Commission européenne a introduit une procédure en manquement contre la République de Malte. Elle a en effet été saisie de plaintes de citoyens maltais à propos de leur pension de retraite. En vertu de la loi maltaise relative à la sécurité sociale, le montant d’une pension de retraite perçue au titre de régime de pension de la fonction publique britannique est en effet déduit de leur pension légale maltaise.

Pour la Commission, la République de Malte devait vérifier si les régimes de pension britanniques entrent dans le champ ratione materiae du règlement de coordination, et ce indépendamment du fait qu’ils n’ont pas été déclarés par le Royaume-Uni au titre de l’article 9 du Règlement n° 883/2004. En vertu de celui-ci, les Etats membres doivent en effet notifier par écrit à la Commission les législations et les régimes entrant dans le champ d’application des règlements de coordination. Les notifications doivent comporter la date à partir de laquelle le règlement est applicable au régime tel que précisé par les Etats membres.

L’objet de l’examen de la Cour

La Cour est ainsi saisie de la question de savoir si les Etats membres ont l’obligation de vérifier la législation d’un autre Etat de l’Union afin de s’assurer qu’elle relève du champ d’application matériel des règlements de coordination (article 5 du Règlement n° 1408/71 et article 9, § 1er, du Règlement n° 883/2004), et ce nonobstant le fait qu’un autre Etat membre n’a pas fait la déclaration qui est imposée.

Se pose également la question de savoir si la République de Malte est tenue par le fait que les régimes britanniques de pension de retraite visés n’ont jamais été repris dans les déclarations faites par le Royaume-Uni.

La décision de la Cour

La Cour rappelle sa jurisprudence constante, étant que, si une loi ou une réglementation n’a pas fait l’objet de la déclaration requise, cette circonstance ne saurait par elle-même suffire à établir que la loi ou la réglementation en cause ne relève pas du champ d’application de la coordination.

Tout Etat membre doit, en vertu du principe de coopération loyale repris à l’article 4, § 3, T.F.U.E., procéder à un examen diligent de ses régimes de sécurité sociale et faire au terme de celui-ci les notifications requises. La déclaration crée une présomption que la législation nationale visée relève du champ d’application matériel des règlements et lie en principe les autres Etats membres. Si un Etat s’abstient de déclarer une législation nationale au titre du règlement de coordination, un autre Etat peut, en principe, en déduire que la législation en cause ne relève pas de ce champ d’application matériel. Aussi longtemps que la déclaration faite par un Etat membre n’est pas modifiée ou retirée, les autres Etats doivent en tenir compte.

La question se pose plus précisément dès lors qu’une déclaration soulève des interrogations et que les Etats membres ne peuvent pas, comme le souligne l’arrêt, s’accorder, notamment en ce qui concerne la qualification des législations ou des régimes. Dans cette hypothèse, il leur est cependant loisible de s’adresser à la commission administrative et, si celle-ci n’arrive pas à concilier les points de vue, il appartient dans ce cas à l’Etat membre de s’adresser à la Commission ou, en dernier recours, d’engager une procédure sur la base de l’article 259 T.F.U.E.

Même en l’absence d’une obligation générale des Etats de vérifier si la législation en cause entre dans le champ d’application matériel des règlements, une juridiction nationale peut cependant toujours examiner la qualification du régime en cause dans l’affaire qui lui est soumise et elle peut, dans une telle hypothèse, poser à la Cour de Justice la question préjudicielle y relative. Il n’y a cependant pas, dans les dispositions visées, une obligation faite à un Etat membre autre que celui qui a institué la loi ou la réglementation – mais ne l’a pas déclarée comme entrant dans le champ d’application de la coordination – de déterminer de son propre chef si celle-ci doit être considérée comme entrant dans ce champ d’application.

En conséquence, elle rejette le recours.

Intérêt de la décision

La question dont la Cour de Justice a été saisie est importante, puisqu’elle est ainsi amenée à rappeler l’étendue des obligations des Etats membres eu égard aux déclarations notifiées par les autres Etats, conformément aux règlements eux-mêmes.

La Cour a rappelé sa jurisprudence sur les obligations des Etats découlant du principe de coopération loyale et a souligné qu’il découle également de ce principe que les autres Etats membres sont en droit de s’attendre à ce que l’Etat membre concerné se soit conformé aux obligations qui lui sont imposées par les règlements. La valeur des déclarations faites est celle d’une présomption que les réglementations nationales relèvent du champ d’application matériel du Règlement.

La Cour a résumé la portée des articles 5 du Règlement n° 1408/71 et 9, § 1er, du Règlement n° 883/2004 comme n’imposant pas à un Etat de vérifier la nature de la loi ou de la réglementation non déclarée par un autre Etat membre. Elle a cependant souligné qu’un Etat membre n’est pas privé de toute possibilité de réagir lorsqu’il a connaissance d’informations qui suscitent des doutes quant à l’exactitude des déclarations faites.

Le recours est rejeté dès lors que la Commission a fondé celui-ci sur l’existence d’une obligation générale à charge des Etats de vérifier si les législations non déclarées comme entrant dans le champ d’application du Règlement relèvent néanmoins de celui-ci.

L’on notera, enfin, qu’il eut été beaucoup plus logique et conforme au droit de l’Union que le recours ait été introduit contre le Royaume-Uni.


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