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Accident du travail dans le secteur public : l’employeur peut-il demander au juge de réduire le taux fixé par le MEDEX ou l’OML ?

Commentaire de Cass., 13 octobre 2014, n° S.13.0121.N

Mis en ligne le vendredi 23 septembre 2016


Cour de cassation, 13 octobre 2014, R.G. n° S.13.0121.N

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 13 octobre 2014, la Cour de cassation est saisie d’un pourvoi d’un employeur public contre un arrêt de la Cour du travail d’Anvers, qui avait conclu que l’employeur et le juge sont tenus par ce taux fixé par l’OML. L’absence de possibilité pour l’employeur de le contester en justice ne constitue pas une infraction à l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme.

Rétroactes

La Cour de cassation est saisie d’un pourvoi contre un arrêt du 10 septembre 2012 rendu par la Cour du travail d’Anvers. Il s’agit de déterminer, dans le cadre de la loi du 3 juillet 1967, l’indemnisation des séquelles d’un accident du travail subi par un inspecteur de police, victime d’une agression.

Son employeur, la Ville de Bruxelles, a reconnu l’incident comme accident du travail et l’Office médico-légal (OML) du SPF Santé publique a retenu un taux d’IPP de 50% avec une date de consolidation en novembre 2004. La cour du travail a rejeté la demande de la Ville de faire fixer l’incapacité permanente sur la base d’un taux moins élevé. La Ville entendait faire revoir la décision de l’OML, position que la cour n’a pas retenue au motif qu’elle est contraignante à l’égard de l’employeur public et également à l’égard des juridictions du travail. L’article 6 de la C.E.D.H. étant avancé par la Ville, la cour du travail avait conclu que les règles en vigueur dans le secteur public n’impliquent ni la violation du droit à un procès équitable au sens de cette disposition ni celle du principe d’égalité consacré par les articles 10 et 11 de la Constitution.

La cour avait longuement repris les éléments de droit à l’appui de sa conclusion, examinant, essentiellement sur le premier point, la question de savoir si les dispositions de l’arrêté royal du 30 mars 2001, en vertu desquelles la décision médicale de l’OML est contraignante à l’égard de l’employeur constitue une restriction « matérielle » ou une restriction « procédurale ».

Le pourvoi

Le pourvoi, en ce qu’il se fonde sur le droit à un procès équitable au sens de l’article 6.1. de la C.D.E.H., se penche notamment sur le droit fondamental à l’accès à un tribunal, le moyen considérant en sa première branche que ce droit peut faire l’objet de restrictions mais qu’il ne peut cependant être restreint au point d’être affecté dans son essence même, à savoir qu’une partie serait privée du droit de soumettre le fond du litige aux juridictions. Il y a en l’espèce un droit matériel de contestation, étant le droit aux indemnités légales dues par la Ville.

Le moyen fait dès lors grief à la cour d’avoir décidé qu’en application de l’article 19 de la loi du 3 juillet 1967 l’employeur public est habilité à saisir les juridictions du travail quant à ce droit mais – comme c’est le cas en l’espèce – les juridictions sont liées par la décision de l’OML concernant l’incapacité permanente et, en conséquence, elles sont tenues de la respecter. Dès lors qu’il est admis par la cour du travail que les dispositions en cause constituent une restriction matérielle du droit à l’accès à un tribunal (et non une restriction procédurale prohibée), est entravé le droit fondamental à l’accès à un juge, puisque celui-ci ne peut statuer sur la demande.

Décision de la Cour

En de très brefs attendus, la cour rejette le pourvoi. Elle considère que le régime d’indemnisation des accidents du travail organisé par la loi du 3 juillet 1967 et ses arrêtés d’exécution octroie un droit matériel au seul membre du personnel d’un service public victime de l’accident (ou atteint d’une maladie professionnelle). Elle considère que le moyen manque en droit, dès lors qu’il est entièrement fondé sur la thèse que le régime des accidents du travail dans le secteur public reconnaît l’existence d’un droit matériel dans le chef de l’employeur public, étant une administration qui met au travail.

Intérêt de la décision

C’est, à notre sens, la première fois que la Cour de cassation est interrogée sur cette question, au départ de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

La cour y énonce de manière claire que seule la victime a un droit matériel en contestation, contrairement à son employeur.

L’on rappellera que l’arrêt de la cour du travail du 10 septembre 2012 (R.G. n° 2011/AA/352 – disponible sur www.terralaboris.be) avait renvoyé à deux arrêts de la Cour de cassation des 7 février 2000 (Cass., 7 février 2000, n° S.99.0122.N et Cass., 8 mai 2000, n° S.98.0147.F), qui avaient, le premier, rappelé que le tribunal du travail qui statue sur une contestation concernant le pourcentage d’invalidité permanente au sens de l‘article 19 de la loi du 3 juillet 1967 ne peut accorder un pourcentage d’invalidité permanente inférieur à celui qui a été reconnu par le service médical et, le second, retenu que l’article 9, alinéa 3 de l’arrêté royal du 24 janvier 1969 laisse aux parties toute liberté de consentement, notamment en ce qui concerne la fixation, dans les limites de la décision du service de santé administratif, du pourcentage de l’incapacité permanente du travailleur.


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