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Portée de la présomption légale d’occupation à temps plein en cas d’occupation à temps partiel irrégulière

Commentaire de Cass., 25 janvier 2016, n° S.15.0070.N

Mis en ligne le lundi 10 octobre 2016


Cour de cassation, 25 janvier 2016, n° S.15.0070.N

Terra Laboris

Par arrêt du 25 janvier 2016, La Cour de cassation a cassé un arrêt de la Cour du travail d’Anvers qui avait considéré qu’en cas d’occupation à temps partiel sans respecter les obligations légales (publicité et mentions obligatoires) la preuve de l’impossibilité d’exécution des prestations à temps plein devait être mise à charge de l’O.N.S.S.

Rétroactes

La Cour de cassation est saisie d’un pourvoi contre un arrêt rendu par la Cour du travail d’Anvers le 9 janvier 2015. Il s’agissait pour la cour du travail d’examiner un litige opposant un employeur à l’O.N.S.S., concernant le respect de la réglementation sur le temps partiel.

L’Inspection sociale avait effectué un contrôle dans une entreprise en mars 2009 et avait constaté plusieurs infractions, étant que l’employeur n’était pas en mesure de produire le contrat de travail d’un travailleur occupé à temps partiel et que l’horaire (22 heures par semaine) n’était pas repris dans le règlement de travail. Un procès-verbal fut rédigé, constatant la mise au travail d’un travailleur à temps partiel sans respecter les mesures de publicité relatives aux horaires du temps partiel.

Pour la cour du travail, dès lors que le travailleur effectue son travail en vertu de son contrat de travail pendant les heures d’ouverture du commerce (heures fixées selon un horaire) et qu’il établit que son horaire a toujours été respecté, c’est à l’O.N.S.S. de prouver le contraire. La cour admet l’impossibilité matérielle pour le travailleur de prester selon un temps plein, sur la base des constatations des services de l’Inspection, selon lesquelles aucun élément en sens contraire n’a été produit.

L’arrêt en déduit que les services de l’Inspection ne permettent pas de faire application de l’article 22ter de la loi, n’ayant pas constaté l’impossibilité matérielle d’effectuer un travail à temps plein. Pour la cour du travail, la condition permettant à la présomption de travail à temps plein de jouer n’est pas remplie dans le cas d’espèce et l’O.N.S.S. ne peut dès lors l’invoquer.

La décision de la Cour de cassation

L’O.N.S.S. s’est pourvu en cassation.

Après avoir rappelé le cadre légal, la Cour va casser l’arrêt.

En vertu de l’article 22ter de la loi du 28 juin 1969, à défaut d’inscription dans les documents requis ou d’utilisation des appareils de contrôle visés par la loi du 22 décembre 1989, les travailleurs à temps partiel sont présumés – sauf preuve du contraire – avoir effectué leurs prestations dans le cadre d’un contrat de travail en qualité de travailleurs à temps plein. A défaut de publicité des horaires de travail à temps partiel, conformément à la même loi, les travailleurs à temps partiel sont présumés – sauf preuve du contraire – avoir effectué leurs prestations dans le cadre d’un contrat de travail en qualité de travailleurs à temps plein.

L’article 157 de la loi-programme du 22 décembre 1989 impose par ailleurs l’obligation de conserver une copie du contrat de travail du travailleur à temps partiel (ou d’un extrait contenant les horaires et l’identité du travailleur, avec sa signature et celle de l’employeur) à l’endroit où le règlement de travail peut être consulté conformément à la loi du 8 avril 1965.

La Cour renvoie également à l’article 1352 du Code civil, selon lequel la présomption légale dispense de toute preuve celui au profit duquel elle existe.

Appliquant ces principes aux éléments tranchés par la Cour du travail d’Anvers, la Cour de cassation constate que celle-ci a mis à charge du demandeur en cassation, soit l’O.N.S.S., la preuve de l’exécution d’un temps plein, et ce en violation des dispositions ci-dessus. Ceci est contraire au mécanisme légal.

L’affaire est renvoyée à la Cour du travail de Gand.

Intérêt de la décision

Le point de droit tranché par la Cour de cassation dans cet arrêt est la portée de la présomption de l’article 22ter, en cas de non-respect des mesures de publicité et de conservation exigées par la loi-programme du 22 décembre 1989.

En l’espèce, les services de l’Inspection du travail n’ont pas procédé à des constatations approfondies sur l’impossibilité matérielle d’effectuer un travail à temps plein. Ceci ressort de l’arrêt de la Cour du travail d’Anvers. La conclusion dégagée par celle-ci - étant que la charge de la preuve de cette impossibilité appartient à l’O.N.S.S. - est contraire au mécanisme légal de la présomption. Celle-ci dispense, en effet, de toute preuve celui au profit duquel elle existe, et ce en application des règles générales de droit civil (article 1352 du Code civil). La présomption réfragable de l’article 22ter, selon laquelle les travailleurs à temps partiel ont effectué un travail à temps plein en cas d’absence de publication des horaires de travail normaux, ne trouvera pas à jouer lorsqu’il est prouvé qu’il est matériellement impossible d’effectuer un travail à temps plein.

Cette preuve n’est, selon l’arrêt, pas à charge de l’O.N.S.S.

L’on notera que cette affaire porte sur l’article 22ter avant sa modification par la loi du 29 mars 2012.

L’on peut encore renvoyer sur la question de la présomption à un arrêt récent du 29 février 2016 (Cass., 29 février 2016, n° S.15.0052.F – précédemment commenté), dans lequel la Cour de cassation a confirmé, à propos de l’article 171, alinéa 2 de la loi-programme du 22 décembre 1989, que le travailleur ne peut se prévaloir de cette présomption pour réclamer la rémunération correspondant à un travail à temps plein, cette disposition étant dérogatoire à la règle selon laquelle la rémunération est la contrepartie du travail fourni. La présomption ne vaut donc que dans les rapports entre l’employeur et l’O.N.S.S.


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